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Critiques de Jean-Paul Sartre (832)
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La Nausée

On pourrait croire que La Nausée est une expérience du dégoût de soi appartenant à la vie. En réalité, elle est son opposé, c’est-à-dire une expérience du dégoût de la vie n’étant pas contenue en soi. On comprend d’autant mieux ce positionnement que le livre qui le décrit est le premier que publia Jean-Paul Sartre, lui libérant ainsi une voie royale pour se faire connaître. Avant la nausée ? Rage de n’être rien. Ecriture de la nausée. Après la nausée ? Digestion satisfaite de l’homme qui a commencé à s’affirmer dans l’existence. Et ce dernier mot nous en rappelle un autre : existentialisme, ô mon amour… en un roman à tendance autobiographique, on devine les raisons de la construction d’un système philosophique. Parce que Jean-Paul Sartre aura réussi à dépasser sa nausée, il imposera ensuite à tous de le faire sous peine d’être des hommes de « mauvaise foi ». Et pourtant, l’entreprise ne semble pas aisée. Il suffit de lire les pérégrinations d’Antoine Roquentin pour s’en rendre compte.





Le bonhomme mène une vie peu intéressante qui le trimballe de Bouville à Paris, essayant de renouer des liens avec une femme qui fut autrefois son amante, tandis qu’il s’attèle à la rédaction d’un livre historique traitant de la vie du marquis de Rollebon. Solitaire, plutôt désœuvré, il a beaucoup trop de temps libre pour réfléchir. On sait jusqu’à quelles extrémités peuvent conduire l’inactivité… chez Antoine Roquentin, elle se traduit par des idées fixes, des spasmes et une phobie de la nausée. Cette dernière survient comme une crise épileptique : certains signaux permettent d’en soupçonner l’arrivée, sans pouvoir toutefois jamais être certain de la probabilité, de l’heure et du lieu d’attaque. Antoine Roquentin observe les objets et les gens jusqu’à se laisser hypnotiser par eux. Mais l’hypnose est maussade et le choc du retour à la réalité se traduit par le sentiment d’avoir compris intellectuellement l’existence des choses observées sans jamais pouvoir exprimer cette expérience de manière intelligible. Au lieu d’écrire La nausée, Wittgenstein aurait écrit : « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire ». Mais Jean-Paul Sartre préfère parler.





Si l’on excepte ces tentatives ratées de descriptions impossibles, on avouera toutefois que certains passages brillent à décrire des sensations moins intellectuelles. Pour bien faire, Sartre n’hésite pas à former des paragraphes synesthésiques convaincants qui mettent en avant l’absurdité de nos croyances en une vie fondée une fois pour toute, et partant à jamais immuable.





« Sur tout ce que j’aime, sur la rouille du chantier, sur les planches pourries de la palissade, il tombe une lumière avare et raisonnable, semblable au regard qu’on jette, après une nuit sans sommeil, sur les décisions qu’on a prises d’enthousiasme la veille, sur les pages qu’on a écrites sans ratures et d’un seul jet. »





Entre quelques touches d’absurde dignes d’Ionesco (« Mon canif est sur la table. Je l’ouvre. Pourquoi pas ? De toute façon, ça changerait un peu »), on découvre une tendance à la vision organique et horrifique. Le doute surgit : et si tout pouvait être autrement ? et si tout se mettait à vivre, vraiment ? Ce mélange audacieux aurait pu être convaincant si Jean-Sôl Partre n’était pas convaincu d’être le seul être humain sur terre –s’opposant à une humanité de bourgeois- à connaître le doute existentiel. Connaissant ce que devint l’homme des années après la publication de ce premier roman, n’est-il pas amusant de le lire rager contre ceux qui s’attirent la reconnaissance sociale et intellectuelle ? « Les magnifiques yeux gris ! Jamais le moindre doute ne les avait traversés » -et pourtant lui… et d’ailleurs, n’est-ce pas un privilège « bourgeois » de pouvoir contempler sa main et la décrire des pages durant jusqu’à faire surgir la nausée ?





Il serait toutefois dommage de cracher sur ce livre bourgeois qui s’amuse lui-même à cracher dans la soupe bourgeoise. Le plus important est de reconnaître ses illuminations psychologiques, sa finesse des perceptions, et l’acuité d’une vision qui se précisera plus tard jusqu’à former un système philosophique et politique. Comme quoi, il y a toujours du bon dans le désœuvrement.
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Huis clos - Les mouches

Une pièce d théâtre qui pour moi n'a pas pris une seule ride.

Je l'ai lue quand je devais avoir 16 ans, pour mon plaisir personnel. J'en gardais un bon souvenirs et rien n'a pas changé

et puis je pense qu'elle peut être interprétée et comprise de différentes façon en fonction du lieux et de l'époque.



En ces tristes jours de confinement je crois que cette pièce de théâtre regagne ses lettres de noblesses, parce que mêmes si on aime plus que tout les siens, il arrive toujours un moment ou un autre qui fait que la promiscuité devient compliquée.



Mais j'apprécie la justesse des personnages de Sartre. Et qui au final on y retrouve une façon de voir le manque d'empathie, l'égoïsme et la manque de tolérance des êtres humains



Une petite pièce de théâtre qui devrait être lue par tous



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Les mots

Après avoir critiqué le garçon de café dans L’être et le néant, Jean-Paul Sartre se prend au jeu de la mauvaise foi en écrivant Les mots. Pas question pour bibi de se donner un pauvre rôle de serveur de brasserie : Jean-Paul Sartre se prend pour un écrivain prédestiné et Les mots, sous la forme d’une autobiographie à peine enjolivée, tente de nous convaincre de la fatalité de son destin.





