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Citations de Jean Molla (162)


Je sais enfin que je suis entre parenthèses. Moi, j'ai au moins cette chance. Je suis comme je suis parce que je suis en instance de vie. Une anorexique n'est pas en marge. Elle s'est faite aussi mince que le trait qui sépare la marge de l'espace où l'on écrit. Un jour ou l'autre, si tout va bien, elle revient sur la page. C'est ce que je m'efforce de faire." p.152
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Sa voix n’avait été qu’un murmure mais il avait parlé. Je l’avais contraint à parler pour tous ceux qu’il avait voulu condamner à l’oubli. Un oubli pire que celui que le temps lisse. Un oubli fait de cendres et de sang.
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Jean Molla
Les livres mangent la vie, méfie-toi d'eux.
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Un beau jour d'avril, je lui ai demandé, par bravade, comment il me trouvait vraiment. (...)
- Tu es peut-être un peu ronde...
Je l'ai haï.(...) Je lui ai jeté comme un défi que, bientôt, il ne me reconnaîtrait plus. J'allais perdre mes kilos superflus, mes bourrelets. Et je le ferais pour lui ! (...)
J'ai minci très rapidement. Ma métamorphose était spectaculaire. Je suis devenue svelte, conforme à l'image de celle que j'avais rêvée. (...) J'éprouvais un plaisir indicible à maîtriser mon appétit. Ce tiraillement constant du côté de mon estomac était devenu une véritable présence, un vide consenti, une brèche que j'ouvrais dans mon corps, avec le sentiment aigu de tout dominer, de savoir exactement ce que je faisais et où j'allais. Ne plus manger ou manger moins me procurait une brûlure exquise au ventre (...) Bientôt, la brûlure m'est devenue plus délicieuse que la satisfaction. J'avais le sentiment d'être habitée. (...)

Rapidement, c'est devenu ma drogue : j'avais besoin de manger rien. (...)J'éprouvais une jouissance démesurée à me laisser remplir de cette absence. Mon estomac vide était le signe de ma liberté. Je n'étais plus asservie à cette dépendance animale qui me faisait horreur.(...)

Je n'avais évidemment pas conscience que la situation m'échappait...Je n'ai pas su m'arrêter. Mon poids ne n'est pas stabilisé et j'ai continué à fondre. En quelques semaines, mes seins se sont effacés, mon visage s'est creusé, mes désirs se sont affadis. (...)J'avais voulu entreprendre ce régime pour plaire à mon ami. Maintenant que j'avais atteint mon but, je sentais que je me détachais de lui, que je ne l'aimais plus.(...)

Fin octobre, le cancer de Mamouchka s'est brutalement aggravé et mon indifférence à l'égard de la nourriture a viré à l'aversion. J'étais fatiguée, déprimée, inapte à fournir le moindre effort physique ou intellectuel.(...) Pour la première fois, on a nommé ma maladie. (...)

