Un amour ne se crie pas sur les toits. C’est un parfum dans l’air.
Le vieil homme ne parle pas tout seul, il soliloque. Il se raconte en silence des fragments de sa vie et ces récits le constituent. Des souvenirs qui s’empilent, des piles qui deviennent les piliers d’un futur en devenir.
Il en fit aussi une conteuse digne des MILLE ET UNE NUITS : « Raconte-moi une histoire. » Elle improvisait des contes sans fin, l’enfant l’écoutait en la tenant par la manche. Une fois qu’il se mettait à sangloter, elle lui caressa le visage : « Essuie tes larmes, Arnauld, c’est une histoire, une histoire de choses qui ne sont pas arrivées ! » Arnauld pleurait sur des choses qui n’étaient pas arrivées.
Pas un mot, des baisers. Des baisers encore et encore. La folie amoureuse, cette démence propre aux amants. Des deux mains, il prit la femme par la taille, la souleva en éclatant de rire ; elle ne touchait plus terre. L’indécence, l’outrecuidance, sur un quai de gare ! Retrouvailles après une liaison de vacances, passade devenue amour ?
La nature est prodigue envers les marginaux : manger entre les repas, porter tous les fruits à sa bouche, goûter le suc des plantes, grimper aux arbres, s’entretenir avec les oiseaux, côtoyer des héros légendaires. Du printemps verdoyant aux feuilles d’automne que l’hiver viendra balayer, chaque saison a son imagerie propre.
Je vis comme on rêve – seul. Mon existence, ma traversée de ce demi-siècle, j’en fais un tremplin. Je possède en propre ce que j’ai perdu, c’est ma fortune colossale. Je repeins mon passé avec une palette de couleurs chaudes : les couleurs du soleil à son coucher.
Vivre passionnément, vivre sa vie comme une évasion, être enfant de l’imprévu, adopter l’imprévisible. S’affranchir de l’aliénation des « pourquoi ? » car la signification se dérobe sans cesse et seul l’amour, unique certitude, a réponse à tout.
Aucun amour n’est mortel. L’absence habitée va plus loin que la présence physique. C’est la démonstration de notre pouvoir sur les traîtrises de l’existence. Une barque existe pour voguer, les flots pour s’aventurer, la rive pour aborder.
Celui que raconterait LE VIEIL HOMME ET L’AMOUR vit pour la première fois l’amour dans le regard de sa mère.
Instinctivement, il comprit que l’amour est un regard porté, l’évidente représentation terrestre de la divinité.
Je veux partager ce que les paroles des disparus m’ont laissé. Leurs traces sont des mots, je suis un conteur. Ces blocs tournés au levant comme devraient être les humains défiant chaque jour le cours des jours…