En fait, Poirier était considéré comme une nuisance, une plaie, par la majorité des administrateurs avec lesquels il travaillait. Rares étaient ceux qui appréciaient sa vision critique de la gestion des deniers publics. Certains le haïssaient de façon viscérale, tandis que la plupart voulaient seulement faire avancer les dossiers rapidement, de façon à présenter un bon profil des gestionnaires. Lorsqu’il réfléchissait à la gestion de la santé au Québec, Poirier ne pouvait s’empêcher de faire l’analogie entre ce dossier et le budget d’une famille de classe moyenne. Appliqué au modèle en question, ce type d’administration aurait conduit le bon père de famille, en fin d’année, alors que ses enfants n’avaient plus de quoi se vêtir convenablement, à rénover néanmoins la salle de bains.
Un conférencier plus prudent, dans un tel contexte, aurait pris soin de faire le tour de la salle pendant la soirée, en compagnie d’un informateur au parfum des moindres détails concernant les personnalités présentes. Qui fait quoi? Qui aime qui? Qui couche avec qui? Voilà une multitude de détails qui revêtaient une importance capitale lorsque l’on allait s’adresser à une foule avec l’intention de livrer un message un peu limite au niveau politique. Une telle visite de reconnaissance l’aurait certainement incité à une certaine modération.
C’était comme un film qui finit mal et que l’on a vu cent fois; à chaque fois, on se laisse prendre à espérer une fin plus heureuse, même si au fond on sait que c’est impossible.