Pour clore l'année en beauté, La Grande Table Culture propose à ces deux invités de revenir sur les textes qui ont inspiré leur carrière, leur rapport au théâtre et leur amour des arts.
Olivia Gesbert reçoit Claire David directrice d'Actes-Sud Papiers, collection de la maison d'édition Actes-Sud consacrée à la publication de pièces de théâtre, ainsi que Jean-Marie Hordé, qui était jusqu'à ce mois de juin 2022 directeur du Théâtre de la Bastille.
#théâtre #franceculture
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Créer, c'est résister : à quoi ?
Résister, c'est faire face : à qui ?
Quand la vertu prend le masque du Nombre, alors devant celui qui s'en attribue la voix et prétend en être le représentant légitime, l'isolé, le solitaire, le singulier prend paradoxalement la place de Calliclès. L'"insensé" que mettait en scène la philosophie politique est devenu ce récalcitrant, cet opposant farouche à la simplification, quitte à passer pour déraisonnable.
Espérer une hétéronomie sociale et générationnelle doit se comprendre selon un patient travail de conquête devant l’exigence de l’œuvre et non par le subterfuge d’une demande aussi diverse que fumeuse. Demande qui est devant quoi, laisser cette question ouverte, exige aussi que les spectacles programmés ne soient pas choisis en fonction d’un « public » sélectionné par avance, comme si certaines œuvres étaient faites pour lui et pas pour les autres. Le spectateur ne saurait être une cible. De même qu’il faut de la superbe pour affirmer que telle œuvre de Beckett ou de Koltès n’est pas pour « eux » (eux et nous, nous retrouverons cette question plus loin), de même, on ne peut justifier l’existence d’un théâtre par la seule composition sociale de « son » public.
L'obsession démagogique passe sous silence ce moment mystérieux : être atteint par une émotion dont je me croyais étranger dans un monde dont j'ignorais l'existence.
C'est ainsi que cette *opposition que je crois factice et stérile* entre une culture élitaire et une culture populaire peut continuer de brouiller la réflexion et empêcher une politique courageuse, pourtant urgente.
S'adressant à la foule, le populiste, toujours démagogique, veut éblouir ; s'adressant à des assemblées, l'artiste voudrait éclairer, défaire les évidences, quitte à révéler la complexité du réel.
Qui osera sur ce terrain si précieux de la culture s'opposer à une attitude binaire et affronter une pensée complexe en prenant les précautions intelligibles nécessaires ?
Le problème qui se pose tous les soirs est le suivant : « Qui est devant quoi ? »
Le spectateur ne saurait être une cible.
