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Citations de Jean-Michel Maulpoix (390)


Le bleu ne fait pas de bruit.

C'est une couleur timide, sans arrière pensée, présage, ni projet, qui ne se jette pas brusquement sur le regard comme le jaune ou le rouge, mais qui l'attire à soi, l'apprivoise peu à peu, le laisse venir sans le presser, de sorte qu'en elle, il s'enfonce et se noie dans se rendre compte de rien.
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Le bleu est une couleur propice à la disparition.
Une couleur où mourir, une couleur qui délivre, la couleur même de l'âme après qu'elle s'est déshabillée du corps, après qu''a giclé tout le sang et que se sont vidés les viscères, les poches de tourtes sortes, déménageant une fois pour toutes le mobilier de ses pensées.

Indéfiniment, le bleu s'évade..
Ce n'est pas, à vrai dire, une couleur. Plutôt une tonalité, un climat, une résonance spéciale de l'air. Un empilement de clarté, une teinte qui naît du vide ajouté au vide, aussi changeante et transparente dans la tête de l'homme que dans les cieux.
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Nous rêvons tous d'une terre bleue, d'une terre de couleur ronde, neuve comme au premier jour, et courbe ainsi qu'un corps de femme.
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Désormais, il faut s'obstiner à chercher dans les mots un peu de chaleur, puisque c'est par là que passent les choses humaines, les joies et nos affaires de cœur. Il y a toujours dans la langue matière à consolation et dans le poème la promesse d'un printemps. Quoi que l'on fasse, où que l'on soit, c'est ainsi : il reste une porte ou une lanterne, si faible soit-elle, pour garder allumé dans l'œil sa lueur.
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Lorsque je circule en voiture sur des routes de campagne, je découvre parfois, accroché à un poteau électrique ou un muret de pierre, un petit bouquet de fleurs à demi fanées, nouées par un ruban. Il ne s'agit pas d'un monument. Il ne s'agit pas d'une tombe. Il ne s'agit que d'un amour et d'un chagrin immense. Là s'est brisée une vie. Un matin de printemps, peut-être. Quelqu'un, sur le bord de la route. Est-il signe plus poignant que celui-là?
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Les fenêtres de la chambre donnent sur la mer. Pourtant, on est en ville, peut-être même à la montagne, au milieu d’un bouquet de sapins noirs. Aucun bruit, sinon le griffonnement de la plume qui frotte un peu la mer contre la page. Comme une écume, la nuit, froissée au pied d’un phare. Ou la surdité singulière de celui qui plonge en apnée et qui, de l’intérieur, écoute son propre sang.
C’est l’automne. Des feuilles tombent sur la mer. Elles ont recouvert sa mémoire. Il s’assoupit, elles le protègent.
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Chacun voudrait se croire unique, pour se consoler du peu de poids que pèse sa vie quand elle se cogne par hasard contre une autre vie, et ne pas entendre le peu de silence qui se fera sur la terre le jour où son coeur cessera de battre.
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Il prend la plume ou le pinceau.

Il ne dessine le visage de personne, il invente les anges qui dorment au-dessous. De ses semblables, il mélange les traits, pour qu'on ne puisse les reconnaître et qu'ils se sentent ainsi moins seuls, moins prisonniers de leur figure et de leur corps périssable. Il trempe un peu leurs yeux dans le gris-bleu de la mer, car la mer n'a guère de visage, et le dedans de l'homme comme elle est pâle et bleu, avec ses dieux, ses idées folles et ses marées. S'il ne donne pas de nom à ces pantins de sucre qui s'en vont fondre au large, c'est pourtant toujours le même homme qu'il appelle et qu'il imagine, celui qui attend l'autobus ou le train de banlieue, les ailes repliées sous l'imperméable, à la même heure toujours sur le même quai, prêt à s'embarquer vers le premier jour de sa propre vie.
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Tout ce bleu, en nous, est une lumière qui brûle, qui attend son jour, qui le chasse à cor et à cri, qui creuse, qui trace, qui détecte, corrompue, sans doute, et vite empiégé, déçue et décevante, mais nous n’en avons pas d’autre, pas de plus intime, il faut s’y plier, il n’est pas de chant pur, pas de parole qui ne rhabille de bleu notre misère.
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******

Je l'accompagne : je descends dans le puits de nuit. Combien de temps me faudra-t-il pour l'y rejoindre ? Combien de jours ?
Mais pourquoi n'a-t-il pas fermé les yeux le jour de Noël ? Le plus beau soir, le plus chargé d'étoiles et de rires d'enfants !
Qu'a-t-il su cette nuit-là, la sienne, après être tombé de tout son long dans le couloir ?

