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Critiques de Jean-Paul Delessard (4)
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Motsments

Ces moments insolites mais fugaces de la vie où le regard de Jean-Paul Delessard se pose en flânant, sont conservés dans sa mémoire visuelle, avant de revenir à la vie sous la plume de ce fin limier des lettres.



Ancien correspondant de Ouest-France et du Mensuel du Golfe, Jean-Paul Delessard est un glaneur, comme les personnages de la cinéaste Agnès Varda. Il va à la pêche aux anecdotes, gratte et chalute partout où palpite la vie comme d'autres écument les bars pour se sentir exister.







IL est difficile de le piéger, il se déplace sans caméra, il écoute sans écouter Madame Paul, la poissonnière, celle qui n'écoute pas, mais qui parle pour ne rien dire, et Monsieur Delhambre qui martèle, page 109, "par ce temps mouillé rien ne vaut le blanc de seiche".





Si vous n'êtes pas trop dépressif, page 55 Jean-Paul Delessard vous fait vivre en direct l'éventration brutale de l'une des Twins Towers. Belle prouesse cinématographique que de suivre en live le crash d'un gros Boeing sur le bureau de Bunny, employé fantaisiste qui n'a plus que quelques centièmes de seconde à vivre avant d'être pulvérisé





Admirateur de Pierre Dac et de Pierre Desproges, il multiplie à foison les dialogues de sourds. Dans un restaurant ou au bar, devant une assiette, vide ou pleine, devant un verre vide qui se plaint, ou l'inverse, l'ivresse aide à renforcer la convivialité.





Ce dialogue on le déguste page 81, à travers les propos de trois vieux énergumènes qui refont l'élection présidentielle, sous l'oeil effaré d'un serveur dépassé par la houle verbale dégagée, notamment par un barbu. .

- Je déparle moi ! Je déparle moi ! Elle est bien bonne celle là.

- Oui monsieur tu déparles.

Libérés de toute pudeur, et malgré la présence de touristes frigorifiés par la pluie, sans même se limiter à leurs seules paroles, les bras et les torses s'agitent en tous sens. Puis enfin, les cris, comme ceux des nouveaux nés, cessent, on apporte des mignardises.

Il suffisait de savoir les prendre.





Celle, qui pour ma part a suscité le plus d'enthousiasme est la nouvelle publiée sous le titre Maux de mer. Si Richard accompagne Cyril, son frère, n'est-ce pas pour sortir de la léthargie Richard ce frère maladroit, lui donner ce petit brin d'expérience dont il a besoin pour grandir.



La navigation entre la Rochelle et la Trinité même par temps agité n'effraie pas le bon marin, en effet « celui qui trop écoute la météo passe sa vie au bistrot. », selon une maxime plus britannique que bretonne.

Passé la Tranche sur Mer, passage bien connu au débouché du Pertuis, la mer connaît une dérive peu estivale avec des creux de plus de 5 mètres dont raffolent les surfeurs de Bud Bud, et sous l'oeil goguenard d'un Clémenceau toujours endormi par si gros temps..





Le tempérament du jeune Richard va pouvoir s'exprimer, il doit être rigoureux, imaginatif, dévoué. Mais Richard n'est pas un marin, et si peu cuisinier que ses initiatives virent au cauchemar. Un ado fantasque est gérable de jour et par temps sec, quoique, mais en mer le mal du aux mouvements désordonnés du bateau fait vite des ravages.





De ce voyage, une autre maxime verra le jour, quand un breton a pris une beudasée, la soute doit être bien fermée.





Je ne saurais vous conseiller, de déguster cette balade au creux du Pays de Rhuys, où il crèche, et ce cru, un de ses meilleurs millésimes. Un bel ensemble de nouvelles qui mérite une pause, autant que ce voyage irlandais qui nous offre de descendre par lampées du Jaouen aux parfums de "Cocaïne des Tourbières". C'est un florilège de bons moments, biens arrosés de pluies ou de soleils, de vins frais et de blanquettes, de rencontres cocasses, et surtout de beaucoup d'humour.



Ce sont surtout des moments saisis sur l'échine tendue du temps qui passe. Pour les retenir avant qu'ils ne basculent dans les fosses du passé, il fallait mettre au point des outils de lutte contre l'extinction totale : les Motsments.

L'oeil pétillant de celui que ses courtes histoires amusent, a trouvé dans les remous du temps, le tempo qui le rend si surprenant et si joyeux.





Pourtant en fermant le livre, les mains de Mina me hantent, ces mains qui ont tout balayé. Celles de Mina, si frêles ne verront plus le jour.



Jean-Paul Delessard laissera malgré lui, une tache sombre indélébile, la trace d'une empreinte, celle de la petite Mina. Six pages griffées d'obscurantisme, de poussières, que la brise dispersera. Oh ! Dieu n'aura pas à se plaindre, il y avait tant de monde sur la place du marché, une foule bien dense. L'Imam aux yeux plein de fièvre, lui aussi sera content.

