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Citations de Jean-Paul Clébert (54)


Mon amerloque plus mouillé de rhum qu'un baba semblait parfaitement à l'aise dans cette bringaille. Tenant assise sur ses genoux la gourgandine, il tentait sans vergogne de délivrer son plantoir à moufflets. Tandis que la fille, voulant sa part de plaisir, lui faisait les poches.
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En flânant sur les routes, on commence par siffloter, chantonner, boire ou manger des yeux, marmonner et monologuer. Puis la fatigue aidant, et les bornes poussant bout à bout, les guiboles et les paturons se mettent à javasser, à faire parler d'eux (très vite même, on n'entend plus qu'eux), à choisir arbitrairement le rythme ou la direction. Avec la faim et la soif, la gorge se sèche, la langue balaie la moustache, le trou du ventre commande toutes les réactions et les commentaires. Avec le froid, la pluie et les intempéries, la peau se hérisse, se granule, les dents s'agitent et claquent.
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Mais quand on a choisi sciemment ce genre d’existence, ce modus vivendi, qu’on a dit merde une bonne fois pour toute à l’avenir, qu’on a refusé de prendre une assurance vieillesse (avec auparavant un boulot à la chaîne, semaine de quarante-huit heures plus la vaisselle et le bricolage de rabiot, distractions dominicales et familiales, rides précoces et rien vu du monde que le mur d’en face et de filles que celles de la concierge, et après la retraite, logement deux-pièces, dans nos meubles à nous, belote tremblotante et pue du bec avant qu’on t’enterre toi et la vie que tu as failli avoir, veau mort-né) évidemment on n’a guère le droit de gueuler contre la faim, c’est le jeu, et à chaque fois que ça m’arrive, je la boucle, je tais mes commentaires, j’évite la compagnie des bien nourris, je rejoins les copains qui savent à quoi s’en tenir et qui eux aussi parlent d’autre chose.
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Une fois de plus, il s'agit de passer quatre, cinq mois d'hiver à l'intérieur de Paris, l'immense caravansérail des désespoirs et des miracles quotidiens, d'y trouver chaque jour de quoi manger et boire son content, le substantiel, et chaque nuit un asile tranquille, au sans-souci, tout en y menant bien sur vie joyeuse et pleine.
Et je rigole parce que pour le flic qui réglemente la circulation, je suis un vagabond qui rentre au port, la gueule râpeuse, les épaules voutées, la canadienne crasseuse, la musette vide, et une récente levée d'écrou en poche..
Et je vais y écrire un livre!

(…)


Parvenu au Pont Neuf, peu importe l'heure tardive, je suis chez moi, au cœur de mes appartements, je m'assieds sur un divan de pierre, je fume une cigarette. C'est le départ d'un nouveau voyage, tout aussi fructueux et excitant, dans les dédales de la capitale de tous temps mystérieuse, dans les bas-fonds, sous les toits, le Paris interdit au public, le Paris à l'envers.
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- C'est con, dit-il, j'ai pas de nouvelles d'Alfredo. Il devait me trouver une placarde à la Shell-Berre, un job de première. S'il me laisse tomber, j'ai plus qu'à revenir chez mon ancien patron de Lyon, un salopard. Et puis moi, les gonzesses de là-bas, je les encadre pas. Elles puent la brouillasse et la blanchisserie. J'en ai ma claque de ce turbin. Quinze cent bornes deux fois la semaine, tu parles d'un manège...
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Les touffes d'air chaud ont tendance, paraît-il, à monter. Ainsi, au ras du sol, la cave ramassait-elle les divers effluves qui caractérisent l'homme en liberté, et les poussait sous la voûte, où ils stagnaient. A hauteur de mes narines, tournoyait lentement un tourbillon d'odeurs fortes, curieux mélange où se reconnaissaient la sueur, la crasse, la mangeaille, la graisse, le linge sale, les parties nobles et le fondement, le dégueulis, le salpêtre et le champignon cavernicole, l'humus, le suif, et une pointe d'ailloli de présence insolite. Le tout éclairé d'une douzaine de flammes mollasses et fumeuses qui s'évadaient de bougies immenses d'origine ecclésiastique. Cierges brûlés là sans dévotion à tous les saints de l'enfer.
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Après les diverses formalités habituelles, marche en rang et vestiaire où l'on omit de me donner comme il se doit un numéro, nous fîmes notre petite séance de nu intégral, étalant à nos pieds les merveilles du contenu de nos poches et tâchant de subtiliser aux yeux glauques du gâffe de service les menus objets qui aident à la détention : allumettes, grattoir, mégots et lames de rasoir. Puis, à grands jets de fly-tox géants qui nous saupoudrèrent les parties et la raie des fesses d'un nuage de talc blanc, on nous fit cavaler le long d'un couloir.
