Transe, méditation, demi-sommeil : l'hypnose est un phénomène complexe à définir mais dont l'usage se fait de plus en plus fréquent dans les milieux médicaux. Quels en sont les effets réels et à quelle régulation de la pratique se fier ?
Pour en parler, Marguerite Catton reçoit Jean-Marc Benhaiem, médecin hypnothérapeute, qui a créé le premier diplôme universitaire d'hypnose médicale à la Pitié Salpêtrière, praticien attaché dans des Centres de traitement de la douleur à Paris et auteur de plusieurs ouvrages dont : "Le Guide de l'Hypnose".
Visuel de la vignette : Science Photo Library / Getty
#santé #sommeil #hypnose
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#environnement #biodiversité #ogm
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François m'a rappelé un épisode de la Bible : Moïse, devant le buisson ardent, demande à Dieu qui il est, Il répond : "Je suis ce que je suis." Finalement, cette définition de Dieu que recueille Moïse est une bonne suggestion de ce à quoi peut tendre l'être humain. La souffrance disparaît dès que la personne adhère à la réalité de ce qu'elle est, de ce qu'elle croit être ou a peur d'être. "Je suis mélancolique", "Je suis dépressive", "Je suis un mauvais père", etc. Ce n'est pas un acte de contrition, mais une affirmation de ce qui est, pris d'un certain point de vue.
Lorsqu'on rumine, lorsqu'on ressasse son histoire et sa souffrance, la pensée s'active. Il s'agit d'une pensée obsédante, tourmentée, qui cherche à comprendre les mécanismes et les causes pour apaiser le mal. Le discours est donc composé de ce mélange de culpabilité, de colère parfois et de bien d'autres émotions. Mlle D a perdu l'usage de ses jambes à la suite d'un accident qui a blessé gravement sa moelle épinière. Il lui arrive de se comparer aux personnes valides qu'elle croise ; elle pense alors à tous ces voyages qu'elle ne peut plus faire et ressent encore plus fortement ses douleurs. Quand elle travaille, quand elle brode, ses douleurs disparaissent. Une intense occupation la détourne de ses douleurs. Elle n'y est plus connectée. A l'inverse, la plainte, les regrets la ramènent à sa souffrance et ses douleurs s'intensifient.
Parmi toutes les portes empruntables, celle de la pensée se présente tout naturellement à une personne qui souffre. Les consultations hospitalières de la douleur sont assaillies de personnes qui cherchent désespérément une explication à leurs douleurs et qui se retrouvent dans une cogitation intellectuelle intense. Cette activité de la pensée ressemble à un labyrinthe sans issue. La question se pose alors de savoir si c'est la réflexion qui est mal menée ou si c'est la porte de la pensée qui est murée, sans issue.
Redevenir sensible, sans restriction, n'est pas sans conséquences. Rester insensible ou peu sensible permet d'éviter de résoudre les problèmes existants ou ceux qui se présentent. A l'inverse, être sensible oblige à réagir à toute confrontation. Pour accepter de ressentir à nouveau, il faut n'avoir rien à perdre. Le point d'appel, puis d'appui, est souvent une grande souffrance qui oblige à se rendre sensible tout court, sans condition. La personne se laisse ressentir tout ce qui vient, à la manière d'un animal. Elle retrouve sa boussole biologique. Voilà ce que propose l'hypnose : franchir des portes pour approcher le sentio, ergo sum. Le sentir provoque une cascade de réactions en chaîne ; il permet une reprise du mouvement. Se mouvoir à nouveau dans son propre corps et à la place qui est la sienne, voilà ce qui est porteur de guérison.
Une personne dit : « Je me déteste, je ne me supporte pas comme je suis ! – Mettez-vous à côté de vous ! Asseyez-vous et regardez-vous. » Je pourrais dire à la personne : « Détestez-vous ! » Ce qui l’entraînerait à adhérer à ce qu’elle pense d’elle. Je peux dire aussi : « Mettez-vous à côté de vous et supportez-vous ! » A un moment donné, la personne dit oui. Là, elle entre dans la réalité et il y a un autre processus qui se met en place. Elle va enfin trouver, là où elle est. Elle va enfin adhérer à son état actuel. Et quand on entre dans la réalité, c’est-à-dire dans ce que je peux supporter, je suis vrai.
