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Critiques de Jean-Marc Heran (1)
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Brel

Voici bien la justification : il n'y a pas plus de parangon dans la chanson que dans tout autre art. Jacques

Brel était, face à Brassens, ce que la tempête est au calme, ce que le rouge est au bleu, ce que le feu est à

l'eau. Lorsque Brel arrive à Paris, en 1953, il a vingt-quatre ans et la fougue d'un adolescent indigné. Cela n'a

pas tardé à nous plaire et je suis convaincu que son succès auprès des jeunes répond à de semblables

sentiments.

Oui, Jacques Brel était indigné et ne craignait pas de le chanter. Dès son enfance, il observe cette caricature

de société qui l'environne, ce mélange de beaux sentiments et de conscience tranquille qui permet

d'esquiver les questions embarrassantes. Pourquoi la misère, pourquoi ce Dieu qui ne répond pas, pourquoi

la guerre, pourquoi l'hypocrisie ? Déjà, Don Quichotte le hante. Brel veut conserver l'espoir.

Pourtant il nous reste à rêver

Pourtant il nous reste à savoir

Et tous ces loups qu 'il faut tuer

Tous ces printemps qu'il reste à boire. *

Brel a fait sourire à ses débuts, l'intelligentsia trouvait à redire sur la qualité de l'écriture, sur la forme, sur

ces idées qui sentaient le feu de camp et le scoutisme. Pour nous, il exprimait tout simplement des questions

qui nous concernaient. Justice lui fut bientôt rendue, grâce à l'adhésion du public qui obligea les critiques

professionnels à réviser leur jugement un peu hâtif. Dès 1957, Brel est au zénith de sa gloire. Il a rencontré

deux musiciens qui épousent son talent et complètent son univers musical, repoussent les limites et les

contraintes qui entravaient son évolution. François Rauber et Gérard Jouannest accompagneront Jacques Brel

pendant toute sa carrière de chanteur. Ils seront les magiciens qui organisent les tumultes de notes et les

grondements d'harmonies dans lesquels Brel peut se laisser aller jusqu'au délire, jusqu'à l'explosion de nos

enthousiasmes.

Jusqu'en 1967, Jacques Brel a donné tout ce qu'il pouvait donner, jusqu'à sa propre usure. Lorsqu'il

annonça ses adieux, personne ne voulu le prendre au sérieux. Pourtant, sa décision fut irrévocable, sans

même un regret. Brel envisageait de prendre d'autres risques dans d'autres disciplines, la chanson lui avait

permis de dire ce qu'il avait à dire. Au-delà de ce seuil, il ne pouvait plus que se répéter, pourrait-il faire

mieux ? Les critiques de ses débuts auraient été trop heureux de démasquer ses faiblesses, la seule façon de

vivre est de " vivre debout "· C'est le retour de Don Quichotte, éternel quêteur d'absolu, qui l'habite à nouveau

comme un enchantement. Pour s'exorciser, il ne lui reste plus qu'à prêter son corps à ce fantôme de

plus en plus encombrant. Sur une comédie musicale américaine, Jacques Brel réécrit l'histoire de ce Chevalier

à la triste figure qui lui ressemble comme un frère. L'aventure de L'Homme de la Mancha représente un travail

de titan. Il n'y a pas grand monde pour croire à la réussite d'une telle folie, la comédie musicale ne

marche pas en France ! Brel parviendra à en faire un triomphe, la salle est pleine tous les soirs et les réservations

n'ont jamais été aussi prospères lorsque Brel décide à nouveau de s'arrêter.

Oui, Jacques Brel n'était pas un être facile à vivre, bien des femmes vous le diront. Mais il va enfin trouver

un peu de sérénité en s'éloignant de tout et de tous. En arrivant aux Marquises, il sait déjà que le temps

lui est compté et fait semblant de l'ignorer, il faut éviter que la maladie fasse trop d'ombre aux bonheurs du

jour.

Cependant, les thèmes et les textes des chansons de son dernier disque, préparé sous le soleil des

Marquises, sont encore imprégnés de vieilles rancunes, d'anciennes colères et de questions toujours sans

réponses ... Pourquoi ont-ils tué jaurès ? Jacques Brel, fidèle à lui-même, vient de cracher sa dernière dent,

mais veux tu que je te dise, gémir n'est pas de mise, aux Marquises.
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