La maman de Mina, ne peut pas comprendre. Areen y perdra la vie, les yeux aveuglés par les larmes, et humiliée par l'insouciance de Mina, Mina privée de sa maman a peur, il lui faut toute cette foule pour la rassurer.





Les fous de Dieu, ont la main pour imposer le silence, imposer aux femmes le silence des hommes, un silence qui n'a plus de prix...





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Mailer-Daemon ou l'affaire de Valadouro/Rav..

Qu'est-ce qui a bien pu, conduire Jean-Paul Delessard à écrire cette fiction, qui s'apparente plus à une longue réflexion sur le temps qui passe, qu'à une intrigue entretenant un suspens haletant.

L'éclat de voix page 24, de Fantine nous éclaire sur le dessein de l'auteur ; “je voudrais moi, vieille petite femme des plus ordinaires, qu'une des figures du panthéon des lettres françaises, se préoccupât de rédiger l'histoire de ma vie dont je suis la première à penser qu'il n'y a pas de quoi faire un roman !





Jean-Paul Delessard lance un pari, la vie des humbles peut-il encore intéresser les lecteurs ?

Pour ma part, j'ai trouvé utile, mais sans doute délicat, de raconter Fantine, et de propulser au centre du livre, la vie simple d'une femme de la campagne. Fantine ne fait pas partie des taiseuses, et son audace d'écrire avec ses mots, sa vie, ses espoirs, et parfois ses détresses mais dans la lumière, exprime cette soif de dire, regardez comment les gens vivaient, et autrement que par le prisme de statisticiens ou de journaleux.





Le livre se situant en pays gallo on ne sera pas étonné, que l'auteur baigné dans cette culture, disperse ça et là quelque belles expressions de ce terroir comme, “ cet espèce de halètement qui allait avec les premières gerbes que le “ dégodivlou “ enfournait entre les tambours.”



De même, Fantine grande lectrice d'Irina de Valadouro, saisi chaque occasion pour relever tel ou tel mot, désuet mais très évocateur, et le mettre en avant avec malice, “ce fluage quand je ploie, mais résiste avant de retrouver ma forme initiale néanmoins marquée, de quelques cicatrices “.



Il ajout page 35, mais à quoi bon me ridiculiser! en reprenant un thème que vous avez si brillamment développé dans «  Fluage «, votre premier roman, celui que j'ai alors reçu comme une sorte de révélation.



A dix huit ans, Fantine, à la Closerie de Morsang, brûle de découvrir la pépinière et de s’acquitter au mieux de ces taches répétitives mais si ardemment espérées. Les hommes de la maison Duchemin, Michel et Paul-Henry, bouleverseront sa vie. Tout en observant Mme Grappon la bien curieuse, Fantine s'attache à raconter ce passé qui lui échappe encore.



Après le temps de l'allégresse, vient le temps de la mélancolie, du temps qui passe, des deuils, de l'usure des mots face à la dégradation du corps. Heureusement c'est Fantine qui parle pour l'auteur, comme pour s'excuser de parler de ce qui le ronge parfois, elle lance comme une boutade, “et la mort ?”

Pourquoi la craindre puisqu'elle n'est rien. Il faut craindre de ne plus vivre, pas de n'être plus.

La mort n'est que moche.





A travers la vieillesse des parents de Fantine, Jean-Paul Delessard espère persuader Irina, de s'attacher au destin des anciens; “chère Irina, je souhaite devenir ce personnage de votre prochain roman…”, et Fantine explose “l'ignorance de ce qui viendra après eux, l'incompréhension face à leur histoire aussi, devant la béance d'une vieillesse privée de sens. «  Ces hommes avaient marché insouciamment vers la fin de leur race « a écrit Victor Ségalen”.





Comme dirait Fantine le style est ample et fluide, avec ses incessantes digressions si chères à l'auteur, de ce besoin de lancer quelques pointes, de pas oublier ce que nous sommes modestement, juste âpre à l'écriture, apprentis maladroits mais téméraires.



Le livre d'un sage épris d'authenticité, et de liberté, pour un hommage à ses racines et à ses arbres séculaires, avant un dernier coup de théâtre pour clore cette fiction en un feu d'artifice journalistique.

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La Vie d'Elsa

La Vie d'Elsa de Jean-Paul Delessard, est un livre sombre, aux teintes estompées, la quatrième de couverture, nous dévoile 4 maximes annonciatrices de bien des drames, la loi N° 4 »les maux qui les accablent font un bruit infernal ».



La photo de couverture sur ces marais en noirs et blancs, donne le frisson.



La Vie d'Elsa ressemble à ces romans Irlandais où le poids des traditions, telles des vents chargées d'encres noires, plombe la vie, au fil des jours, la désagrège.