Le livre se divise en deux parties : « Lire » et « Ecrire ». Si besoin était, Jean-Paul Sartre nous rappelle qu’avant d’être intellectuel, il était comme tout le monde, et qu’il n’a pas appris à écrire avant d’apprendre à lire. Il s’amuse donc à revenir sur ses jeunes années en dressant le portrait-type –plein de mauvaise foi- du petit Sartre, enfant unique adoré, proie de la tendre convoitise d’une famille morcelée qui se déchire l’amour du petit dernier comme une famille de corbeaux autour d’un dernier quignon de pain. Petit Sartre qui veut plaire aux adultes, qui joue le rôle qu’on lui impose, et qui finit par perdre son identité en se fondant avec la volonté de ses aïeux. Mais si l’identité est perdue, que nous raconte le petit Sartre devenu grand ? Des histoires. Mais des histoires tenues pour véridiques : un copier-coller rapidement mâché et digéré des théories psychanalytiques qui abusent de termes manipulés à mauvais escient. L’inconscient devient la justification maîtresse des aspirations littéraires –il évite surtout le devoir de cohérence. Ainsi peut-on gentiment farandoler : « Je souscris volontiers au verdict d’un éminent psychanalyste : je n’ai pas de Sur-moi » -parler de soi sans fin, et parler un peu des autres, mais toujours avec ce même profond mépris qui saillait déjà dans des publications antérieures :





« L’heureux homme ! il devait, pensais-je, s’éveiller chaque matin dans la jubilation, recenser, de quelque Point Sublime, ses pics, ses crêtes et ses vallons, puis s’étirer voluptueusement en disant : « C’est bien moi : je suis M. Simmonnot tout entier. » »





Malheureusement, Jean-Paul Sartre ne nous donnera jamais l’explication de son mépris de l’humanité –ce qui n’aurait pourtant pas été de mauvaise foi. En se prenant pour l’exception, élu surhomme au-dessus de toute la plèbe, l’auteur se montre détestable et ennuyeux. Tout tourne autour de lui et la perspective des évènements décrits ne dépasse jamais le bout de son nez. Peut-on trouver de l’intérêt à lire un journal qui relève plus de l’onanisme biographique que de la véritable recherche existentielle ? Oui, si l’on apprécie soi-même la contemplation individuelle, et si l’on souhaite trouver un partenaire de jeu qui soit à la hauteur.





Au milieu de ce marasme d’autosatisfaction contrôlée, Les mots prend parfois un peu de recul, se détachant de l’individu Sartre pour parler plus généralement de l’inscription culturelle. Elle s’impose ici en termes de culture littéraire et familiale. Tout lecteur et écrivain de jeune âge pourra contempler des clichés de jeunesse mélancoliques et lire quelques considérations amusantes –même si l’humour n’est pas le maître mot de ce roman. Malgré tout, le temps semble parfois long. Jean-Paul Sartre hésite entre plusieurs rôles. Quel est celui qu’il préfère ? Enfant prodige, enfant manipulé, enfant abusé ? Ecrivain tyrannique, écrivain délirant, écrivain passionné ? En attendant de choisir, il s’essaie à tous les rôles, n’en choisit aucun, nous lasse de ses hésitations et enchaîne les poses : « J’ai passé beaucoup de temps à fignoler cet épisode et cent autres que j’épargne au lecteur ». Merci.





Enfin, Jean-Paul Sartre avoue : « Je n’écrirais pas pour le plaisir d’écrire mais pour tailler ce corps de gloire dans les mots ». Comment accueillir une telle déclaration lorsque tout le livre a lassé ? Un peu de pitié se mêle à la fatigue. Cette explication même ne convient pas. Allez Sartre, crache le morceau, avoue ce qui te tourmente ! « La glace m’avait appris ce que je savais depuis toujours : j’étais horriblement naturel. Je ne m’en suis jamais remis ». On espère que depuis, Sartre a réussi à accepter…




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La Nausée

Ce roman que je lis pour la deuxième fois, me touche beaucoup. Il faut croire que la problématique existentialiste est particulièrement marquante pour moi. Je m'identifie assez bien au protagoniste. Le regard qu'il porte sur lui, le monde et les autres est aussi souvent le mien. Se sentir étranger au monde ! Pourquoi fait-on cela ou pas ? Réflexion sur l'existence, et plus largement sur le sens que l'on donne à sa vie. Je ne suis pas très doué pour les systèmes philosophiques. Je reste dans le superficiel, le pragmatique et l'accessible. Plutôt Pierre Hadot ou Sénèque que Kant ou Foucault.

Il me semble pourtant comprendre assez bien l'existentialisme sartrien et l'angoisse devant le « néant ». Mais, au-delà de l'aspect purement philosophique, ce roman est d'abord une intrigue factuelle, insérée dans la société havraise des années 30. C'est un regard sur l'époque, les lieux…

Un des mes livres favoris qui n'est pas sans me rappeler parfois les essais de Cioran.
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Les mots

Les mots de Jean-Paul Sartre sont parus quelques jours seulement après La force des choses de Simone de Beauvoir. Mais alors que l'une se retourne sur ses années de l'âge mûr l'autre choisit de raconter son enfance bourgeoise et gâtée. Une enfance assez solitaire aussi où le jeune Sartre fait l'apprentissage de la lecture et de l'écriture et d'une certaine façon se forme à son futur métier d'écrivain et philosophe par la fascination que lui inspire déjà la littérature. "J'ai commencé ma vie comme je la finirai sans doute : au milieu des livres. Dans le bureau de mon grand-père, il y en avait partout ; défense était de les faire épousseter sauf une fois l'an, avant la rentrée d'octobre. Je ne savais pas encore lire que, déjà, je les révérais […].



Une autobiographie remarquablement écrite qui n'a cependant rien de conventionnel. Car si l'auteur fait preuve d'une certaine honnêteté et d'un recul assez touchants, le ton général est celui de l'ironie. On réalise alors que loin d'idéaliser son enfance et ses croyances, Sartre semble se moquer de sa vocation littéraire qui en a découlé. "Le lecteur a compris que je déteste mon enfance et tout ce qui en survit." Une attitude qui peut sembler une posture, tant Sartre enchaîne les poses différentes et incompatibles (en tous cas ce fut pour moi un vrai plaisir de lecture).

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Les Mains sales

Hugo est chez Olga. Il vient de sortir de prison, pour le meurtre d'Hoederer. Deux ans plus tôt, il avait été missionné par le parti prolétaire d'Illyrie, auquel appartient également Olga, pour tuer cet homme, soupçonné de vouloir signer un accord avec les autres partis du pays. Mais aujourd'hui les choses ont changé, et Hoederer est un héros de leur cause. La raison officielle de son meurtre est la jalousie, Hugo aurait surpris sa femme Jessica en train d'embrasser l'homme politique.