Comme toutes les prisons modernes, les Baumettes présentent au touriste un sinistre aperçu de ville future. Ce ne sont que salles contreplaquées de fer, escaliers métalliques, trois quatre étages bordés de balcon à tubulures donnant sur un paysage intérieur et portes lourdes de cages dont les verrous claquent comme des coups de feu.
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Je restai une quinzaine avec eux, à tapisser les chaises, à recoller faïence et porcelaine, à boucher des fonds de marmites, à torcher des balais, à déraciner des légumes dans les jardins en plein jour, à bouffer des choux-fleurs en fleurs, essayant de tirer le tarot avec José, racontant des histoires à sa légitime. Faisant l'amour au soleil avec ma bécassine qui était bête à me faire pleurer mais faite au moule, avec des vices et des ingénuités à me rendre tout chose, des nichons balourds et conséquents, un appétit incroyable sauf quand aux choux-fleurs, et une croupe onduloyante qui m'obligeait à marcher de préférence devant elle si je ne voulais pas trop souvent l'emmener cueillir des mûres derrière les buissons. Et à qui, en échange de tant de dons, j'essayais d'apprendre à se laver. Ça ne sert à rien, disait-elle, puisqu'on recommence après.
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L’étymologie de berlingot a suscité des hypothèses diverses. Mistral lui donne pour origine l’osselet avec lequel jouaient les enfants et dont notre bonbon a pris la forme. D’autres linguistes l’ont cherchée dans l’italien berlingozzo. Plus pittoresque est celle que l’on va chercher dans le nom du pape Bertrand de Got, alias Clément V, qui résida à Carpentras., y manifesta un goût particulier pour les gourmandises. Ce serait au cours d’un de ses célèbres banquets qu’aurait été inventé cette friandise. Le maître-queue du nom de Sylvestre, ayant confectionné un flan caramélisé, se trouva avec une quantité de sirop non utilisé. Il eut alors l’idée de recuire ce caramel en l’additionnant de menthe et de citron, puis de façonner cette nouvelle pâte en forme de bâtonnets qu’il offrit au prélat avec ces mots « Honneur à Bertrant de Got, à découper avec des ciseaux d’or ». Le pape goûta et goûta fort cette sucrerie insolite. Et accepta qu’elle portât son nom que la tradition transforma peu à peu en berlingot.
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Pullulaient les araignées, faucheuses ou sauteuses, qui pour la plupart ne tissaient pas de toiles mais nous couraient désagréablement sur l'haricot. Un vieil instinct nous les faisait chasser, alors qu'indifférents nous contemplions la présence de chétifs longicornes, abeilles perce-bois, charançons pique-oreilles, punaises puantes, scolopendres mille-pattes et cloportes crustacés. Sans compter diverses races de fourmis qui s'entrecroisaient. Le tout parfaitement immangeable.
Restaient les champignons. Mais autour de la cabane ne se trouvaient évidemment que lactaires visqueux, volvaires gluantes et amanites citrines. De belles couleurs en vérité. Pour trouver mieux, il fallait cavaler à travers les ronciers des heures durant, sous la sempiternelle ondée. Encore ne trouvais-je que bolets raboteux que je n'osais rapporter. Le Gitan, plus averti que moi des ressources de la nature, cueillait des espèces dont le seul aspect évoquait en moi l'ipéca. Il avait beau me les nommer en dialecte manouche, j'attendais deux ou trois heures après son ingestion pour y tâter du bout des lèvres. J'aurais nettement préféré mâcher des écorces de bouleau. Ce n'étaient que russules palomets ou charbonniers, coprins parapluie, pleurotes huitrées et amanites grisettes. Que mon rabouin faisait réduire à petit feu dans sa boîte. Bouillie glougloutante qu'il touillait d'une badine, où je voyais, sans effort, un ragoût de sorcière.
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Rien n'est plus épouvantable que le repêchage en Seine de cadavres qui s'en vont à vau-l'eau couler des jours meilleurs dans un autre univers, gosses maltraités et incompris, filles engrossées et abandonnées, chômeurs inadaptables, follingues obsédés, tous ces types de roman-feuilleton qui ont la vogue des lectures populaires et dont le spectacle cramponne les badauds comme des insectes scatophiles sur des merdes neuves.
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Nous n'avons déjà, dans notre aventureuse existence de passeurs de frontières et de coureurs des bois, point tant l'occasion de trousser la dentelle.
A nous, bien sûr, les bonichonnes de bistrots routiers, les filles de ferme baisogneuses, les chineuses jeunettes qui portent balle, les manouches en rupture de clan et les petites filles égarées dans les sentes villageoises. Mais ne sont que coups de chance inattendus, agréments passagers d'une putain de vie et concessions du destin. La plupart du temps, il n'est paradisiaque, dans nos soirées solitaires, que de faire sauter la cervelle de Charles le Chauve. A moins que le compagnon d'une nuit ne soit pédalo éprouvé.
