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4.1/5 (sur 5 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Sociologue et historien, chercheur à l'EPHE, spécialiste des politiques d'éducation artistique et d'histoire du libéralisme, Jean-Miguel Pire a également été rapporteur général du Haut Conseil de l'éducation artistique et culturelle.

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Grand entretien propose par le magazine Sciences humaines Avec Heloïse LHÉRÉTÉ, directrice de la rédaction de Sciences humaines et Jean-Miguel PIRE, sociologue et historien, chercheur à l'École Pratique des Hautes Études


Citations et extraits (10) Ajouter une citation
Pour lutter contre la marchandisation du monde, il faut revenir à un loisir fécond et désintéressé : l'otium.
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9. « Aujourd'hui, nos contemporains ressentent toujours davantage le besoin d'un espace franc de tout négoce, où il soit possible de penser sans escompter. Dans les jeunes générations, certains veulent se réapproprier le temps long en refusant des emplois chronophages qui exigent l'investissement de tout leur être. Les plus diplômés commencent à choisir des voies frugales et denses où le temps pour soi est beaucoup moins compté. D'autres développent des stratégies intégrant de larges périodes de chômage. De même, la durée des arrêts de travail chez les salariés de moins de quarante ans atteint des hauteurs inédites. Les motivations égoïstes ne suffisent pas à expliquer une telle évolution. La nécessité de réfléchir aux multiples incohérences du réel s'impose peu à peu aux plus indifférents. Depuis quelques années, le spectacle effrayant des catastrophes environnementales, sanitaires et climatiques a dévoilé brutalement les liens de causalité qui relient les catastrophes au règne exclusif des intérêts. À moins d'être nihiliste, pour une génération montante qui voit son patrimoine vital se dégrader sous ses yeux, la réflexion désintéressée n'est plus facultative. […] Or, l'otium studieux pourrait légitimement offrir un cadre à cette prise de conscience. Il correspond à l'urgence de se constituer un for intérieur vraiment autonome et fécond, propice à affronter les questions les plus métaphysiques. Il facilite le dialogue constant entre le cerveau sensible et la raison calculante. Il suppose d'entretenir une capacité d'attention désormais constamment menacée. Enfin, l'otium invite l'esprit à une attitude critique, d'interrogation constante, qui est le sel même de la conversation humaine.
[… Excipit :] L'État de droit ne peut mériter son nom s'il ne ménage pas à chacun un accès à l'otium, c'est-à-dire, au fond, la possibilité d'exprimer ce que peut être une vie humainement vécue. » (pp. 209-211)
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7. « Un rare témoignage vient éclairer les circonstances dans lesquelles se serait opéré ce qui apparaît bien comme une substitution. Pour Jacques Thuillier, successeur d'André Chastel au Collège de France, il ne fait en effet pas de doute que l'agrégation d'arts plastiques a été créée au détriment de celle d'histoire de l'art : "Tout pouvait donc paraître favorable et André Chastel put un temps penser que l'histoire de l'art allait sortir affermie de la crise [de mai 1968]. Mais d'autres, de leur côté, estimaient que la meilleure façon d'assurer la permanence de l'esprit révolutionnaire était de créer une agrégation pour les arts plastiques, dont l'entrée dans les universités avait été l'une des revendications et des conquêtes de Mai. L'auteur principal du projet, jusque-là brillant protégé d'André Chastel, courait les bureaux du ministère, et séduisait les directrices des services par son allure de jeune pâtre grec et son costume tout de velours doré. Au moment où l'agrégation d'histoire de l'art était en passe d'être créée, de Gaulle abandonna le gouvernement, Edgar Faure quitta le ministère ; et dans les jours qui suivirent paraissait au Journal officiel le décret instituant une agrégation d'arts plastiques [...]" » (note 2, p. 175)
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8. « En réduisant le dialogue esthétique à ses éventuels effets sociaux, l'impasse est faite sur les fruits désintéressés, c'est-à-dire libérés de toute intention de distinction ou de domination, que chacun peut néanmoins en retirer. Cette dénonciation d'un usage philistin de la culture a aussi nourri la critique du caractère légitime des contenus de la culture dite légitime. Réduite à n'être qu'un instrument de domination et d'aliénation sociale, cette culture a perdu une part de son prestige. » (p. 191)