Olga a pour mission de comprendre l'état d'esprit d'Hugo. S'il est prêt à endosser la fable de la jalousie comme cause de son acte, il sera sauvé. Dans le cas contraire, deux membres du parti prolétaire viendront pour tuer Hugo. Hugo a une heure devant lui, une heure pour évoquer avec Olga ce qu'il s'est passé deux ans auparavant, lorsque, jeune bourgeois cherchant une place pour le parti, il avait été envoyé comme secrétaire particulier auprès de Hoederer.



J'ai lu et relu Les mains sales des dizaines de fois. J'ai découvert cette pièce dramatique en sept tableaux à l'adolescence, à l'âge où les compromis ne sont rien d'autres que de connes promesses, où la pureté des idéaux prime sur la sagesse, où l'intolérance face à l'injustice est totale. Bien sûr, Les mains sales portent sur l'engagement politique. Mais ça n'était pas du tout ce que moi j'en avais retenu.

Peut-on endosser une cause et ses idéaux alors que notre naissance, notre sexe ou notre âge devrait nous amener à en épouser d'autres ? Comment peut-on intégrer cette cause sans toujours être montré du doigt ? Peut-on aimer quelqu'un pour ses qualités et le tuer pour ses principes ? Une cause est-elle idéologique et donc intolérante, ou politique et donc stratégique ? Comment concilie-t-on sa propre vision de la justice à celle des autres ? Voilà ce qui retient mon attention, ce que je prends, moi, de cette pièce de Sartre. On pourra me parler de l'opposition action/idée, de la politique, de "déterminisme" ou de l'existentialisme si cher à l'auteur. Pour moi, Hugo est un pur que personne ne prend au sérieux, pas même sa femme, Jessica. Hoederer, lui, c'est un pragmatique, un de ceux qui font avancer les choses, un de ceux pour qui la fin justifie les moyens, et qui a les mains sales. Chacun a son mérite, a sa place, et le monde a besoin des deux pour tourner plus rond. Mais le monde d'Illyrie de 1943 ne permet pas à de tels êtres si différents de pouvoir se côtoyer dans la paix.

Les personnages de Sartre sont beaux et justes, et les dialogues Hugo-Hoederer sont magnifiques. Je n'ai jamais lu d'autres livres de Sartre ; j'ai essayé, mais ça ne m'a pas convaincu. Mais ces Mains sales, elles, je les ai lues et relues, et je les relirais encore, des fois que j'oublie mes propres réponses aux questions qu'elles soulèvent pour moi !

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Les mouches

Dans la mouvance du théâtre français du XXème siècle, à savoir reprendre des classiques de la tragédie grecque antique et de les ré-assaisonner à la sauce moderne ou les regarder à travers de prisme de l’histoire contemporaine, tel que Jean Cocteau (La Machine Infernale) l’a fait avant lui ou Jean Anouilh (Antigone) après, Jean-Paul Sartre s’adonne à son tour ici à l’exercice en reprenant le mythe argien d’Oreste et d’Électre.

Moi qui ne suis pas toujours très sensible à l’œuvre de Sartre, il me faut reconnaître que là, j’ai vraiment beaucoup aimé cette mouture tragique des Mouches.

L’argument, en deux mots : Oreste, de retour dans sa ville natale, Argos, après un long exil la retrouve surnaturellement envahie par des mouches. Il s’agit d’une punition divine infligée à la cité qui n’a rien fait pour confondre Égisthe et Clytemnestre, qui ont fomenté ensemble l’assassinat du premier mari de cette dernière, Agamemnon.

Électre, fille de Clytemnestre et du défunt Agamemnon souhaite ardemment le retour de son frère Oreste, pensant qu’il est le seul à ne pas laisser impuni le crime perpétré contre son père, l’ancien roi, frauduleusement supplanté par Égisthe.

Le frère et la sœur ne se reconnaissent tout d’abord pas, puis Jupiter lui-même vient coller son grain de sel dans l’histoire. Bref, Oreste doit-il ou ne doit-il pas s’opposer aux Dieux, venger son père, s'en prendre aux siens, exécuter sa propre sentence sous l'angle de sa propre conception de la justice, en somme, de la vraie tragédie comme on les aime.

Cependant, j’ai vraiment adoré cet éclairage très " milieu XXème siècle " qu’imprime ici l’auteur (on sait que la pièce a été écrite en pleine période de collaboration vichyste). En effet, du coup, la pièce trouve un intérêt philosophique exceptionnel et à chaud, face à la tragédie réelle qui se jouait alors.

Je pense même qu’elle prend plus encore son sens au sortir de la guerre, durant cette période de " grande lessive " qui suit immanquablement des épisodes aussi noirs de l’histoire d’un pays, quel qu’il soit après la chute d’un régime autoritaire.

Les notions de sentiment de culpabilité, de pardon, de rachat (rédemption), de vengeance, de passage à l'acte, de désaveu abordés par Jean-Paul Sartre prennent alors tout leur sens, philosophiquement parlant.

On peut y lire aussi, comme je l’ai mentionné plus haut, une allégorie de l'amnistie générale de la période post collaboration à l'issue de la seconde guerre mondiale. Peut-on laisser impunis des collabos ? Est-on plus heureux après les avoir châtiés ? Autant de questions qu’il est toujours bon de méditer à froid, au cas où un jour nous aurions à y réfléchir à chaud, ce que je n’espère pas, mais ce que nos grands-parents, qui eux non plus ne le souhaitaient pas, ont eu à faire, …

Tout compte fait, une pièce que j'ai trouvée subtile et captivante, qui ne s’égare jamais à vouloir fournir des réponses toutes blanches ou toutes noires et que je conseille vivement. Mais, une fois encore, vous aurez compris que ce n’est là qu’un avis, c’est-à-dire, pas grand-chose.