***
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On s'en retourne dans l'enfance à pas de loup. Des cheveux sur la neige. Féérie des premiers flocons. Echarpes et bonnets de laine. L'encre parfois pétille un peu. On ne s'en ira pas si vite, on prendra le temps de compter les syllabes. On s'efforcera de lire jusqu'au bout cette fable d'os et de chair dont les mots ne savent que le commencement. On attendra que cicatrise le ciel.
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PLUIE



Il pleut
La transparence
Au cou des choses
Se précipite
C’est l’heure
De la distribution

D’invisibles cailloux
Ricochent
Contre la fenêtre
Qui pleure
Sans essuyer ses larmes.


p.41
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J'ai tant et tant rêvé de trouver un arbre qui fût le mien, enraciné dans un coin d'herbe. Rêvé l'ombre paisible d'un feuillage lent qui bouge : rester là, assis pour un temps, le dos collé contre le tronc. Un arbre, faute d'une maison à soi. Un arbre seul contre lequel se tenir seul, adossé à l'écorce, face à l'horizon grand ouvert, et la route, le chemin, le temps. Les vertèbres soudées à l'obscurité solide de ce tronc où pousse la vie obstinément. Au-dessus, la lumière, agitée et sonore : son ciel vert et vivant.

"L'instinct de ciel", III, p. 226.
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La poésie, qu'on se le dise, n'écarte pas du monde. Elle nous le rend, scandé, césuré, plus présent, plus à vif, dans l'urgence des cadrages et des découpes qu'elle lui impose.
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Oui, qu'on se le dise: en cette vie, le luxe est de prendre son temps, comme le bonheur est de le partager.
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Il voudrait prendre dans ses mains les mains de la mer et marcher tout le soir avec elle près des entrepôts, suivre les rails le long des quais jusqu’aux navires, descendre à fond de cale, se blottir entre des paquets d’épices, attendre minuit et partir. Il conduirait la mer vers des îles qu’elle ignore, avec des maisons plates peintes à la chaux et de petits jardins où poussent de la vigne et des fleurs. Ils dormiraient sur une natte multicolore, dans une chambre toute blanche. Ils boiraient le matin un café très fort, visiteraient des plantations à bicyclette, iraient au bain ou à la pêche, et regarderaient la mer chaque soir avant de s’endormir
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Le grand pavois


Interminable narration du large
Le bruit bleu de la langue, les heures lentes de la chambre
Ce beau lac incolore où vont boire des bêtes lunatiques
Des corps sans poids ondulent et se déplient.

Floculations de l'encre, peut-être floralies, efflorescences
L'écriture est une effeuilleuse : le bleu de ses yeux coule
au petit matin
Cœur de zinc et peau de résille
Les ongles jaunis de tabac, la voix cassée, coincée sous
l'épiglotte.

Elle ne sort plus que la nuit pour se vendre aux rôdeurs
Elle titube sous les lampadaires
Elle tient à la lune des propos en l'air : phrases-libelles,
quand si belle est la libellule
Envolée sur la mer avec la fièvre et le pollen, la paille et,
les soupirs de la concupiscence
L'éphémère névroptère aux poumons gros comme
une épingle, préparant ses mâchoires et ses ailes membra-
neuses, impatiente de métamorphose
Sur ses talons aiguille, le corps bagué de bleu.

p.64
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Il aime cette façon qu'ont les mots de se tenir serrés les uns contre les autres sur la page, comme ceux qui discutent au café sans se connaître et qui oublient alors combien leurs vies sont séparées, à cause des mots précisément qui ouvrent un peu les coeurs et les rapprochent de la lumière. Si l'on se laissait aller, on parlerait bientôt du ciel et des anges. Avec empressement, on prendrait d'autres mains dans les siennes. On poserait sa tête sur une épaule. On s'endormirait par mégarde, dans un heureux brouillard d'alcool et de tabac, délivré de soi et de tout
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L’azur, certains soirs, a des soins de vieil or. Le paysage est une icône. Il semble qu’au soleil couchant le ciel qui se craquelle se reprenne un instant à croire à son bleu. Un jour inespéré se lève tandis que sur la mer la nuit reprend ses appuis.
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On voudrait, on regarde, on sait qu’on ne peut en faire plus et qu’il suffit de rester là, debout dans la lumière, dépourvu de gestes et de mots avec ce désir un peu bête dont le paysage n’a que faire, mais dont on croit savoir qu’il ne s’enfièvre pas pour rien, puisque l’amour est notre tâche, notre devoir, quand bien même serait-il aussi frêle que ces gouttes d’eau d’après l’averse tombant dans l’herbe du jardin.
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Ame.

On ne peut le dire autrement.

Juste un mot rapide. Ouvrir très vite et refermer la bouche. Happer au vol un chiffon de bleu. Pour cela dont on ne sait rien. Sinon la question sourde. La demande obstinée. L'idée que pour ce silence-là aussi il faut un mot. Pour cette attente et ce souci. Donner un contour approximatif au chagrin, plutôt qu'un nom à l'espérance. Rien à gagner non plus qu'à perdre. Juste un trou de plus dans la langue. Un courant d'air. Un souffle frêle. Celui-là même qui nous tient en vie et qui nous sera retiré après que nous lui aurons appris quelques phrases. Après que nous aurons récité tout le lexique de l'amour. Seuls bientôt avec ce mot-là. Fiévreux et bref. Orphelin de part en part. Un mot tel un couloir. On ne le murmure à personne; il n'ose pas nous venir aux lèvres. Il à peur de la langue autant que de la lumière du jour. Il n'a pas de paupières. Ses larmes ne coulent pas, mais sa douleur est précise. Elle fixe. Elle interroge et veut savoir. Elle s'use à des visages. Elle cherche à se poser.
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