À eux sept, ils ont lu environ 700 livres cette année. Si chacun et chacune d'eux ne devait en retenir qu'un, lequel choisiraient-ils ?
Dans ce nouvel épisode, nos libraires Mathilde, Rozenn, Nolwenn, Laure, Marie, Nicolas et Annaïk vous proposent de découvrir leurs très grands coups de coeur, les livres qui les ont le plus marqués cette année.
Une liste riche et variée, à retrouver ci-dessous :
- Son odeur après la pluie, de Cédric Sapin-Defour (éd. Stock) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22014305-son-odeur-apres-la-pluie-cedric-sapin-defour-stock ;
- le Médecin de Cape Town, de E. J. Levy (éd. de l'Olivier) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/21913524-le-medecin-de-cape-town-ellen-j-levy-editions-de-l-olivier ;
- Triste tigre, de Neige Sinno (éd. P.O.L) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22451110-triste-tigre-neige-sinno-p-o-l ;
- MURmur, de Caroline Deyns (éd. Quidam) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22528485-murmur-caroline-deyns-quidam ;
- Yellowface, de Rebecca F. Kuang (éd. William Morrow) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22342784-yellowface-r-f-kuang-william-morrow ;
- Monica, de Daniel Clowes (éd. Delcourt) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23005381-one-shot-la-bibliotheque-de-daniel-clowes-mo--daniel-clowes-delcourt ;
- La Porte du vent, de Jean-Marc Souvira (éd. Fleuve noir) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/21712680-la-porte-du-vent-jean-marc-souvira-fleuve-editions.
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Un tueur en série […] a un cycle de six phases :
« Premièrement, la déconnexion. Le tueur est dans son monde, ça cogne fort dans sa tête. Il sait qu’il doit se mettre en chasse.
« Deuxièmement, la chasse. Il cherche sa victime. C’est le prédateur à l’affût. Il lui en faut une qui réponde au millimètre aux critères de ses fantasmes.
« Troisièmement, l’approche. Il attire la proie. Le nôtre va utiliser ses tours de magie. Il n’a pas de raison de changer de méthode, ça marche.
« Quatrièmement, la capture. L’enfant est pris au piège dans la cave. Rien d’autre à dire là-dessus.
« Cinquièmement, le meurtre. Le tueur est au maximum de sa charge émotionnelle. Mentalement, il est en pleine explosion.
« Dernière phase, celle de la dépression qui intervient juste après le meurtre. Il est KO. Il va digérer son meurtre avant de recommencer son cycle après une période plus ou moins longue.

Dès l'instant où tu leur dis qu'ils vont être inondés de billets de banque, tout se passe bien ! Ils n'écoutent même plus la suite. Et pour que mon business continue de marcher, j'expédie de temps en temps un billet de cent dollars aux mères. Snoop, sans elles, rien n'est possible !
-Cent dollars ? Mais c'est rien, vu c'quelles te rapportent !
- C'est les mères qui m'proposent leurs enfants et qui m'les vendent ! Elles disent entre elles : "ma fille est en Europe, elle m'envoie des sous. Celle qui est à l'école Est-ce qu'elle peut faire la même chose ? Non, et en plus elle coûte de l'argent !"
- Tu l'as payée cher, la gamine ?
- Cinq cents dollars. J'ai fait une affaire. La mère voulait m'en vendre d'autres, mais j'aime pas acheter dans les mêmes familles. J'lui enverrai du cash dans un mois, c'est bien de les faire attendre. Elle remboursera au village la cérémonie du sorcier et aura l'impression d'être riche avec les trois cents restants.
- Comment s’appelle cette prière du soir ?
- Ma’ariv. Vous connaissez ?
- Oui, je connais. Quelle est votre religion, Zhang ?
- C’est la religion juive, celle de ma communauté de la ville de Kaifeng.
David Fleisher hochait la tête, ébahi. Des dizaines de questions se télescopaient dans sa tête, incapable d’en formuler une seule.
- Suivez-moi dans mon bureau, lança-t-il finalement. Prenez votre livre, je souhaiterais m’entretenir avec vous.
Zhang enleva sa kippa noire, que le Français ne remarqua qu’à cet instant, la rangea et obéit. Lorsqu’ils furent tous les deux, le sergent rechargea sa pipe, l’alluma. Ce petit rituel facilita sa réflexion.
- J’ignorais qu’il y avait des juifs chinois. Parlez-moi de votre religion.
Arrivés à un certain niveau, les emmerdements ne s'additionnent plus, ils se multiplient.
Albert Nathan découvrait aujourd’hui son fils. Il abaissa légèrement ses lunettes, son regard passa au-dessus des montures et il ne put s’empêcher de dévisager l’homme qui se tenait face à lui.