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Huis clos - Les mouches

Le regard des autres sur sa propre vie est souvent dérangeant et inquisiteur. Seul on peut toujours arranger notre vie, la raconter en prenant quelques libertés. Avec les autres, ce n’est pas aussi simple. Trois personnes, un homme, deux femmes, si différents, enfermés ensemble pour l’éternité. Une sorte de purgatoire ? Ou carrément l’enfer ? Ces trois personnages se persuadent et essayent de persuader les autres que rien dans leur vie ne permet de penser qu’ils méritent leur sort. Puis la vérité arrive petit à petit. Nous vivons à travers le jugement des autres et ici le non-dit devient aussi important que les paroles.
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Les mots

C'est l'une des meilleures autobiographie que je connaisse. C'est vrai, il faut aimer Sartre, l'aduler même un peu pour ne pas se lasser, mais comprendre le parcours d'un écrivain, depuis son enfance, au milieu des livres, permet de rêver, d'idéaliser les auteurs. Il ne raconte pas seulement sa vie, à travers des épisodes et des anecdotes, il l'analyse aussi, n'étant pas toujours tendre avec lui-même, même si on sent un discours apaisé et calme. Il ne l'a pourtant pas écrit juste avant sa mort mais bien avant, en pleine gloire. Le texte est surtout un hommage à ceux qui vous donnent l'envie, à ceux qui vous font découvrir une passion, et enfin, un hymne aux belles lettres.
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Les Mains sales

Pièce politique où la notion d'engagement, pas seulement politique d'ailleurs, est décortiquée par Sartre qui montre qu'entre l'idée et l'acte il y a un pas, quelquefois de géant. Existentialisme et engagement vont de pair pour l'auteur et il en valorise l'idée dans cette pièce conforme à ses convictions ou à leur absence. Du bon Sartre.
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La Nausée

Après ma critique de Huis Clos et les Mouches, qui fut ma première lecture de Sartre, il me semblait intéressant de poursuivre par son premier roman, de 1938, la Nausée.



En partie autobiographique, ce roman se déroule assez clairement dans la riante ville du Havre, dans des années 30 marquées par la crise de 29 et la montée des totalitarismes. Il prend la forme d'un journal, que le narrateur aurait retrouvé, incomplet, et dont il rend compte avec un détachement qui accroit le caractère morbide de la narration.



Ce roman met en en scène, sous la forme d'un journal, un homme ayant vécu, voyagé, et qui, n'y trouvant plus sens, se fait rat de bibliothèque, contraint au voyage immobile par un comportement d'anorexique mental. Roquentin, confronté à son vide intérieur et ayant cessé de compenser par un course extérieure, prend conscience du non-sens de sa vie, de la vie, et en conçoit... La nausée, sentiment morbide qui l'éloigne peu à peu de ses semblables et de lui-même, un peu comme dans le Horla ou la Métamorphose. Au départ donc, ce roman semble s'inspirer de l'univers de Kafka, du dégoût de Céline, et préfigurer l'absurde de Ionesco.



Mais La Nausée est bien avant tout l'une des premières oeuvres de Sartre, et donc l'un des tous premiers manifestes existentialistes, version négative de l'Etre et le Néant. Grâce à sa Nausée, Roquentin prend conscience du vide d'une vie d'apparence -celle vécu par les bourgeois honnis qui l'entourent-, mais aussi de la liberté fondamentale que constitue cette prise de conscience même. Si ni sa relation avec Anny ni ses échanges intellectuels avec l'Autodidacte -nouvelles distractions extérieures sans doute ? - ne parviennent à l'extraire de sa Nausée, c'est finalement l'écoute d'un morceau de jazz à la terrasse d'un café, et la vision d'un humain n'existant qu'à travers l'acte créatif, qui semblent consister en fin d'ouvrage un remède. Ainsi, si les "salauds" hédonistes sont définitivement exclus des espoirs sartriens, une autre forme d'humanisme semble se dessiner en fin de roman. le lecteur en sort provisoirement soulagé, car sentant bien que la réponse est un peu courte, et dans l'obligation morale de poursuivre le chemin philosophique de Sartre das ses oeuvres ultérieures, ou de bifurquer vers d'autres recherches de sens.



En conclusion, la Nausée rend compte d'une première intuition philosophique -mais déjà creusée depuis des années par l'auteur-, par le ressenti. Se situant dans une veine "dépressive" de l'expression littéraire reliant Céline à Houellebecq, l'ouvrage semble introduire la réflexion de Sartre d'abord par l'effacement des cadres convenus, et laisse le lecteur en suspens au bord du vide, avec un simple airbag dans les bras. A la différence d'ouvrages postérieurs plus intellectuellement construits, Sartre cherche à montrer sans ménagement, dans un style sobre et faussement détaché, mais surtout par le partage de perceptions et de sensations vraies, la contingence brute des choses et de l'être. Bien qu'on sente l'intention "professorale" derrière cette démonstration, il parvient, avec des mots simples et des images concrètes, non dépourvus d'une poésie empruntant à la fois au spleen Baudelairien et au surréalisme hallucinogène, à transmettre ce ressenti, et par suite, à faire partager sa quête de sens -et de non sens- au lecteur.



Comme pour de nombreux autres lecteurs, ce n'est pas mon ouvrage préféré de Sartre, parce que son théâtre est plus percutant et ses oeuvres ultérieures plus précises quant à sa pensée philosophique ; mais j'ai néanmoins apprécié cette version en négatif de l'Etre et le Néant, ainsi que son écriture romanesque, proche de Kafka et Huysmans.







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Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malga..

Léopold Sédar Senghor, poète et Président du Sénégal durant vingt ans propose, à la fin des années quarante, une anthologie de la poésie francophone d’une quinzaine d’auteurs d’Afrique, des Antilles et de Madagascar.



« Ecoute dans le vent

le buisson des sanglots.

C’est le souffle des ancêtres. »

Bigaro Diop, Sénégal



Dans sa préface, Orphée Noire, Jean-Paul Sartre tente de définir le concept, forgé par Aimé Césaire, de « négritude » comme une certaine « attitude affective à l’égard du monde » ainsi elle est éminemment, faut-il le rappeler, culturelle.



« Trop vieille es-tu, trop vieille, Europe, pour renaître à ces choses-là » Jacques Rabémananjara, malgache. Prisonnière d’une langue occidentale, fruit d’une colonisation forcée, la poésie noire s’attache à défranciser le langage, il ne s’agit pas là d’une spécificité, nombre de poètes s’insurgent contre les associations coutumières du langage, les surréalistes en tête.

Pour défranciser le langage, Jean-Paul Sartre remarque que les poètes s’autorisent de nouvelles associations ou « accouplements » de mots. Ce n’est pas une poésie simple. On peut être dérouté par les agencements, par les allégories, par le traitement de la langue qui ne s’offre pas immédiatement à l’intelligible et au commun.



