Jean-Pierre Rochat, agriculteur et écrivain.
Il n‘y a plus de vrais fous dans la littérature, tous se sont mis à écrire des romans, des récits, des nouvelles présélectionnables pour des prix littéraires, plus personne se fait péter le cylindre pour atteindre l’inaccessible étoile de la littérature qui scintille dans la nuit, chacun écrit son affaire standard, linéaire de A à Z les digressions étant des venues dans les paysages préfabriqués.
Peut-être chez les poètes la folie est-elle encore en vie. Mais c’est chiant la poésie, ça n’avance pas, on reste sous le même arbre et pourtant laisse-toi aller la poésie aussi peut finir en pâmoison. Vous êtes tellement normaux tous! j’essayais de leur vendre un peu de folie dans votre vie. Dans notre littérature supère sérieuse de gens sérieux, même si tu déconnes ça reste sérieux parce qu’on t’a pas entendu, on entend seulement ceux qui suivent le parcours linéaire. Toi tu disais non-moi je remonte le courant comme si je traversais le roman à l’envers, avec le mot fin à l’entrée où tu glisses sur un toboggan de mots qui te chauffe le cul à blanc. Ma lectrice, mon lecteur je les invitais pour une promenade dans la forêt, mais c’était pas plat, c’était si accidenté fallait s’aider des mains, se tenir aux racines et s’agripper à des touffes d’herbes sèches ou d’épines sans pitié pour le piéton.
Oui mais à l’avenir ce sera sans piston, j’étais à l’âge de la fin des pistons, que vais-je devenir? peut-être je vais aussi corrompre mon héros, le guider fermement de A à Z sans toutes ces digressions pour boire un verre ou s’arrêter pour pêcher la truite en Amérique.
La journée finie, pour couper court à la mélancolie-du-soleil-couchant, je sautais sur Médaille et parcourais la montagne jusqu'à une heure très avancée de la nuit. (...) Une main dans la crinière, le cul trempé par la sueur du cheval, j'étais bien. Je me rappelle un sentier tapissé de feuilles humides, où l'on n'entendait plus marcher Médaille, où mes pensées devenaient plus intenses.
Un amour platonique, le mot est revenu avec le premier étage, plat et tonique, plat du corps et tonique de la tête. Une giclée de son parfum puis elle s'en va. Elle est là dans ce que tu gardes, ses fleurs bleues, son jus d'orange pendant que tu pressais ses citrons frais. J'avais un endroit poétique, situé dans sa petite ville à l'heure de la canicule. L'endroit était tellement érotique que le platonique avait mal aux dents.
Le petit, là, il veut pas s’enlever du bord, il dit : c’est mon papa ! Même le pasteur interrompt son discours, tout le monde regarde le petit, les mamans portent leur mouchoirs aux yeux, il a trois ans, on lui racontera plus tard, il y a pas de photos d’enterrements. On devrait pas laisser les enfants à la maison, s’il sera pas traumatisé de voir sa mère perdre la boule. Et comment on encrotte les papas morts pour les envoyer au ciel.
Le pire des dialogues, c’est le dialogue intérieur.