Citations de Jean-Philippe Pierron (70)
Ce temps qui se dérègle est un temps qui nous défait. Il n'y a guère plus futile que de parler de la pluie ou du beau temps. Et pourtant, ce sujet de conversation est peut-être un des plus populaires à l'échelle planétaire. Comme si cette relation tacite avec notre milieu devait être dite et partagée. Comme si notre climat intérieur entrait en résonance avec le climat quotidien extérieur. Comme si nos climats intimes trouvaient à être portés, soutenus par ce fonds commun du météorologique. Comme si le temps qu'il fait était un temps qui nous fait. Mais pourquoi donc ?
Le sensible n'est pas un problème à résoudre mais un mystère à faire exister.
Il faut éteindre le bruit des moteurs pour entendre le souffle d'une brise légère.
Se rendre disponible, c'est partir à la recherche de sa consistance intérieure.
Un almanach, non un planning, nous redit que pour nous le temps n'est pas un ensemble de cases à occuper dans une grille préformée, faites de petites cellules uniformes. Il est vécu et rythmé. Il nous rend à notre rythme profond, à notre vitalité, jusqu'à la gratitude du souffle, à l'égard de la brise légère qui nous embrasse et nous embrase.
- Je pose une décision forte : dire ce qui du monde me concerne ou non. Je décide que tout ce qui vient d'habitude me solliciter, me notifier ou m'informer ne m'intéresse pas - ou m'intéresse bien moins que ce qui vient me susciter en profondeur.
Le secret d'une philosophie, c'est la germination de ses idées, la lente maturation de ses thèmes, mais c'est aussi la pudeur de ses silences. On ne devient pas philosophe sans une histoire, ni la hantise d'une question. Pour Gaston Bachelard, c'est au feu que l'interrogation reviendra toujours. Avant la guerre, il le sentait, mais maintenant il le sait.
Avec les arts, nous nous rendons sensibles à nouveau à ce qui nous entoure. Ils nous introduisent à un espace où nous nous retrouvons en relation avec le monde
La consolation est conscience de faire vivre ce que le philosophe tchèque Jan Patocka nommait la « solidarité des ébranlés », où il s'agit de se projeter dans un mode de relation en partant de nos ébranlements intérieurs ou de nos troubles,
sans les masquer, ni les chérir de façon morbide, faisant de nos fractures des ouvertures. La consola-Tino invente ainsi des langages, des expressions, des
attitudes où se déchiffre une tentative d'être vivant et où se soutient la possibilité d'habiter la Terre.
Parler d'une relation spirituelle au vivant, c'est renouveler nos manières de vivre et dire ce que signifie pour nous être vivants sur la Terre parmi d'autres vivants.
Prier comme une montagne ce n'est pas délirer, mais prendre la mesure d'une démesure. Montagnes, eaux, vallées et l'au-delà de l'humain ne sont pas pour nous des décors, des toiles de fond ou des environs.
Ils sont ce qui et avec qui notre histoire prend place
dans une histoire plus vaste que nous, inscrivant nos
traces dans l'immensité de la terre et du ciel en amont
et en aval de nous. L'infini du ciel étoilé hors de nous
et l'infini du génomique en nous, ne sont pas que
vertiges. Ils sont des appels ouvrant à des dépasse-
ments: passer de la Terre, qu'étudie l'écologie, à
l'Univers, pour oser se demander: s'agirait-il là
d'une Création? S'écospiritualiser, c'est se tenir là
et le saluer: c'est vivre l'espace comme un « avoir lieu», chantant le là de notre être là : j'y suis, j'en suis, passager d’un passage qui m'excède. «
S'il y a une gymnastique du corps, il y a une gymnastique , un entraînement de l'attention.
L'écologie a une dimension concrète.
Elle ne peut se passer de gestes.
Mais ce ne sont pas forcément ceux qui consistent à mieux manipuler les objets du quotidien qui sont les plus importants.
Ceux qui sont déterminants sont ceux qui nous amènent a nous eloigner des sentiers battus, à nous couper du monde le temps d'une contemplation véritable, à mieux nous relier à nos proches proches le temps d'un parcours artistique ou esthétique.
Laisser quelques instants la paume de sa main entrer en contact avec la surface de l'eau pour saluer cette minuscule rencontre; décider de de fermer le flot ininterrompu d'informations et de notifications de son ordinateur pour se laisser par l'expérience de l'autre; prendre le temps d'une exposition ou d'un concert pour s'exposer à la surprise et de ce qui viendra, peut-être, nous trouver.
Ce sont là autant de cheminements biographiques qui nous intensifient et nous déplacent.
La dimension spirituelle de la relation à la nature ouvre une démarche qui peut être celle de tous, car elle n'appartient à aucune religion en propre -déterritorialisée, cette notion n'appartient à aucun corpus théologique en particulier.
Dans la méditation des cinq sens, on peut par exemple faire de la marche, avant même de la nommer "pèlerinage", un exercice écospirituel.
La consolation n'est pas une manière magique de résoudre le problème. Elle est une tâche.
Via la nourriture, nous faisons l'expérience incarnée que nous vivons de et par des relations avec la nature qui déploient notre substance.
Ce que j'ai expérimenté dans mes recherches, c'est que ce qui nous fait tenir ensemble, ce sont des relations de soin mutuelles.
Notre existence engage la compréhension profonde de la destinée humaine, au jardin, aux champs ou en mer.
Laisser quelques instants la paume de sa main entrer en contact avec la surface de l'eau pour saluer cette minuscule rencontre.