« Un jour je suis venu pour faire pousser de l’or

je ne me rappelle plus quand

et dès le pur matin sifflait le vol des fouets

et le soleil buvait la sueur de mon sang »

Guy Tirolien, Guadeloupe



« Nous ne leur pardonneront pas, car ils savent ce qu’ils font » Jacques Roumain, haïtien. Epoque oblige, le surréalisme, dandysme révolté et impertinent ainsi que le marxisme prolétarien se mêlent à la résistance au fascisme xénophobe du maître d’esclaves d’hier. Les luttes convergent.

L’art est au service d’un combat, une violence du déracinement, une volonté violente et sensuelle de reféconder la terre natale, d’offrir à nouveau une perspective à ce peuple qui jadis fut un meuble, sous le Code Noir.



« Pou si cyclonn levé pou-ï raché toutt pié-boi ? » Gilbert Gratiant, martiniquais. Si les auteurs rencontrés sont inégaux dans leur art poétique, de l’aveux même de Senghor qui n’hésite pas à donner son avis sur ses confrères, il y a derrière l’apparente linéarité du thème, une poésie ethnique, qui peut échapper aux néophytes, un malgache n’écrit pas comme un créole haïtien ou guadeloupéen (certains poèmes créoles sont en bilingue).



« rendez-les-moi mes poupées noires que je joue avec elles

les jeux naïfs de mon instinct

rester à l’ombre de ses lois

recouvrer mon courage

mon audace »

Léon-Gontran Damas, Guyane



Mes préférences ne sont finalement pas les deux grandes « têtes d’affiche » du recueil que sont Senghor et le martiniquais Aimé Césaire. Mais je pense qu’une seule lecture, linéaire, ne permet pas d’appréhender la profondeur de ces textes.

Néanmoins, j’ai réussi à apprécier d’emblée les rythmes saccadés et entêtants du guyanais Léon-G. Damas, sa « complainte du nègre » et ses « poupées noires », j’ai adoré la mythologie des contes poétiques « d’Amadou Koumba » du sénégalais Bigaro Diop.



Et vous, qu’en pensez-vous ?
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Les mots

Une autobiographie vraiment à part et brillante. Je l'avais étudiée avec beaucoup d'intérêt déjà en Terminale ( Il y a longtemps!) Mais plusieurs relectures ont enrichi encore les réflexions nombreuses que provoque cette oeuvre.



Publiée en 1964, Sartre la présente comme un adieu à la littérature. Cette "imposture" selon lui et qu'il n'a de cesse de présenter comme telle.



A travers les deux parties du livre, "Lire" et "Ecrire", il revient avec lucidité et auto-dérision sur ses années d'enfance jusqu'à onze ans. La plume est féroce et magnifique d'ironie pour nous raconter cet enfant solitaire, orphelin de père, élevé chez ses grands-parents." Ma vérité, mon caractère, mon nom étaient aux mains des adultes, j'avais appris à me voir par leurs yeux ; j'étais un enfant, ce monstre qu'ils fabriquent avec leurs regrets."



Le ton est en effet donné : aucune complaisance envers le passé. Quitte même à falsifier les souvenirs, pour mieux les persifler.



Poussé en cela par son grand-père lettré et autoritaire, Charles Schweitzer, il joue une comédie à sa famille pour lui plaire, ce qu'il appelle ses " bouffonneries". Il lit, écrit se croit un héros...et déchante lorsqu'il est confronté à d'autres enfants. Aucune sensiblerie, la critique est toujours prompte, incisive.



La mise à distance est le principe même de cette autobiographie, qui se veut une dénonciation des mensonges de l'enfance, une démystification de cette période. En cela, elle est diffère des autres et je trouve les formules souvent lapidaires très justes.



" J'ai commencé ma vie comme je la finirai sans doute: au milieu des livres." Cette phrase fort connue illustre bien le monde auquel Sartre n'a pas réussi à échapper, le monde premier, celui où tout s'est créé pour lui.



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Huis clos - Les mouches

J'ai eu deux ressentis très différents à propos de ces deux pièces.

La première, Huis-clos, ne m'a pas du tout séduite. La situation, parfaitement artificielle ou théorique, de trois damnés qui peuvent encore voir la vie de leurs proches se dérouler après leur mort tout en se crêpant le chignon entre eux enfermés dans une sorte de clapier à humain où l'on ne peut guère s'identifier à qui que ce soit ne m'a guère procuré plaisir à la lecture. Je ne dis pas que cette pièce ne suscite pas une réflexion intéressante par la suite, je dis qu'elle n'est pas captivante à lire.

La célèbre maxime, "l'enfer, c'est les autres" est pleine d'intérêt(s) philosophique(s) qui peuvent donner cours à de passionnantes discussions entre amis. En somme, grand intérêt philosophique, faible intérêt littéraire à mon goût, je ne donnerais pas plus de 2 étoiles.

Il en va autrement de la pièce suivante, "Les mouches", qui revisite l'histoire tragique classique d'Oreste telle qu'Euripide, par exemple, nous l'a léguée, tout en la remettant à la sauce actuelle, c'est-à-dire avec un éclairage très "milieu XXème siècle". Cette pièce m'a transporté davantage et je trouve son intérêt philosophique non moindre, voire supérieur, car les notions de sentiment de culpabilité, de pardon, de rachat (rédemption), de vengeance, de passage à l'acte, de désaveu y sont abordés.

On y lit aussi une allégorie de l'amnistie, en cette période post collaboration à l'issue de la seconde guerre mondiale. Peut-on laisser impunis des collabos? Est-on plus heureux après les avoir châtiés? Bref, une pièce que j'ai trouvé beaucoup plus subtile et captivante que l'autre, qui ne donne pas de réponse blanche ou noire.

Pour celle-ci j'attribuerais volontiers 4 à 5 étoiles. J'ai donc fait une sorte de moyenne des deux. Mais, bien sûr, de tout cela c'est à vous de juger, car mon avis n'est pas grand-chose dans l'absolu.
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Le Mur

Le Mur, c'est un recueil de cinq nouvelles captivantes, mais en même temps repoussantes, voir répugnantes.