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On ne voit là que l'habituel spectacle des bistrots de dernière catégorie. Mais des bigornes remarquables par l'ampleur des injures et de la verrerie brisée, et quelquefois une femme torchant son momignard qui a le vilain chié clair dans ses langes.
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Je n'ai pas de sympathie particulière pour les bonnes soeurs, principalement celles, les plus nombreuses, qui n'ont pas succombé à la foi mais à leurs complexes, physiques, moraux, héréditaires, poussées au couvent par leur face camuse, leur oeil bigle, leur nez pointu, leur bec-de-lièvre, leur petite taille, leur moustache, et se sont accrochées à cet état de vie latente, embryonnaire, finissant par s'y complaire, y subissant le charme équivoque du masochisme, y goûtant des plaisirs rares et soi-disant plus subtils...
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territoire habité, vécu, travaillé par ceux qui l’ont façonné et qui nous invitent à habiter, à vivre et travailler avec eux. A nous de ne pas prétendre le façonner à l’image à l’image du monde dont nous venons
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Après le casse de la nuit, je voyais bien qu'il ne tenait plus en place. Le pochon qu'il avait sur le bedon le démangeait comme un rigolo. A peine le cul posé sur une souche, il se relevait, se grattait la tignasse, se palpait le sesque, se rongeait les ongles et jacassait tout seul. Ne pensait plus un instant à évincer les gendarmes. Sa seule envie était visiblement de descendre se payer une chambre en ville, avec une pépé dedans bien sûr, de s'offrir un stèque aux pommes dans le premier casse-graine avec un café fort, de prendre une muflée pas ordinaire et de se pageoter au creux des draps blancs et des nichons roses.
Louable désir en somme.
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Le Voltigeur avait à la ceinture une gourde en peau de bouc lourde d'un vin capiteux, qu'il avait vasecommuniqué dans l'arrière-salle d'un bistrot nivernais. Mais je lui demandais d'abord s'il n'avait point un quignon de volaille à tortorer. Il me fila un quart de fromogomme asticoté. C'est tout ce que j'ai, dit-il pour s'excuser de si piètre festin. Enfin, le blanc sec du matin solidifié suffisamment je pus l'aider à étancher son outre.
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"Drame de la Cour des Miracles à Boulogne-Billancourt. - Après une nuit d'orgie en compagnie de Jésus-Christ, un chiffonnier est tué à coup de masse."
Puis le lendemain : "Au petit jour, Brutus, la terreur des biffins, a fait d'une voix calme le récit de son crime."
C'est par souci de vérité que j'indique des références noir sur blanc et si je recours à des coupures de presse, c'est que malheureusement je n'étais jamais là à l'heure du crime.
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Jean-Paul Clébert
Une somme baroque.
Mais c’est impossible. Il y a trop de choses à dire.
Il faudrait y consacrer des années, et l’épaisseur d’un tel livre rebuterait l’éditeur avant le lecteur. J’ai tant de notes prises en deux ou trois ans de vagabondages intra-muros, crayonnées et empilées en vrac, Dieu sait où, et plus nombreuses encore dans ma tête, tant de visages, de dialogues, de toiles de fond, de prises de vues des bas quartiers où la vie est animale, dangereuse, cachée, de ce terre-à-terre exemplaire où règnent la loi de la jungle et le démerdage, où pleuvent les miracles, où l’on tire les jours plus vite que les bouffées d’une cigarette, tant de choses vues, entendues, devinées, à hurler sur la place publique ou à tenir secrètes pour n’être pas de la race des condés, tant et tant que j’ai dû limiter mes dix pages d’écriture quotidienne à l’éjaculation lente et spasmodique des premières à venir, dans un désordre imprévisible, selon l’humeur d’une mémoire qui fait des siennes, me joue des tours, et au milieu de la quête régulière et obsédante d’un repas et d’un toit tranquille. Et cela me fout le cafard, car chaque visage, chaque dialogue, chaque rue étroite, chaque coin sombre, chaque bistrot lumineux mériterait un volume entier et bourré comme une cantine, de renseignements, tuyaux, détails, anecdotes, commentaires…
Or, tant pis, il faut se résigner, laisser filer la plume.
Et aussi bien, ceci n’est pas un Baedeker à l’usage des touristes.
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...On pourrait traverser Paris de part en part en ne suivant que des rues pittoresques, à condition de sauter les avenues, se boucher les yeux et les oreilles aux carrefours pour reprendre de l'autre côté le pas des caravanes, et cela sans avoir besoin d'évoquer l'histoire pour animer les vieilles pierres et émouvoir le coeur des visiteurs par des réminiscences plus ou moins factices ...
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