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Citations de Jean-Philippe Toussaint (481)


De toutes parts, l'eau glissait sur mon corps, tiède et lourde, huileuse et sensuelle. Je laissais mes pensées suivre leur cours dans mon esprit, j'écartais l'eau en douceur devant moi, scindant l'onde en deux vagues distinctes dont je regardais les prolongements scintillants de paillettes d'argent s'éloigner en ondulant vers les bords du bassin. Je nageais comme en apesanteur dans le ciel, respirant doucement en laissant mes pensées se fondre dans l'harmonie de l'univers. J'avais fini par me déprendre de moi, mes pensées procédaient de l'eau qui m'entourait, elles en étaient l'émanation, elles en avaient l'évidence et la fluidité, elles s'écoulaient au gré du temps qui passe et coulaient sans objet dans l'ivresse de leur simple écoulement, la grandeur de leur cours, comme des pulsations sanguines inconscientes, rythmées, douces et régulières, et je pensais, mais c'est déjà trop dire, non, je ne pensais pas, je faisais maintenant corps avec l'infini des pensées, j'étais moi-même le mouvement de la pensée, j'étais le cours du temps.
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L’écriture romanesque est une méthode de connaissance de soi.
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Dans La Vie mode d’emploi, Georges Perec applique un principe dérivé d’un vieux problème bien connu des amateurs d’échecs : la polygraphie du Cavalier. Il s’agit d’un problème mathématicologique, appelé aussi algorithme du Cavalier, fondé sur la marche du Cavalier aux échecs, qui consiste à faire parcourir au Cavalier les soixante-quatre cases de l’échiquier sans jamais s’arrêter plus d’une fois sur la même case
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Nous ne nous étions pas embrassés tout de suite cette nuit-là. Non, pas tout de suite. Mais qui n’aime prolonger ce moment délicieux qui précède le premier baiser, quand deux êtres qui ressentent l’un pour l’autre quelque inclination amoureuse ont déjà tacitement décidé de s’embrasser, que leurs yeux le savent, leurs sourires le devinent, que leurs lèvres et leurs mains le pressentent, mais qu’ils diffèrent encore le moment d’effleurer tendrement leurs bouches pour la première fois ?
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Dans ce livre, voici ce que j'ai mis au jour: mon père m'a interdit symboliquement de le battre aux échecs, mais il m'a autorisé tacitement à devenir écrivain. Je n'ai pas eu la vocation, j'ai eu la permission.
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De retour à la maison, je fais mes devoirs dans ma chambre de la rue Jules Lejeune. Appliqué, je trace des lignes de lettres dans mon cahier d’écolier, des lignes de « a », des lignes de « b », des lignes de « c ». Tita, ma grand-mère maternelle, est à la maison ce jour-là. Elle boit une tasse de thé et me regarde tracer mes lettres avec attendrissement derrière sa voilette – pressent-elle déjà l’écrivain que j’allais devenir ? –, et soudain je fais une tache d’encre sur la feuille. Blop. Un pâté. Ma poitrine se contracte, je suis sans force, le monde vient de s’écrouler autour de moi. C’est la première catastrophe absolue à laquelle je suis confronté dans ma vie professionnelle.
[...]
Tita s’assied devant mon cahier d’écolier, elle se prépare pour l’intervention, elle relève les manches de son cardigan, elle éprouve la lame de rasoir sur le buvard du bureau, elle sort un coin de langue entre ses lèvres pour affûter sa concentration. Avec précaution, elle se met à gratter, prudemment, l’encre dans mon cahier, à le râper avec le tranchant de la lame. La tache s’étiole, s’amincit, s’amoindrit – et soudain la lame perce le papier. Il y a un trou dans mon cahier ! Au drame s’ajoute le drame, à la catastrophe se greffe la catastrophe, c’est le sur-accident selon le vocabulaire consacré. Un trou, béant, cerné de minuscules résidus crénelés d’encre bleue, en plein milieu de la page de mon cahier d’écolier. C’en est fini pour moi, je m’effondre sur le bureau, je sanglote, en appui sur mon bras. C’est l’exil, le bannissement assuré.
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Le lendemain de l'armistice,le 12 novembre 1918,Monet pose ses pinceaux et prend la plume.Il écrit à Clemenceau, le vainqueur de l'heure,l'ami de toujours. Cher et grand ami,je suis à la veille de terminer deux panneaux décoratifs, que je veux signer du jour de la victoire,et viens vous demander de les offrir à l'État par votre intermédiaire. Dans cette lettre célèbre, Monet ne parle encore que de deux panneaux. Clemenceau le convainc de donner l'ensemble à l'état .Monet y consent et les Nymphéas-,encore dans les limbes,toujours inachevés, sont déjà consacrés comme une œuvre de paix.De ce jour,étalée sur dix ans,ce sera l'oeuvre ultime,la dernière confrontation entre Monet et la peinture.
(p.19)
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"À l'époque, je n'avais pas beaucoup d'idées de la position que les Éditions de Minuit pouvaient occuper dans le champ éditorial ou dans l'histoire de la littérature, je n'avais pas du tout conscience de ce type d'enjeu. La personne qui en avait pleinement conscience, c'est Jérôme Lindon. Il voyait qu'une nouvelle génération d'écrivains était en train d'apparaître et il se rendait compte de l'intérêt qu'il y aurait de créer un nouveau mouvement littéraire, après le Nouveau Roman, pour faire connaître notre travail auprès de la presse, de l'Université et des éditeurs étrangers."
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Jean-Philippe Toussaint
Je ne sais pas si c'est parce que je commence à vieillir, si c'est l'enfance et les rêves qui s'éloignent, mais je commence à en avoir un peu marre du football, je préfère la poésie (je plaisante à peine).
