Mermoz, Pichodou, Cruveilher, Lavidalie, Ezan étaient des hommes de métier, et voilà la source de leur grandeur. Il faut un outil pour entrer en contact avec le monde. Il faut un rabot, ou une charrue. Le paysan, dans son labour, découvre peu à peu les secrets de la terre. Et la vérité est universelle. A travers le manche de bois de nos outils, il en apprend plus long qu'à travers les pages d'un livre. Et il devient un sage. Ainsi ces hommes, à travers leurs commandes d'avion, par la magie de l'instrument de leur travail, s'étaient formés aussi une sorte de sagesse campagnarde. Eux aussi, ils les rencontraient d'égal à égal ces divinités élémentaires : la nuit, le jour, la montagne, la mer, l'orage ; ils surveillaient leur ciel, simplement, comme ces terriens eussent surveillé leurs vignes. Ce fut la source de leur sérénité.
Antoine de Saint-Exupéry, le 23 janvier 1937.
Ce sont les échecs bien supportés qui donnent le droit de réussir.
Si chacun d'eux vous fait perdre un peu de confiance, ils vous diminuent.
Mais si l'on accepte chacun d'eux comme un enseignement qui vous enrichit, on y gagne chaque fois un peu de science et, aussi étrange que cela paraisse, des motifs plus solides d'espérer ; un ennemi, chaque fois qu'on le méconnaissait, s'est découvert.
C'est la morale que l'on peut tirer, il me semble, des expériences que je vais raconter.
Que l'on ne vienne pas me parler des différences de classe et de formation qui peuvent exister entre deux hommes. Il n'existe qu'une hiérarchie sociale, celle de la valeur et de l'honnêteté morale. Quand deux hommes possèdent cela, ils parlent la même langue simple et vraie et ils ne peuvent que s'aimer fraternellement, se comprendre et ne jamais s'envier. Je ne connais que cette vérité et je hais ceux qui, par leur égoïsme, leur faux amour-propre ou leur sectarisme bêlant de mauvais pasteurs, font que des hommes peuvent se mépriser et se haïr, sous prétexte qu'ils n'ont pas la même formation et n'appartiennent pas à la même classe sociale.

A quoi bon décrire en détail l'existence qui, alors, commença pour moi ?
Ils sont, hélas, des milliers et des milliers qui la connaissent, qui la mènent sur le pavé de Paris. Surtout aujourd'hui. Avec la crise et le chômage, le nombre est plus grand que jamais de ces jeunes gens fïers, sains, enthousiastes, qui attendent tout de la vie et qui n'en reçoivent que des miettes dérisoires.
Tout ce que je sais d'eux, tout ce qui m'attache invinciblement au peuple dont je suis sorti, toute la profondeur du sentiment fraternel que m'inspirent la jeunesse malheureuse et l'injustice de son sort, je l'ai appris au cours de ces mois d'intense misère.
Je ne les regrette pas.
Je savais qu'un jour, et un jour prochain, je volerais. Rien ne pouvait me faire renoncer à cette foi. Je ne voulais pas de profession autre que celle de pilote. Je tâchai simplement d'arracher au hasard des petites annonces les quelques francs nécessaires à ma pitance. Mon amie traitait de folie, de chimère, mon rêve étoilé. Les femmes comprennent rarement les besoins désintéressés. Nous nous séparâmes. Cela valait mieux et pour elle et pour moi. J'étais libre de chercher à ma guise.
[Citation trouvé dans le livre Ascendance, Histoire(s) de secours en hélicoptère de Pascal Sancho, chapitre Posé sur le toit du monde, p 97]
"Ce sont les échecs bien supportés
qui donnent le droit de réussir."
L'accident, pour nous, ce serait de mourir dans un lit.
Tu sais, je voudrais ne jamais descendre.
La vie moderne autorise les voyages, mais ne procure pas d’aventure.