Il n'y a pas de poème
hors du don
C'est vers ton coeur qu'il jaillit
C'est toi qu'il veut accompagner
et c'est ton visage qu'il dessine
ton coeur enfin exact
ton visage rendu au matin
Ni promesse ni demande
Ni promesse ni demande
Là est le difficile du rapport humain
Comment ne pas demander ?
Comment ne pas désirer ?
Dire simplement à l’autre :
Existe !
Comme on le fait devant l’arbre
Ou le torrent indomptable
Pour qui nous n’existons pas
Qui nous donnent l’ombre
Le fruit
L’eau fraîche
Ou la mort
Sans nulle demande
Sans nulle promesse
Le vent du poème
Le vent du poème
me prend et me laisse
sans recours sans retour
autre que son caprice obligé
son devoir de vent
sa loi inexorable et rebelle à toute limite.
Je n’aime pas le vent !
Je n’aime pas la poésie
qui est sans vouloir
sans souci de vérité
et pourtant par elle seulement
je vis
dans l’unique vérité de ce vent moqueur.
Et le vent donnant enfin l’accès à une couleur…
Et le vent donnant enfin l’accès à une couleur que l’homme
n’avait pas su aimer, ou qui le peinait obscurément, par
souvenir d’un jour mauvais d’une enfance sans joie et sans
visage, il lui fallait, sans reculer, l’affronter.
La page se tourne, et le vent cesse.
Reste ce poème, comme énigme malencontreuse ou bien-
heureuse du vent.
Il y a dans une vie quelques actes éternels qui échappent à toute morale, à toute chronologie. Ce sont des gestes, des situations muettes, parfois des paroles dont la justesse brise, pour un moment hors du temps, l’infinie théorie des mensonges.
On ne regarde rien. Ce sont les objets du monde qui nous « regardent », de toute éternité, leurs grands yeux invisibles nous cherchent et nous obtiennent. Cela me regarde, m’oblige à regarder.
C’est le désordre de l’amour qui fait du monde du figement ou de la manducation le lieu pur de la joie grave.
Je ne puis dire bien sûr…
Je ne puis dire bien sûr que c’est le vent qui a écrit ce poème.
Je ne puis dire non plus que je l’ai écrit.
Œuvre commune du vent et de l’homme ?
Ou non œuvre, malœuvre, désœuvre ?
L’homme, rencontrant cette violence sans répit, sans recours,
qui devient le monde autour de lui, n’a d’issue que dans l’écriture
du poème.
…
On peut rêver la phrase libre, souveraine, qui nous affranchisse de toutes les obsessions mauvaises. Que les courbes des corps se ras-semblent toutes dans la phrase.
Moments de pur détachement, naissances et morts, sûres ouvertures à la vérité du monde, indistinctement.
A la légèreté de l’air dans les jeunes feuilles répond la légèreté de l’esprit désencombré. Je ne suis pas entravé par de vains désirs et de vaines peurs. A la vie, simplement, à toutes ses naissances, même celle-là, devant nous, qui nous terrifie.