L'hypnose fait appel à l'imagination et aux sensations. Pour modifier les perceptions, il faut passer par la confusion qui pousse à rechercher d'autres appuis. Elle est à la base du soin. Elle ouvre vers du doute, elle oblige à quitter les certitudes et le rationnel. La confusion de l'hypnose ferme la porte de la pensée qui ressasse ou qui rumine. La confusion ouvre la porte de l'imaginaire qui joue à percevoir un corps différemment. Le virtuel de l'hypnose ouvre la porte de l'espace, la porte du mouvement et la porte du temps présent.
Le simple fait de décrire et de revendiquer ce qui est annule tous les efforts qu'une personne peut accomplir pour lutter contre la réalité. L'hypnose nous fait prendre les choses comme elles sont et met un terme à nos tentatives de les vouloir autrement qu'elles sont ou de nous escrimer à les façonner selon nos désirs. Il fallait préserver les apparences, sauver la face, préserver une image.
L'hypnose consiste à supprimer les représentations et à affirmer dans le détail tout ce qui était redouté et qui est simplement vrai : celle-ci.
Le psychiatre américain Milton Erickson utilisait le même procédé : ne pas exclure une difficulté. Il disait qu'il fallait plonger le problème dans le cerveau non conscient pour qu'il finisse par se dissoudre. François Roustang le confirme lorsqu'il dit à quelqu'un qui, par exemple, se sent abandonné et en souffre : "Mettez ce qui vous fait souffrir dans vous comme une pastille effervescente dans un verre jusqu'à dissolution complète." C'est une porte d'entrée que d'injecter le symptôme pour qu'il soit absorbé dans la personne. Dans certains cas, il est conseillé d'enclencher un interrupteur qui empêche le problème de prendre forme.
Au cours d'une séance d'hypnose récente avec un patient expert-comptable souffrant de dépression, il m'apparaît que sa souffrance provient d'un conflit avec ses parents jamais heureux de ses choix professionnels. Il va mal depuis six mois. Comme il me dit qu'il se sent nul, je lui réponds que son malaise provient peut-être de la pression exigeante que ses parents et de la sienne. Il confirme la réalité de cette pression. Je lui dis que s'il accepte ce jugement d'être nul, il n'aura plus aucune pression. Il rit, ferme les yeux, ne dit rien pendant dix bonnes minutes. Puis, il les rouvre et m'explique que la pression est partie et le malaise avec.
La souffrance provenait de ce refus d'être nul. Le soin repose sur cette affirmation de ce qui est. Il est dépressif, il se sent nul.
Il se rebelle un peu, mais finalement accepte cette proposition avec beaucoup d'humour.
Je lui ai demandé d'être lui-même, tel qu'il est, comme il est. Et c'est à ce moment précis qu'il va mieux.
Cette façon d'agir pour le thérapeute n'est pas une stratégie. Il n'attend rien d'autre que l'acte d'être ce qu'on est.
A l'inverse, tous les grands découvreurs sont passés par de périodes de confusion : ils avaient travaillé et réfléchi tant et plus sur un problème, jusqu'au stade où ils n'y comprenaient plus rien, vraiment plus rien ; ils ont alors jeté l'éponge, rendu les armes, et se sont vautrés sous un pommier ou sur un canapé, la tête lourde et brouillée, la "conscience déstructurée". D'autres ont regardé un film idiot à la télévision. Et la découverte leur est venue, le surlendemain. Ils ne s'y attendaient plus. Demandez à Newton ou à Einstein.
Il convient d'oublier un instant notre malheur, de faire semblant d'en être libéré, pour vérifier que d'autres ressources sont là, d'autres modalités d'existence, d'autres régimes de conscience de soi au monde.