Alchimie de l'écriture, prologue : Pourquoi écrire un roman ?
La vie d’un homme ne pèse pas grand-chose. Seule importe la vie des idées. Les faits surviennent, les événements se produisent, et puis l’instant d’après ils n’existent plus. Mais l’idée qui en reste, elle, est immortelle. L’idée qu’on se passe d’une âme à l’autre avec une telle légèreté. Juste un mot, un geste, parfois même le silence suffit à transmettre ce que l’on sait.
- Quand j’étais jeune, à Cracovie en Pologne, j’ai vu mourir des gens, j’ai vu mourir des femmes, j’ai vu des soldats russes sabrer les innocents des manifestations libérales.
- Ah… Vous êtes polonais ? C’est donc ça votre accent ?
- Souvent, vous savez, je pense à ces soldats russes. Je les plains. Comment peut-on vivre après avoir tué des innocents ?
Quand on arrive à l’essentiel, il n’y a plus besoin de multiplier les mots.

Les pedros de la porte 35 – elle les appelait ainsi parce qu’ils bossaient à la toiture du pavillon du Mexique – les pedros l’avaient laissé entrer en douce contre un fourniture de gelée de groseille. Son copain Fernand, de la pharmacie Geiger, lui en fournissait un pot à la demande : une base de pectine colorée à la betterave rouge, solidifiée à la gélatine et remontée d’une pointe d’arôme framboise. Le tout à moins d’un franc le litre. Elle en avait retenu la formule parce qu’elle aimait les mots savants et qu’elle avait promis à Fernand que si elle avait une fille, un jour, elle l’appellerait Pectine. Cet idiot de Fernand avait prit ça pour une avance et la discussion avait tourné court. Faut faire gaffe à ce qu’on dit avec les jouvenceaux ! Bref, les pedros n’étaient pas dupes, amis la sucrerie les contentait. Elle leur rappelait le chaudron à confiture de leur campagne aveyronnaise – car en vérité, ils n’avaient jamais mis les pieds au Mexique. Voilà pour la recette du laisser-passer de la porte 35.
La science corrompt l'imagination des hommes. Il y a mille ans encore, de merveilleuses créatures hantaient les terres et les océans. N'ont elles jamais existé comme l'affirment ces hommes de science depuis que la Terre s'est mise à tourner ? Si, Elles ont existé. Et elles ont disparu à mesure que la science a convaincu les hommes qu'elles n'avaient pas leur place dans leur monde.
- Ceci est un traité moderne de chimie d’investigation. C’est écrit en anglais. Je l’ai acheté il y a deux mois – j’y ai passé toute ma paye – parce que j’ai entendu dire que la préfecture de Paris inaugurait un laboratoire scientifique dédié aux affaires policières !
- Les argousins font des études, maintenant ? Je croyais qu’ils ne savaient pas lire !
- Vous plaisantez, j’espère.
Le travail, ça se respecte.
Y a que les bourgeois pour voir de la noblesse dans l’esclavage.
Tu es comme les autres. Tu ne vois d'elle que son physique de succube. Les hommes sont tous les mêmes. Qu'ils sentent se refermer sur eux le pouvoir d'une femme et ils crient à la sorcière. J'ai bien vu comment les hommes la regardent. Des phalènes autour d'une flamme. La sorcellerie, elle est dans leurs yeux impudiques. Jusqu'au jour où l'un d'eux, plus faible que les autres, ira la pendre ou la brûler.
La négligence est la mère de toutes les catastrophes !