Un matin de novembre, le téléphone a sonné. Mamouchka venait de mourir. (...) La panique m'a envahie. Il fallait que je me calme, que je fasse taire mon chagrin, n'importe comment. J'ai couru au frigo. J'ai avalé des cornichons, du chocolat, de la mayonnaise, du fromage, du jambon, les restes du repas, tout ce qui me passait à portée de main. J'ai englouti.
Bientôt, j'ai dû m'arrêter, au bord de l'explosion. J'ai senti une nausée irrépressible monter. (...)J'ai couru aux toilettes. J'ai introduit deux doigts dans ma bouche, le plus loin possible et j'ai poussé très fort.
Je me suis libérée.(...)
Ma grand-mère était morte. Une part de moi le savait avec une lucidité déconcertante, me laissant écrasée de tristesse.
Mais dans le même temps, une découverte fortuite venait de m'ouvrir de nouveaux horizons. J'avais trouvé le moyen de me délivrer de mes craintes, de mes angoisses. J'avais trouvé le moyen d'exercer un contrôle absolu sur moi-même. J'avais trouvé le moyen de maîtriser ce qui entrait et sortait de moi.
J'étais libre : mon corps m'obéirait désormais.
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Les êtres humains peuvent-ils à ce point fermer leurs yeux et tirer un trait sur le passé ? Ne leur pèse-t-il pas davantage sur les épaules ?
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- L'espoir est une forme de tromperie ! Il conduit à l'attente, à la résignation. Les choses changeront, que je l'espère ou non ! Sais-tu ce qu'un de vos plus brillants esprits, un physicien qui vivait au siècle dernier, a dit du bonheur, ce bonheur qui vous obsède tant et auquel vous ne comprenez plus rien ?
- Non.
- "Le bonheur est l'idéal des porcs." Conclus toi-même sur ce que vous êtes devenus.
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Ce tiraillement constant du côté de mon estomac était devenu une véritable présence, un vide consenti, une brèche que j'ouvrais dans mon corps, avec le sentiment aigu de tout dominer, de savoir exactement ce que je faisais et où j'allais. Ne plus manger ou manger moins me procurait une brûlure exquise au ventre, comme une attente que je savais pouvoir combler quand j'en aurais le désir. Bientôt, la brûlure m'est devenue plus délicieuse que la satisfaction. J'avais le sentiment d'être habitée. Je n'étais plus du plein recouvert de peau. Je découvrais en moi des abîmes inexplorés, tout un monde d'attentes, d'espaces infinis qui ne m'effrayaient pas le moins du monde, peuplés qu'ils étaient par d'obscurs gargouillis, des protestations de viscères à qui j'apprenais ma loi.
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"Le mien est une histoire de squelette remisé au placard, comme il y en a dans tant de familles.
Il se trouve qu'un vilain jour le placard s'est entrouvert.
Pas suffisamment pour que j'en voie le contenu, suffisamment cependant pour que j'y entrevoie une silhouette malingre, la silhouette d'une jeune femme amaigrie par les souffrances et les privations .
Une jeune femme qu'on a fait voyager dans un wagon dans des conditions indignes d'un être humain.
Qui a vu son mari s'éteindre sous ses yeux.
Qui a dû rester à côté du cadavre jusqu'à ce que l'on s'en débarrasse comme d'une charogne .------une femme que l'on a privée de tout espoir, de toute dignité de toute espérance ..--------.et tant d'autres comme elle ! ..
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On a séparé les hommes, les femmes et les enfants. On a détaché de ses bras Simon, qui ne voulait pas l'abandonner. J'imagine leurs pleurs, leurs cris, les ordres aboyés. L'odeur de sueur, la peur sur les visages, les coups, le désespoir. Eva a vu son fils partir avec une petite colonne de gamins. Mais, comme ils tournaient au coin d'un bâtiment, Simon s'est sauvé et a couru vers elle. Eva s'est précipitée et l'a pris dans ses bras. Un homme s'est avancé alors en jurant et leur a ordonné de retourner à leurs places respectives. Ce n'était pas un Allemand. Eva, machinalement, a relevé son accent étranger. Elle a supplié l'inconnu de ne pas les éloigner l'un de l'autre. Simon s'accrochait à elle comme un qui se noie. L'homme a arraché l'enfant à sa mère, a sorti son arme et, sous les yeux de celle-ci, l'a abattu.
Il souriait.
J'imagine Eva. Je la vois. Je suis Eva. Au-dedans d'elle, il y a un grand vide soudain. Le monde s'est tu. Devant elle, il y a une petite forme recroquevillée qui était son amour, sa vie. Devant elle, il n'y a plus rien.
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Quel crime avaient-ils commis pour mériter de mourir comme ça ? Dis-moi quel intérêt il y avait à déporter ces vieillards, ces femmes, ces enfants que vous êtes allés chercher un peu partout ? Parce qu'ils étaient dangereux ? Non. Leur seul crime, c'était d'être juifs, et rien d'autre ! Comme si on pouvait naître coupable...
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Parfois, je parviens à me représenter avec une acuité qui me laisse exsangue leur crainte, leur douleur, leur humiliation.
Mais la plupart du temps, mon esprit devient de glace et reste à la surface des mots. Je peux réciter mais je ne comprends rien.
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Je n'avais pas encore compris que ne plus manger signifie très exactement souhaiter se mettre à l'écart. C'est une sorte de ghetto que l'on s'invente pour soi seul et dans lequel on s'enferme avec un mélange pervers d'aveuglement et de ravissement. C'est une forme de distinction absurde, pour se différencier à tout prix, se dessaisir du banal. On ne peut plus partager ce qu'il y a de commun. On ne peut plus communier dans la célébration des choses mortes. On a le regard qui s'est tordu. On ne voit plus les aliments avec innocence et l'on s'étonne que les autres ne nous suivent pas. p.55
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Ces théories sur la race, tu y as souscrit parce qu'elles flattaient ton ego, parce que tu éprouvais une immense satisfaction à t'imaginer différent. Tu jubilais d'appartenir à une espèce supérieure : la race aryenne, destinée à régner sur l'humanité. Mais d'autres, à la même époque, n'y ont jamais cru. D'autres se sont battus contre les nazis ou, plus simplement, ont refusé de les suivre. (p. 160)
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Je ne crois pas qu'elle a fait un mouvement quand il a posé son arme sur son front et qu'il a tiré. Je ne pense pas qu'elle l'a seulement vu. Eva avait déjà pris congé de l'humanité. Cet homme par son geste avait aboli le monde des hommes. p.9
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Les êtres humains peuvent-ils à ce point fermer leurs yeux et tirer un trait sur le passé ? Ne leur pèse-t-il pas davantage sur les épaules ?
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- L'espoir est une forme de tromperie ! Il conduit à l'attente, à la résignation. Les choses changeront, que je l'espère ou non ! Sais-tu ce qu'un de vos plus brillants esprits, un physicien qui vivait au siècle dernier, a dit du bonheur, ce bonheur qui vous obsède tant et auquel vous ne comprenez plus rien ?
- Non.
- "Le bonheur est l'idéal des porcs." Conclus toi-même sur ce que vous êtes devenus.
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Je ne reconnaissais plus ma voix en parlant. Chacun des mots que je prononçais me brûlait la bouche, me lacérait la gorge. Mes paroles se perdaient dans un tremblement douloureux.
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Bien sûr que ma maigreur fait peur ! Ce n'est pas une maigreur élégante. Une maigreur de papier glacé, une maigreur abondante, une maigreur désirable. La mienne est obscène, cauchemardesque. Menaçante au fond. Elle évoque pêle-mêle, les squelettes de peintures médiévales, les malades à l'agonie, les silhouettes faméliques d'un peu partout, celles des rescapés de tous les camps de la terre, celles de tous ceux qu'on essaie d'oublier.
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- Mais tu aimes lire, au moins?
Georges-Louis s'immobilisa. Ses yeux fixaient un point indéfini, très haut dans le ciel.
- Pas du tout! Les livres mangent la vie, méfie-toi d'eux.
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- Et tu as prononcé un nom bizarre aussi. Un truc comme Sobibor. Tu as dit: Emmène-moi loin de Sobibor. C'est où ?
Ses épaules se sont voûtées. Elle a baissé la tête, s'est refermée comme une huître. Le gouffre s'était ouvert entre nous. Un abîme infranchissable. J'ai su à cet instant que ma grand-mère allait me mentir, parce que j'avais entrevu un territoire de son passé auquel elle ne souhaitait pas que j'aie accès.
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