" Le ciel lentement s'était assombri. 

Avec le flot se développait, loin derrière l'autre rive de l'étier, tout un feston de gros nuages gris".P 37



La vision de Jean-Paul Delessard sur le monde est porté par le visage d'Elsa, une femme trop belle, orpheline, qui s'échoue dans un mariage, sans l'avoir ni rêvé ni voulu.

Les premiers mots de Jean-Paul Delessard semblent glisser, sur les beautés de la presqu'île de Rhuys, nulle inquiétude encore, le monde est lissé par les bons sentiments.

Puis les mots s'enrayent, se grippent sur les événements, dérapent dans la pluie, la boue et dans le cœur des époux.



Marie Edmée De Roguenard, a oublié qu'une mère peut être affectueuse, valoriser Charme, parfois le sécuriser, cela ne doit pas être insurmontable pour un fils unique, l'héritier, mais aimer son enfant est pour elle une énigme.



Charme au nom si frais si tendre accumule les handicaps, timide, solitaire, à peine socialisé, policé avec les bonnes manières, est immature le jour de son mariage. Jean-Paul Delessard pour mieux égratigner la mère lui a coupé sa particule pour un De, ridicule, comme pour une vulgaire roturière. La messe est dite, néanmoins, Marie Edmée va perdre pied, son fils a fait un mariage contre nature, la bénédiction se fera, dans la plus stricte intimité..



Le mariage se fige dans la morosité, le silence, l'humidité. Surveillé par Noémie, la bonne, l' espion secret de la grande Edmée, les escapades innocentes d'Elsa sont dénoncées. Charme se tait et de son silence naît une première fissure, profonde, charnelle, violente, avec le sentiment d'avoir été une proie facile, si sourdement abandonnée.



Elsa est orpheline, l'abandon est vécu dans la douleur et la honte, car tout est de sa faute, elle ne mérite pas l'estime des autres, pense t-elle. 



Cependant Elsa sera bien vite repérée, par d'autres hommes, "Ainsi recroquevillée Elsa avait quelque chose d'un oiseau perché. p36",  admirée, puis choisie et aimée croit-elle, Elsa sera follement amoureuse d'un homme, Yves le Gallic, et curieusement la confidente de Dominique sa femme.



Étrangement, la voilà telle l'aigrette, adulée par un autre, un Artiste. Elle a trop de charmes, mais un de trop, le sien, Charme qui devient de plus en plus incapable, de gérer ses revenus, de protéger Elsa.



Le roman est une forme de portrait plein d'ironie à l'encontre de l'aristocratie vieillissante, comme envers certains acteurs acharnés de la chasse au gibier d'eau, alors que la richesse de la faune limicole, de cette presqu'île est unique,



Plus encore, un réquisitoire très noir, à l'égard des élus, ces nouveaux hobereaux, à ceux qui abusent de leur pouvoirs, un récit aux touches féministes, qui interroge sur les droits que les hommes accordent réellement aux femmes.



Récit au goût amer, pour ces hommes, qui prennent sans protéger, qui aiment sans donner, qui fuient après avoir blessé, tous, l'aristocrate, le médecin, l'élu, le chef d'entreprise, l'artiste, tous ont pu tenir leur proie comme cette sarcelle qu'Elsa tient dans ses mains, encore chaude de vie, aucun ne semble prêt à la sauver.



Entre marais et landes couvertes d'ajoncs, Jean-Paul Delessard développe une langue charnelle puisée à l'aquarelle de nos paysages brumeux, enveloppés de mythes, un pays de mystère si proche de la beauté d'Elsa.

La nature omniprésente est bien l'univers qui hante ce roman, les oiseaux nicheurs et les multiples limicoles, les courlis, les chevaliers gambettes aux noms enchanteurs, accompagnent le lecteur, et redonnent une beauté sauvage à ce roman.

Un beau roman pour cet automne et les jours à venir.







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Orbes noirs

La 1ère nouvelle est une excellente entrée dans cette suite d' évènements plutôt sombres , car elle est réjouissante et hilarante .

Le contexte importe peu même si vous eussiez rit encore plus de bon cœur si vous aviez côtoyé les personnages de la presqu'île de Rhuys .

Cet auteur qui vit en Bretagne n'attache pas ses pas à nos landes pour y faire revivre une culture bretonne quelle soit d'Arvor ou d'Armor .

Jean Paul Delessard a fait plus d'un métier et ses pas vont aussi bien sur terre que sur l'eau . Ne dédaignant pas la montagne il se classe là où ses nouvelles le porte , avec la ferme intention de vous surprendre .

Il faut découvrir ces destins dans lesquels se cache son humour et sa façon si personnelle de nous enchanter .

Le lecteur appréciera ces facéties, celles d'un auteur qui écrit pour le plaisir et qui ne se prend pas au sérieux.
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