Le Mur est à mon avis la meilleure nouvelle du lot. L'angoissante vanité de la vie et de la mort d'une absurde existence dénuée de sens y est montrée dans tout ce qu'elle peut comporter de visqueux, de poisseux, de désagréablement odorant et de laid. L'ironie de la transposition du sort qui semble peser de manière imminente sur un personnage à un autre par un tour de force arbitraire du destin a quelque chose de vraiment tragique et sublime.

La chambre et Érostate nous entraînent ensuite dans les tourbillons monstrueux de la déraison de l'extérieur et de l'intérieur. On y sent bien le gouffre mystérieux et angoissant que constitue la possibilité de la mort de l'esprit.

L'intimité m'a moins interpellé quelque peu. Les tourments d'une femme dont les besoins sont comblés d'une manière condamnée par une personnalité marquante de son entourage sont toutefois très bien montrés par Sartre. Si on compare avec les nouvelles qui l'entourent, le malaise y est situé dans un horizon franchement superficiel.

Enfin, étant donné le contexte de sa sortie en 1939, la dernière nouvelle, L'enfance d'un chef, où l'adolescent sort de son mal être en grande partie en embrassant l'antisémitisme, me laisse un goût particulièrement acre.

Chacun sait que Sartre contribuera activement à l'hebdomadaire collaborationniste Comoedia et qu'il s'arrangera pour coopérer avec les nazis pour faire jouer Les Mouches en 1943 et Huis Clos en 1944. Si il a tout de même montré subtilement son opposition au régime nazi, ça ne sera pas de manière à risquer de nuire à sa carrière, mais probablement plutôt pour s'assurer de ne pas trop se mouiller afin, justement, de préserver l'impunité au cas où la situation changerait. « Jamais nous n'avons été aussi libres que sous l'occupation allemande » dira Jean-Paul Sartre dans La République du silence. Cet amoralisme narcissique, cette mollesse devant l'horreur, qui ont sans doute contribué à ce qu'il soit nobelisé en 1964, m'ont toujours empêché d'estimer la personne de Sartre malgré ses indéniables qualités de dramaturge.

Bien que les sujets varient, ces variations tournent autour d'une même tonalité de l'existence : le malaise. Le malaise devant la mort, puis devant la folie sous deux formes différentes, dans la vie de couple et enfin au cours de l'adolescence.

Autre élément remarquable, la variation de la sexualité du personnage principal alterne d'une nouvelle à l'autre.

Sur le plan littéraire, j'ai vraiment beaucoup apprécié ce recueil que j'ai dévoré très rapidement. C'est vraiment du très bon Sartre.
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L'Existentialisme est un humanisme

J'ai dit deux gros mots en refermant le livre, ce qui est mauvais signe chez moi : )

Soit Sartre a fumé la moquette, soit il est pédant, soit je ne comprends rien et mon cerveau est défaillant.

Bon, j'ai lu une dizaine de livres de philo que j'ai tous appréciés, mais là, non !

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Au début, ça part bien, il définit l'existentialisme comme philosophie où l'existence humaine ( naissance ) précède l'essence ( les projets de l'homme ), alors que pour le coupe-papier, c'est le contraire : on sait à quoi il va servir avant de le façonner.

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Mais après, c'est flou, embrouillé contradictoire, rempli de phrases péremptoires et de certitudes non démontrées, de pirouettes, et il y a trop de « passages du coq à l'âne », c'est-à-dire de manque de transitions, et même d'incohérences.... et je dirais aussi : de mauvaise foi.

Lisez-le, vous me direz si je me trompe ! Ou plutôt, non : il n'en vaut pas la peine.

Un si « grand » bonhomme : c'est triste.

Par exemple, un des nombreux passages flous :



« Nous n'avons jamais discuté le fait que, constamment, l'homme est un objet pour l'homme, mais réciproquement, il faut, pour saisir l'objet comme tel, un sujet qui s'astreigne comme sujet. »



Vous comprenez quelque chose, vous ?

Un exemple de contradiction :



p92 « L'existentialisme n'admet pas la vérité de l'histoire ».

p106 « Les hommes dépendent de l'histoire ».



A la fin, il y a un dialogue avec Pierre Naville, intellectuel communiste et sociologue, donc, quand même pas n'importe qui, et il est capable de lui répondre des petites phrases sèches comme :



« Cela ne veut rien dire  »

« Absolument pas »....avant de repartir dans sa nébuleuse, son flou pas artistique.

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Voilà.

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J'avais lu « Le mur » et des nouvelles que je n'avais pas appréciées.

La vie de Sartre me semble aussi brouillonne que ses écrits, et encore plus sa parole qui suit dans le dialogue qui conclut le livre.

Né dans le XVIè, de parents aisés, d'une famille comportant plusieurs polytechniciens, Sartre est un brillant élément, mais un jeune farceur, quelque part surdoué. Il est sur tous les fronts littéraires, roman, théâtre, essais.

Ça ne m'étonne pas qu'il copine avec Boris Vian, après guerre. Deux surdoués qui prennent la vie comme une farce. Celui-ci le met en scène dans « L'écume des jours » sous le nom de Jean Sol Partre.

Bon, « L'existentialisme est un humanisme » est publié à la fin de la guerre.



Sartre crée peut-être « l'existentialisme », inspiré par Descartes et Heidegger, alors que Nietzsche et d'autres parlaient de philosophie existentielle.. JPS est sans doute profondément marqué par l'attitude des collabos, et c'est sans-doute à eux qu'il fait allusion quand il écrit :



« Les uns qui se cacheront, par l'esprit de sérieux ou par des excuses déterministes, leur liberté totale, je les appellerai lâches ; les autres qui essaieront de montrer que leur existence était nécessaire, alors qu'elle est la contingence même de l'apparition de l'homme sur la terre, je les appellerai salauds ».



Phrase pleine de rancune, à mon avis, mais quand même assez floue.



Pour en revenir au livre, je pense qu'il a défini clairement et intelligemment l'existentialisme....

Sa notion prioritaire de « liberté » m'interpelle, me convient .. ; avec certaines limites : on ne peut pas être Bakounine, on ne peut pas tout faire !

Sa notion de « responsabilité » est très intéressante, mais je pense qu'on ne peut pas, comme lui, l'étendre à l'humanité entière quand on fait un choix personnel !

