RTBF AUVIO. Un jour dans l'histoire : "Paix sur la Guerre... "J'ai fait une guerre mondiale et je n'ai jamais pensé au monde ..." (Paix sur la Guerre, Chapitre XIII, Les scarifiés, p.164) C'est pour que mon anti-héros, Achim Feuerberg, prononce cette phrase que j'ai écrit tout le chapitre 😉. Parce qu'il accède enfin au nihilisme en voyant les Sénégalais, les Algériens, les Indochinois, les Kurdes frapper en vain aux portes des Puissances européennes ... Mon livre est un roman mais grâce à l'émission "Un jour dans l'Histoire" on aborde le contexte : Paris, 1919, capitale des hommes sans pays ...
Lloyd Georges se maintiendra au pouvoir jusque 1922 et deviendra un jour le plus vieux député de Grande Bretagne. En septembre 1936, il rencontrera Hitler à Berchtesgaden ; il en fera un portrait élogieux dans le Daily Express.
Il lève son verre vide au passage de la serveuse qui revient avec un verre plein. Vodka. Troisième verre. Le meilleur. Celui qui passe comme du velours. Achim l’a surnommé le 11 novembre, le verre de l’armistice, parce qu’après trois verres, généralement, les gens veulent la paix. Même les Allemands. Feuerberg se souvient du 11 novembre à 11 heures. Allemands et Français, sales, hirsutes, désarmés, aussi miteux les uns que les autres, étaient sortis des tranchées et s’étaient rencontrés dans le no man’s land. Après trois verres d’alcool versés dans les capuchons des gourdes, ils s’étaient mis à danser deux par deux. Des journalistes américains photographiaient ces soldats clochards et leur pauvre valse sans musique. Achim se souvient du sourire timide des danseurs, leurs pas figés, leurs yeux fuyants. En quatre ans de guerre, il n’avait pas vu image plus désespérante que cette danse. La vue des survivants, c’est bien plus terrifiant que la vue des morts.
Et puis il y eut ces mois où il fût sans emploi ; ce
poste à prendre dans une petite ville du Nord du pays.
Et il y eut Sarah. Et entre eux, un désir, immédiat,
mystérieux comme tout ce qui est naturel. Quelques
nuits sans latex, pas sans frayeurs tardives, un test
négatif et tous les autres jours et toutes les autres nuits.
Depuis vingt mois, ils vivaient une aventure sans
lendemain précis, une histoire sensuelle et sans suite,
comme dans une chanson, une longue, une très longue
chanson... Il savait peu de choses d’elle, de sa jeune vie
passée : un père mort quand elle était enfant, une mère
laissée en Suisse, dans un village de montagne dont elle
ne parlait pas. Il ne savait rien de ses anciens amants. Il
ne lui demandait jamais rien. Il avait pour le passé de
Sarah une absence totale de curiosité.
Étrange pays, se dit Rosenfeld, un pays où les putes chantent des comptines enfantines sous les réverbères, un pays où les chants pour enfants parlent de peste, de mort et de cadavres à la fête.