Citations de Jean-Marc Parisis (98)
Mais emmanché, qu’entend-il par emmanché ? Quand il traite quelqu’un d’emmanché, généralement un conducteur sur la route, je vois du bois, du bois m’apparaît, la matière bois, une pièce de bois, une charrue, une barrique, un établi ou les ramures, les bois d’un cerf, qui n’en ont que le nom puisque ce sont des os. Emmanché, l’injure boisée, taillée comme un crayon dans la bouche paysanne du père.
Aujourd'hui les dimensions de liberté, d'intimité et de mystère, essentielles au rapport amoureux comme à la vie de tous les jours, ont pratiquement disparu. Beaucoup de gens sont trop abîmés pour aimer qui que ce soit. Ils fantasment l'amour sans le vivre. l'amour reste l'exception quand la loi commune est le néant.
Aujourd'hui les dimensions de liberté, d'intimité et de mystère, essentielles aqu rapport amoureux comme à la vie de tous les jours, ont pratiquement dispariue. Beazcoup de gens sont trop abîmés pour aimer qui que ce soit
Cela dit, la conscience morale naît peut-être de la sensation que les yeux des défunts se posent sur nous. La gêne engendrée par certaines pensées, certains gestes procède peut-être du sentiment que les morts nous surplombent, nous observent. Ils ne sont pas toujours sur notre dos, ils ne nous trouvent pas forcément dignes d'intérêt, mais quand l'envie leur en prend, ils peuvent nous voir nus, dans nos gloires et nos faiblesses.
Ava ne rejoindra jamais le cortège des disparus dont on s'arrange de l'absence en se disant que c'est la vie. Pas plus qu'elle ne rentrera dans le rang du souvenir, dans l'ordre figé de la mémoire. Elle a toujours trop bougé, refusé les places, les rôles... Elle était si humble et si orgueilleuse qu'elle ne postulait à rien, pas même au souvenir.
Je ne la reverrai plus, je ne l'entendrai plus ici-bas. Elle a quitté la salle des pas perdus. Mais le vent subtil qu'elle levait partout où elle passait n'a pas fini de me réveiller. Il traverse encore ses pages, y souffle sans s'arrêter. Il continuera de courir, attisant la question qu'elle se posait et à laquelle elle tenait tant : comment vivre ?
L'époque préfigurait la nôtre : un monde de damnés, paniqués, fous d'eux-mêmes, prêts à tout pour cannibaliser l'autre...
Elle est arrivée, et pour moi le monde en fut changé. Elle est partie, le monde bascule encore.../... Marqués autant par ce que nous fûmes que par ce que nous ne fûmes pas l'un pour l'autre... Comme toute histoire incomplète, elle ne s'achèvera pas. Cela me donne du temps, le temps qu'il me reste, pour réfléchir au sens de l'amour.
En temps de paix, la douleur d'amour est la seule peine considérable. Celle que l'on ne soupçonnait pas, qui vous étonne, vous perd, vous épouvante par son pouvoir de déportation, d'avancement, de transcendance.... Et l'angoisse qui vous étreint n'est pas celle de mourir, mais d'accepter la nouvelle vie que vous fait la douleur...
… elle souriait au soleil qui beurre...
La caméra lui découvrait une vie qu’il ne soupçonnait pas, généreuse, idéale, réveillant, rameutant, libérant les êtres qui le composaient, tous ces moi que l’on a en soi, qui ne se connaissent pas entre eux et entre lesquels on ne croit pas devoir choisir. La caméra ferait de la place à tout ce monde. Il s’agissait bien d’amour puisque ce sentiment le grandissait, le multipliait, et d’un amour réciproque, la caméra l’aimant pareillement, éclairant, découpant, exaltant ses traits, suscitant, épousant ses mouvements, lui procurait un plaisir nouveau, toujours différent. Ce serait toujours la première fois quand la caméra le filmerait.
D'une certaine façon, sa position ne manquait pas de sagesse face à l'époque. Au début des années quatre-vingt-dix, les progrès de la vanité et de la parodie - deux symptômes d'un désespoir général qui deviendrait au fil du temps de plus en plus agressif - commençaient à pourrir tout commerce humain. L'époque préfigurait la nôtre : un monde de damnés, paniqués, fous d'eux-mêmes, prêts à tout pour cannibaliser l'autre. Ava n'aimait pas la viande. Mais à ce régime-là, c'était dangereux.
J'aurais dû lui dire que ce monde, il fallait en être, au minimum, mais en être, qu'il était risqué de toujours vivre entre les lignes, que les livres avaient été écrits en se frottant aux vulgaires, que là où le péché abondait la grâce surabondait, que la société était aussi une entreprise érotique, que la voir composer avec les autres hommes me la ferait désirer davantage, qu'une part de jeu, de fantasme était vitale, et surtout que j'avais besoin d'elle à mes côtés dans le monde, car je me sentais moi-même glisser sur une drôle de pente, dans le sens contraire.
Il sème le désordre, dérègle tous les sens, m'enchaîne à l'absence.
Toute vie est soumise aux lois de l'attraction.
Certains lecteurs se voyaient partout, surtout où ils n'étaient pas ; ils étaient plus romanesques que moi.
Par l'écriture, la vie ne parlait qu'à sa brièveté mais elle parlait. La vie devait s'écrire.
Les morts valaient mieux que la mort. Leur rendre justice, c'était leur survivre, dans les poches d'air de l'écriture. Vivre égalait écrire. L'équivalence parfaite, l'absorption du don par la dette.
On ne gagnerait rien à évoquer le passé. Le passé était un enfant de la mort, il sortait d'elle en pleurant, en hurlant. Il était inintelligible.
La vie,c'est du temps aboli.
Mort où est ta victoire? Dans l'ironie.