Oui, Yohan était différent d’eux, mais rien de surprenant à cela puisqu’il évoluait dans un autre pays où il y réussissait des études supérieures. Il possédait une intelligence vive, un recul sur les choses, une retenue que ni ses autres fils ni lui ne détenaient, mais qui présentaient bien des avantages. Pourtant, il percevait dans le comportement et la voix de Yohan tout le ressentiment qu’il nourrissait d’avoir été éloigné de la famille si jeune.

Le policier se jeta à l'eau, conscient du ridicule dans lequel il se trouvait, discutant avec une vieille prostituée qui avait transformé le bureau d'un service de police en fumoir et s'apprêtant à lui parler de surnaturel. Dalmate s'exprima davantage pour lui que pour la femme.
- C'est là que ça devient compliqué... On rentre dans le domaine des sorciers et de la magie. Je sais, c'est fou ce que je vous raconte en ce moment, mais c'est la tournure que prend l'enquête.
- Ah bon ? Comme pour les petites Nigérianes ?
- Qu'Est-ce que vous dites ? s'exclama-t-il, étonné.
- Tiens donc, monsieur le flic balafré qui réagit enfin ! Stella m'a vaguement raconté que toutes les prostituées africaines sont tenues par un serment prononcé devant un sorcier dans leur pays, le "djudju", une sorte de cérémonie vaudoue, quoi ! Si elles parlent, elles deviennent folles, des malheurs s'abattent sur leur famille. Un tas de conneries, mais elles y croient dur comme fer ! C'est pour ça qu'elles causent jamais aux flics. Une prison mentale, si tu veux !.....
Bon, aller, et essaye de tirer d'la ma sirène noire.
- Sirène noire ?
- Ben ouais, j'les appelle comme ça, les p'tites Africaines qui tapinent, parce qu'y en a plein au fond d'la Méditerranée, quand les barcasses qui les transportent coulent à pic. Elle n'ont pas eu d'chance, enfin si on peut parler de chance quand on finit sa vie sur le trottoir !
- Zhang sera sans doute le plus grand médecin de son temps. Il a accumulé une somme de connaissances gigantesque, et continue d’apprendre. Mais ce n’est pas tout. Il est en symbiose avec la nature et les animaux. Il a aussi quelque chose de très étonnant, d’étrange, de dérangeant que je résumerai en disant : « Il voit. » Pour toutes ces raisons, votre fils doit vivre.
Le père se ravisa alors et livra la seule information qu’il possédait :
- Je sais simplement que Zhang a pris la direction de l’est.
- Très bien. Les deux hommes qui m’accompagnent vont partir dans cette direction. Ils sauront quoi faire.
Le patriarche venait de trouver les mots qui lui brûlaient les lèvres, mais qui résumaient toute sa vie et qu’il arriva, pour la première fois, à prononcer à mi-voix pour lui-même : « Le fonctionnement mafieux de son clan… » Oui, son clan fonctionnait comme une véritable mafia. Une partie des sommes gigantesques qu’il drainait prenait indirectement le chemin d’Israël grâce au mécanisme de blanchiment élaboré par les Chinois. Cela contribuait à acheter la tranquillité et la protection d’Albert Nathan quand il passait les deux mois d’été dans sa superbe villa proche de Tel-Aviv où il donnait des fêtes somptueuses. Là-bas, le gotha politique, artistique, policier, judiciaire, bref, tous ceux qui comptaient en Israël et qui lui serviraient de paratonnerre en cas de difficultés, intriguaient pour figurer sur sa très prisée liste V.I.P.
Un officier de l’état-major fit remarquer que les Anglais, dans le nord de la France, manquaient de main-d’œuvre pour leur logistique. Après avoir perdu soixante mille hommes en une seule journée, le 1er juillet 1916, et quatre cent mille depuis le début de leur engagement, ils accéléraient la cadence pour débarquer recrues et matériel dans le port de Boulogne-sur-Mer, site stratégique pour leur armée. La centaine de Chinois corvéables à merci leur serait fort utile et leur permettrait de tenir jusqu’à ce que leurs propres travailleurs recrutés en Chine les rejoignent. « Il sera temps ensuite d’affecter nos Chinois ailleurs », dit-il, satisfait de sa brillante idée.
Le principe de Shen Li était simple : ne pas montrer inutilement sa fortune, rester humble, ne jamais attirer l’attention. Surtout des services fiscaux et de la police.
En fait, le mot « clan » était faible pour désigner l’empire de M. Shen. Les policiers, Paul Dalmate en tête, employaient davantage les termes de criminalité organisée, de mafia, de famille, ce qui correspondait parfaitement à la réalité. Paul Dalmate utilisait le même vocabulaire pour évoquer Albert Nathan et ses activités. En tout cas, nombreux étaient ceux qui bénéficiaient à la fois de la protection, des conseils et des prêts du très craint et très respecté, M. Shen Li.