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3. « L'humanité, les sentiments humains, semblent advenir précisément quand chacun se montre capable de dépasser la sphère limitée de ses intérêts pour considérer ceux d'autrui. […] Le désintéressement est alors l'aptitude à se hisser vers cette sphère supérieure. Indispensable à la recherche de la vérité, une telle exigence commande aussi la démarche éthique. Sur le plan politique, elle fonde également la possibilité de concevoir et de s'attacher à l'intérêt général. À cette condition, l'individu peut devenir un sujet, c'est-à-dire une conscience libre et autonome, capable d'appréhender tout objet en toute indépendance, notamment vis-à-vis de ses propres intérêts. […] Dans l'histoire de la pensée, cette première valorisation du désintéressement et de la vie contemplative constitue un événement déterminant. » (pp. 62-63)
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2. « Cela les protège [les œuvres d'art] d'être réduites aux intentions de leur créateur, à l'interprétation de leur public ou aux intérêts matériels comme symboliques qu'elles peuvent éventuellement et momentanément servir. Les œuvres d'art excéderont toujours les calculs et les besoins que l'on peut concevoir à leur endroit. Leur valeur même est indexée sur la puissance sémantique et poétique qui leur permet de s'imposer au-delà des circonstances et de durer parfois bien plus longtemps que les civilisations qui les ont engendrées. Par nature, ces objets sont désintéressés au sens où ils ne peuvent être réduits à un intérêt qui leur soit extérieur. Ils s'inscrivent donc en profonde résonance avec la pensée méditante permise par l'otium, dans la mesure où, lui non plus, ne supporte aucune instrumentalisation. » (p. 49)
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6. « En effet, à la différence des autres disciplines, l'art est ici d'abord mis au service du perfectionnement de la personnalité des élèves, avant d'être compris comme un ensemble de savoirs théoriques et techniques qu'il leur faut acquérir pour lui-même. C'est à ce moment que se met en place un raisonnement qui va dominer le XXe siècle et qui fait de l'éducation artistique une sorte de havre pédagogique au sein d'un monde scolaire demeurant rétif, sinon hostile, à la créativité et la sensibilité. L'enseignement artistique est donc accepté à la condition qu'il concentre l'éveil de ces qualités et, par voie de conséquence, en dispense toutes les autres disciplines. » (p. 167)
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5. « La fragilité de la [IIIe] République naissante explique sans doute son raidissement sur la définition très restrictive donnée à la raison. Celle-ci doit être d'abord distinguée des savoirs jugés trop contaminés par les sens, la sensibilité et par tout ce qui peut distraire la lumière projetée par la rationalité sur la réalité. Les valeurs de l'otium ne trouvent donc guère de place dans ce positivisme radical. La contemplation studieuse et gratuite paraît bien intempestive pour des hommes à présent guidés par la seule recherche de l'efficacité matérielle. Ici, l'art ne peut guère aspirer qu'au statut d'ornement ou de divertissement. » (p. 146)
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1. « L'art de lire à loisir, à l'écart, savamment et distinctement, qui jadis répondait à la peine et au zèle de l'écrivain par une présence et une patience de même qualité, se perd : il est perdu. […] Les œuvres qui demandaient du temps sans compter, et les œuvres faites en vue des siècles, ne sont plus guère entreprises de nos jours. L'ère du provisoire est ouverte : on n'y peut plus mûrir de ces objets de contemplation que l'âme trouve inépuisable et dont elle peut s'entretenir indéfiniment. Le temps d'une surprise est notre présente unité de temps. » (Paul Valéry, 1935, cit. p. 38)
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4. « [… La corruption] peut survenir à tout moment quand le laxisme intellectuel, moral et linguistique paralyse progressivement les moyens de défense d'un organisme ou d'une civilisation. [Selon Guillaume Budé (1467-1540), inspirateur du volontarisme culturel de François Ier], il y a une réflexion sur les liens qui existent entre la dégradation du langage, celle des esprits et celle des mœurs, les trois allant de pair. » (Gilbert Gadoffre, 1997, cit. p. 88)
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