« L'homme se construit », ça aussi, j'adhère...



MAIS...

Bien que dans la pratique, il ait pris fait et cause pour les opprimés, son rattachement à l'humanisme n'est pas évident , car JPS n'est pas démonstratif, lie mal ses assertions, je trouve.

De plus il définit

deux humanismes, le sien et celui d'Auguste Comte qu'il traite pratiquement de fasciste ! Non, on ne peut pas accuser les gens gratuitement comme ça !



Ensuite, il a du mal à situer son mouvement par rapport aux autres lignes philosophiques, proche du marxisme, mais pas dans le matérialisme, ni dans la glorification du futur, loin du déterminisme ( de Zola, dit-il ), car tout n'est pas joué [ ok pour ça ], et enfin loin des chrétiens, même de Jaspers, existentiel chrétien, car celui-ci est dans l'espoir de Dieu, alors que Sartre, athée, pense qu'avec ou sans Dieu, c'est la même chose. C'est pour ça que ses adversaires ont qualifié l'existentialisme sartrien de « pessimiste », ce dont il se défend vigoureusement... sans m'avoir vraiment convaincu.

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Je rajoute mon grain de sel : JPS ne connaissait pas les spirites, mais il est vrai qu'à l'époque, Alan Kardec et ses tables tournantes donnaient l'image de clowns.



Je rajoute deux anecdotes :

-Je me rappelle JPS haranguant les étudiants, sur son tonneau en mai 1968 !

-JPS, perturbé par les cancres au lycée, fut respecté en fin de vie, et en 1980, des dizaines de milliers de personnes ont assisté à son enterrement.

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Désolé pour la longueur de ma critique : )

.

Touche finale : bien que j'aie fait un long laïus, preuve que cet auteur m'interpelle, et me rappelle, en plus euphémique, « Blanqui l'insurgé » au siècle précédent,......

...je préfère les belles Lotus de formule 1 « JPS » ( John Player Special ) au JPS sur lequel je viens d'écrire : )
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La Nausée

Antoine Roquentin, célibataire, vit seul à Bouville. Il travaille à un ouvrage sur la vie du marquis de Rollebon et il vit de ses rentes.

Dans ce roman Sartre nous dit que Roquetin est un existant, un être qui existe. Il existe tout comme les pierres, les papillons, les tongs. L'existence reflue vers lui. Il existe, tout simplement.

le corps de l'existant ne doit pas être confondu avec son objectivité. L'objectivité de l'existant est sa transcendance ontologique. L'existence est le mode d'être de l'étant comme conscience d'être. Il n'y a pour un être qu'une façon d'exister, c'est qu'il ait conscience de son existantité, tout simplement.

L'homme est fondamentalement désir d'être, le désir est manque d'être mais un existant ne peut justifier son désir d'être sinon il s'objective, se choséifie, tout simplement...

Roquetin avait la nausée , il tournait en rond dans son petit appartement. Il gambergeait trop. Il se dit que l'existence c'est le néant qui se donne l'illusion d'être, le néant ne rend rien, il se néantise lui-même, pensa-t-il en s'angoissant. le rien n'est rien, tout simplement finit-t-il par se dire, soulagé. Il alla dans sa chambre...

L'existence précède l'essence se dit Roquetin en enlevant ses chaussettes...

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La Nausée

Un livre que j'ai lu pendant des vacances d'une traite. C'est étrange de reconnaitre la pensée philosophique de Sartre, tout ce à quoi il a pensé durant sa vie, et de lire son bouquin dont le style est très éloigné de celui d'un bouquin de philo où chaque phrase nécessite une journée pour la comprendre. Ce livre est comme un journal intime d'une personne prise d'un mal être. Les réflexions font mouche. Et la lecture se fait comme un polar...
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Huis clos - Les mouches

J'aime retourner dans ces ouvrages intemporels qui ont parcouru mon adolescence. Sartre écrira cette pièce fin 1943. 75 années plus tard, rien n'a changé. L'enfer c'est sans conteste les autres. A commencer par soi même, cet autre avec lequel il faut cohabiter nuit et jour.



Garcin, Ines et Estelle, tous les trois morts se retrouvent enfermés dans une chambre. L'enfer change de chaise, fini les braises, les tenailles, garrot et autre instrument de torture, l'enfer siège dans le regard et le jugement des trois naufragés. Les miroirs sont inutiles, l'âme humaine est plus réfléchissante et plus aiguisante que mille lacs et mille couteaux. Suffit de revoir Narcisse rongé dans sa propre image que lui renvoie l'eau.

Huit clos c'est l'autoportrait de ce qui se passe sur terre depuis la nuit des temps.

Estelle cherche à être aimée pour se défaire du poids du désamour. Inès cherche un coupable pour se décharger de sa propre culpabilité. Garcin cherche la rédemption, le pardon. Chacun a sa façon cherche l'issue favorable. Mais tant qu'il y aura des hommes, nous ne serons jamais exemptés. La société tourne en rond les bourreaux et les victimes. La civilisation a besoin de codes et d'hommes à juger. Sans les autres, dieu n'existerait pas, les anges s'ennuieraient, personne ne recevrait l'étoile de la reconnaissance d'être meilleur que le voisin.

L'enfer c'est les autres.

Céline, Camus, Sartre, et plus prêt encore, c'est écrit, c'est dit, c'est vécu.
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Les mots

En lisant Les Mots de Jean-Paul Sartre, je me heurte à un labyrinthe, dans lequel je me sens très mal à l'aise, Sartre cherche t-il à me perdre, ou lui à se cacher, je relèverai page 193, cet aveux :" je devins traître et je le suis resté. Je me renierai, je le sais, je le veux et je me trahis déjà."





"Les Mots" de ce récit autobiographique publié en 1964, révèle une sorte de psychothérapie, comme si le moment était enfin venu de se libérer de son passé, et de tirer un trait sur sa vie dans le milieu bourgeois qui fut le sien tout au long de son enfance.



Quand il écrit ce texte, est-il un comédien, comme il le fut parfois enfant ?

Est-il le lecteur lucide de son apprentissage de la vie, et de son adolescence ?