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Il y avait ceci, maintenant, dans notre amour, que, même si nous continuions à nous faire dans l'ensemble plus de bien que de mal, le peu de mal que nous nous faisions nous était devenu insupportable.
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Nous ne cherchons pas à prédire l'avenir, simplement à le préparer, ce qui nous amène à considérer le futur non pas comme un territoire à explorer, mais comme un territoire à construire.
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Je regardai la photo de cette machine qui recelait peut-être un accès secret à l'insu de ses utilisateurs, et je réfléchissais au sens du mot "backdoor", qui voulait dire littéralement "porte de derrière", mais qu'on traduisait parfois en français (quand on n'utilisait pas tout simplement, en français, le mot "backdoor"), par "porte dérobée", qui évoquait une scène galante, avec un visiteur invisible qui vient d'entrer ou de sortir, ou faisait penser à ces escaliers ou corridors dérobés, qui ouvrent l'imaginaire à des représentations chevaleresques. Mais, alors que l'expression "porte dérobée" pouvait avoir des connotations poétiques et gracieuses, la réalité qu'elle recouvrait aujourd'hui, en sécurité informatique, était beaucoup plus vénéneuse, qui définissait la backdoor comme un moyen d'accès non autorisé, dissimulé dans un programme, pour permettre à un ou plusieurs individus malfaisants de prendre totalement ou partiellement le contrôle d'une machine à l'insu de son utilisateur légitime.
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Je me retournai brusquement vers le hall, et aperçut Marie. Je n'aperçus d'abord que ses jambes, car son corps demeurait caché par un pilier, ses jambes haut croisées que je reconnus tout de suite, ses pieds nus chaussés d'un paire de ballerines en cuir et qu'elle portait avec une élégance distante, raffinée et ironique (une en équilibre précaire au bout de ses orteils, l'autre déjà tombée par terre). Elle était allongée dans un des élégants canapés en cuir.
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Qu'est- ce que créer, aujourd'hui, dans le monde dans lequel nous vivons ? C'est proposer, de temps à autre, dans un acte de résistance non pas modeste, mais mineur, un signal - un livre, une oeuvre d'art - qui émettra une faible lueur vaine et gratuite dans la nuit.
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Assis dans l’obscurité de la cabine, mon manteau serré autour de moi, je ne bougeais plus et je pensais. Je pensais oui, et lorsque je pensais, les yeux fermes et le corps à l’abri, je simulais une autre vie, identique à la vie dans ses formes et son souffle, sa respiration et son rythme, une vie en tout point comparable à la vie, mais sans blessure imaginable, sans agression et sans douleur possible, lointaine, une vie détaché qui s’épanouissait dans les décombres extenuées de la réalité extérieure, et où une réalité tout autre, intérieure et docile, prenait la mesure de la douceur de chaque instant qui passait, et ce n’était guère des mots qui me venaient alors, ni des images, peu de sons si ce n’est le même murmure familier, mais des formes en mouvement qui suivaient leur cours dans mon esprit comme le mouvement même du temps, avec la même évidence infinie et sereine, formes tremblantes aux contours insaisissables que je laissais s’écouler en moi en silence dans le calme et la douceur d’un flux inutile et grandiose.
[…]
Les heures s’écoulaient dans une douceur égale et mes pensées continuaient d’entretenir un réseau de relations sensuelles et fluides comme si elles obéissaient en permanence à un jeu de forces mystérieuses et complexes qui venaient parfois les stabiliser en un point presque palpable de mon esprit et parfois les faisant lutter un instant contre le courant pour reprendre aussitôt leur cours à l’infini dans le silence apaisé de mon esprit.
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...j’avais une conscience particulièrement aigue de cet instant comme il peut arriver quand, traversant des lieux transitoires et continûment passagers, plus aucun repère connu ne vient soutenir l’esprit. L’endroit où je me trouvais s’était peu à peu dissipé de ma conscience et je fus un instant idéalement nulle part, si ce n’est immobile dans mon esprit, avec le lieu que je venais de quitter qui disparaissait lentement de ma mémoire et celui qui approchait dont j’étais encore loin.
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Et je ressentis ce plaisir alors si particulier de savoir qu'on existe dans l'esprit de quelqu'un, qu'on s'y meut et y mène une existence insoupçonnée.
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Je m'étais allongée dans l'herbe. Les yeux fermés, je sentais le soleil caresser mon visage, mes cuisses brûlaient sous la toile de mon pantalon, et je finis par enlever mes chaussures avec mes pieds, appuyant les orteils sur le talon pour les ôter l'une après l'autre . Me contorsionnant sur le dos, je fis glisser mon pantalon le long de mes jambes pour le retirer. Je restai une dizaine de minutes en culotte dans l'herbe à ne penser à rien, tellement j'avais chaud. Sous l'arbre la partie de ping-pong était terminée, la jeune fille assise sur le petit banc se changeait, enlevait ses chaussettes pour laisser respirer un instant ses orteils à l'air libre
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Nous étions remontés dans la chambre et assis de chaque côté du lit, nous ne disions plus rien. Nous nous étions tout dit, nous n'étions pas d'accord. Edmondsson, pour profiter du temps ensoleillé, voulait aller flâner dans les rues, se promener, visiter les musées. Selon elle, nous jouerions aussi bien au tennis en fin d'après-midi, si ce n'est mieux, disait-elle, car nous n'aurions pas le soleil dans les yeux. Devant tant de mauvaise volonté, je n'avais rien à dire ; non, je ne disais plus rien.
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C'était même ainsi, et uniquement ainsi, que je concevais maintenant la séparation avec Marie, en sa présence.
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