D'une femme à son amy
Je vous prie, mon amy, ne poussez pas si fort ;
Hélas, vous me tuez ; hé, mon Dieu, je suis morte ;
Tout bellement, mon coeur, faut-il qu'en cette sorte
Je trespasse en vivant , Ha, vous avez grand tort.
Quoy, vous m'aviez promis que seroit sans effort,
Mais vous poussez tousjours, et il faut que je supporte,
Pauvrette, cet assaut, hé, faites tant qu'il sorte,
Mon cœur, et le mettez suelement sur le bord.
Mais quoy ? plus je te prie, et plus tu me tourmentes,
Plus je te crie mercy, et moins tu t'en contentes,
Plus je me rends à toy, moins me veux secourir.
Mais puis que c'en est fait, pousse, je te supplie,
Pousse, et fut-il plus long de trois pouces, ma vie,
Je pousserois mon coup, si j'en devois mourir.
Henri Fornier 1610
Le Clitoris, de Henri Cantel 1869
Le clitoris en fleur, que jalousent les roses,
Aspire sous la robe, à l'invincible amant ;
Silence, vent du soir ! taisez-vous, cœurs moroses !
Un souffle a palpité sous le blanc vêtement.
Béatrix, Héloïse, Eve, Clorinde, Elvire,
Héroïnes d'amour, prêtresses de l'art pur,
Chercheuses d'infini, cachez-vous dans l'azur !
D'astre en astre montez, aux accents de la lyre
Loin des soupirs humains ; plus haut, plus haut encor,
Volez, planez, rêvez parmi les sphères d'or !
Le printemps fait jaillir les effets hors des causes ;
La lune irrite, ô mer ! ton éternel tourment,
Et le désir en flamme ouvre amoureusement
Le clitoris en fleur qui jalouse les roses.
1522 - [Points P1928, p. 39]
Une des vertus de l'érotisme est d'emporter l'être humain loin des misères et de la morosité du quotidien pour lui permettre de se rouler dans les immensités du septième ciel. Libéré des contraintes quotidiennes, arraché à sa condition mortelle, l'homme ou la femme devient alors un être de désir, goûtant au bonheur qui semble lui promettre l'immortalité.
Jean-Paul Goujon (présentation)
"Pour connaître Pierre Corneille, le secret le plus simple est de lire sa prose", déclarait [Pierre Louÿs], pensant que c'était dans cette prose que s'était exprimée la véritable pensée de l'homme: "Par le théâtre, il ne forme pas, il déforme sa pensée. Il ne la peint pas; il la défigure."
L'écriture de Corneille est unique en français.
Elle est artificielle.
Artificielle par instinct et par école, tout d'abord. Puis artificielle par exercice; et enfin par maîtrise.
La personnalité de Corneille est gigantesque.
Elle est en poésie ce que Bach est en musique, c'est-à-dire la maîtrise ininterrompue aboutissant au mépris de l’œuvre et de la signature.
Il est un malentendu sur le XVIIème siècle, celui qui consiste à se faire une image rigide et morale de cette époque. Rien de plus inexact, car, comme l'a écrit La Varende, la "médaille du XVIIème est double : à l'avers, dignité, mais au revers, érotisme".
Extrait de la Préface.