Ses propos restent ambigus :" je menais deux vies, toutes deux mensongères publiquement j'étais un imposteur", ou encore, page 100, il ajoute "ma vérité,  risquait fort de rester jusqu'au bout l'alternance de mes mensonges."





Pour échapper à ce labyrinthe ou tenter d' échapper à une impasse, comme à des manipulations du langage, je me suis posé des questions simples et j'y répond en puisant dans ses propres "Mots".



Une enfance confisquée.



Vous ne trouverez pas de madeleines dans Les Mots de Sartre, mais des livres, devenus des pierres levées.

Il est amer quand il écrit page 79; "on ne cesse pas de m'entourer.

C'est la trame de ma vie, l'étoffe de mes plaisirs, la chair de mes pensées."

Alors, l'enfant devient à son tour comédien, et joue à être sage

Ça démystifie l'attendrissement dont beaucoup entoure cette époque de la vie en affirmant : "j'étais un enfant ce monstre que les adultes fabriquent avec leurs regrets".





Il n'y a pas de place pour les copains, pour le jeu, pour apprendre à nager, pour apprendre à pédaler, à lancer le ballon, à déguster une glace, à connaître la soif ou la neige et le froid, un seul sens est activé, la vision pour la lecture.

Dans ce monde d'adulte Jean-Paul n'est pas un enfant et ne l'a jamais été. Dix ans entre un vieil homme et une très jeune femme ( sa mère), et 50 ans pour enfin nommer son horreur de l'enfance .





L'Homme désincarné, Homme sans Terre



Sartre évoque avec une ironie impitoyable, sans rancœur, ce qui a fait de lui un enfant truqué. C'est Sartre lui-même qui parle du corps page 67, "il ne me déplaisait pas d'avoir un léger dégoût à surmonter, quand elles me prenaient dans leurs bras."



Il poursuit ainsi : "il y avait des joies simples, triviales : courir, sauter, manger des gâteaux, embrasser la peau douce et parfumée de ma mère ; mais j'attachais plus de prix au plaisir studieux et mêlés que j'éprouvais dans la compagnie des hommes mûrs."





« Quand Monsieur Barrault se penchait sur moi, son souffle m'affligeait des gènes exquises, je respirais avec zèle l'odeur ingrate de ses vertus. »

Jean-Paul Sartre est mal à l'aise avec son corps, il devrait prendre plaisir à gambader dans la nature, sans même parler du plaisir de la pêche, de sillonner la campagne au printemps ;

au contraire il affirme " je confondais mon corps et son malaise, p 75 " 





Tout ce que Jean-Paul Sartre connaît depuis le plus petit insecte, il l'a appris avec les livres, ses pierres levées, sans ambiguïté il raconte page 44, " c'est dans les livres que j'ai rencontré l'univers, ; classé, assimilé, étiqueté, pensé... "

C'est un enfant sans attaches terriennes, qui se sent et se dit déraciné.

On est moins surpris quand il avoue, je pourrais écrire les yeux fermés. Son instrument essentiel pour être présent, vivant, dans sa chair au monde, d'un trait, il dit pouvoir s'en passer.

"Puisque c'est mon lot, à moi, en un certain lieu de la terre et de m'y sentir superflu. p 77", et plus cruel encore il affirme, "J'étais rien : une transparence ineffaçable.p 76"





Le prophète, et la littérature en tant que sacré.



On peine à trouver des références claires, aux notions de morale. Par contre sa vocation il la décrit simplement : " le hasard m'avait fait homme, la générosité me ferait livre page 158. "



Page 158, il poursuit : " apparaître au Saint Esprit comme un précipité du langage, devenir une obsession pour l'espèce, être autre enfin, autre que moi, autre que les autres, autres que tout.

Je n'écrirais pas pour le plaisir d'écrire mais pour tailler ce corps de gloire dans les mots."





"À la considérer du haut de ma tombe, ma naissance m'apparut comme un mal nécessaire, comme une incarnation tout à fait provisoire, qui préparait ma transfiguration : pour renaître il fallait crier, pour écrire il fallait un cerveau, des yeux des bras, le travail terminé ces organes se résorberaient d'eux mêmes : aux environs de 1955 une larve éclaterait 25 papillons s'en échapperaient, pour aller se déposer sur un rayon de la Bibliothèque nationale."



Une nouvelle vision du monde



Page 159 il écrit, " ma conscience est en miettes, tant mieux. D'autres consciences m'ont pris en charge. Pour celui qui sait m'aimer, je suis son inquiétude la plus intime mais s'il veut me toucher je m'efface et disparais, je n'existe plus nulle part, je suis enfin ! Je suis partout parasite de l'humanité."

Il n'y a pas de morale qui retienne son attention, il n'y a que l'histoire, qui encore mérite d'être pensé par lui, Sartre providence, verbe et langage.



"La bibliothèque j'y voyais un temple ; p 51"



Ce texte" les Mots" est hallucinant, par la franchise, la gravité ou la naïveté avec laquelle il exprime, sa mission, la comparant à celle d'un prophète, qui porte une parole sacrée.



"Puisqu'on me refuse un destin d'homme , je serai le destin d'une mouche ; p 200.

Mon délire était manifestement travaillé ; p168 il termine son livre par ce que j'aime en ma folie !"



Alors quelle doit être leur place?



Pour moi l'humanité s'incarne ici, dans une expression charnelle de la vie, les mots sont l'expression des sens, de la vie et de la mort, l'expression de la souffrance.

L'enfant Jean-Paul juge cruellement sa mère, ou la voit comme une sœur dont il est le poupon.

Comment peut il effleurer par exemple les sentiments d'un Camus qui est dévoué et bouleversé par sa mère.



Il y a, me semble t-il beaucoup de souffrance, dans ces pages, et comme une nausée que l'adulte cherche à dissiper. Ce qui fait mystère et ce qui donne à cette confession une force exceptionnelle c'est de sentir son doute prodigieux, entre ses rêves démesurés et ce corps, sa condition humaine, qui n'a cessé de l'encombrer.



Qualifiant son œuvre, il est sévère ou élogieux et la perçoit comme évangélique pour changer le monde.Ou bien, une chimère tant les mises en perspectives sont violentes, avec ce "je suis un parasite" !



Dans un interview, Arlette Elkaïm Sartre, rapporte que Les Mots devait commencer par Jean sans terre, ( sans assise).





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