L’endormie en proie au somnambulisme ne doit sous aucun prétexte être bousculée. Si elle commet de grotesques ou déplorables actes, laissez-la. Un brutal réveil verrouillera sa folie en provoquant une collision entre le monde des rêves et le monde des vivants.
Il avait compris au fil des années que sa situation, toute pénible qu’elle fût, du moment qu’elle pouvait se transformer en routine, devenait sinon agréable, du moins supportable. C’était toujours pareil, mais ça se présentait de bien des façons. Si le soleil brillait, il pouvait passer la journée sur le perron et tailler des morceaux de bois. S’il pleuvait, il écoutait l’eau ruisseler sur la tôle et il se trouvait comblé d’être à l’abri.
Elle ressentait rarement la peur. Pour n’avoir jamais connu de réel danger, tout d’abord, mais aussi pour n’avoir jamais redouté la mort. C’était le grand repos, qui viendrait après la grande besogne. Tout le contraire de sa défunte mère, qui l’avait toujours accueillie en sursautant, « Ma Céleste, c’est toi, je pensais que tu étais morte », elle chignait jadis, une goutte au bout du nez, penchée au-dessus d’une marmite.
Il voulait la voir sur les affiches, en faire la vedette de la troupe. Elle comprit qu’il lui fallait un nom, un bon nom, pas trop domestique, mais pas étranger non plus, car elle n’aimait pas, alors elle proposa Louisa Louis, et les messieurs trouvèrent cela drôle, drôle et frais ; elle signa Louisa Louis.
Elle ne s’était préparée à rien, en fait, qu’à des sourires, des regards impressionnés, des expressions de délice à mettre sur le compte de son accent exotique. Ses aventures à l’étranger l’avaient placée dans une posture de supériorité qui s’appuyait, elle le comprenait maintenant, sur des fantasmes.
Vous vous retrouvez seule entre vos quatre murs orange. C'est bien comme ça, vous pensez, c'est bien que j'aie la chambre orange.
C'est votre façon à vous de continuer le voyage.