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Critiques de Jean Potocki (34)
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Manuscrit trouvé à Saragosse

Au lecteur qui s'interroge encore sur la valeur ajoutée d'un libraire dans le choix d'un livre versus les achats via les plateformes d'e-commerce, je raconte cette petite histoire : à la librairie, rayon littérature étrangère, je mets enfin la main sur "Par le fer et par le feu" de Henryk Sienkiewicz. Au moment où je m'en empare, j'entends une mâle voix dans mon dos, très légèrement teintée d'accent étranger. "Vous aimez la littérature polonaise, mademoiselle ?". Déjà, qui que soit mon perspicace interlocuteur mystère, le simple fait qu'il me donne du "mademoiselle" le catapulte très haut dans mon estime. Je me retourne et fais face à un jeune homme très distingué qui, sans attendre ma réponse, enchaîne : "Parce que si c'est le cas, je n'ai rien à dire à votre choix, sauf que vous devriez commencer par ça." Et de me mettre entre les mains un pavé de 900 pages d'auteur et de titre inconnus de moi, "Manuscrit trouvé à Saragosse, Jan Potocki". Je vous la fais brève : mon bienveillant guide n'était rien de moins qu'un libraire polonais en stage à Auxerre. Vous ne saviez pas que ça existait ? Moi non plus. Et pourtant, c'est bien grâce à l'attention et aux recommandations de ce libraire franco-polonais que j'ai fait connaissance avec le présent roman dont, à ma plus vive honte, la réputation d'oeuvre majeure de la littérature interplanétaire m'avait complètement échappée.



Ce colossal roman classique, bourré d'aventures jusqu'à la gueule, est d'abord, pour un lecteur français, une longue flatterie à l'oreille tant la langue est belle. Oui, parce qu'il faut préciser que Jan Potocki a consacré plus de vingt ans à l'écrire... en français, et franchement, pendant toute la lecture, vous vous pincez pour le croire. Ô temps béni où le beau français était la langue des intellectuels et des souverains d'Europe, du Finistère à l'Oural et de Luleå à Syracuse !



Revenons au manuscrit de Saragosse, si vous le voulez bien.



Vous avez tous joué, enfant, à empiler des cubes les uns dans les autres à la manière des poupées russes ? Et bien, Jan Potocki fait ici exactement la même chose avec les très nombreux personnages de son roman. Les mises en abyme se succèdent sans répit, tout au long des six décamérons qui structurent le récit. Donc, pour être franche, inutile de me demander de vous raconter l'histoire, j'en suis tout bonnement incapable, ayant oublié les personnages et les situations au fur et à mesure qu'ils étaient remplacés par de nouveaux.



Toutefois, n'allez pas croire que cette densité rend le roman impénétrable, ennuyeux ou obscur. C'est là que réside la magie de l'auteur - magie qui a agi par la suite sur plusieurs générations d'écrivains - car, allié à la beauté chantante de la langue, le récit des nombreuses aventures tantôt picaresques, tantôt fantastiques, tantôt joyeuses, tantôt effrayantes, transplante le lecteur dans l'Espagne des 17ème et 18ème siècles avec un réalisme ahurissant. Pour un peu, vous vous sentiriez dans les basques de Sancho Panza ! Mon seul conseil : rendez-vous très disponible et réservez à ce roman l'exclusivité de votre lecture, au risque de décrocher très rapidement.



Une belle découverte qui cumule la satisfaction d'avoir comblé une énorme lacune de ma culture littéraire et celle d'avoir effectué un incroyable voyage dans le temps et l'espace.



PS : Je n'ai pas encore lu mon Sienkiewicz mais ça ne saurait tarder.





Challenge MULTI-DEFIS 2016

Challenge PAVES 2015 - 2016

Challenge 19ème siècle 2016
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Manuscrit trouvé à Saragosse

"Manuscrit trouvé à Saragosse" de jean Potocki est une merveille. Je devrais m'arrêter là. Ce chef-d’œuvre mériterait une plume autrement plus belle que la mienne pour chanter ses louanges. Cependant, je brûle trop d'évoquer les raisons de mon enthousiasme pour me taire, et j'espère donner envie à certains de découvrir cette œuvre unique et enchanteresse.



"Le manuscrit trouvé à Saragosse" ce n'est pas une histoire mais mille histoires qui s'imbriquent les unes aux autres telles des poupées russes. On pourrait craindre que ce procédé narratif d'intrigues enchevêtrées ne donne un aspect fouillis au roman. Il n'en est rien. Le récit est d'une fluidité remarquable. Et si, parfois, le lecteur se perd un peu dans cet écheveau, c'est avec délectation. Le plaisir de se laisser porter sur ce chemin sinueux est absolu. Après chaque digression, le lecteur retrouve l'intrigue principale qui ne se contente pas d'être un lien artificiel entre les différents récits mais est bien la moelle épinière du roman de Potocki. La fluidité et la légèreté de ce récit foisonnant sont tout à fait remarquables. L'auteur commence une histoire avant de l'interrompre, en commence une autre, revient à la précédente... Pourtant, jamais le récit ne parait heurté ou haché. Par la grâce de son écriture, Potocki tisse une œuvre d'une musicalité qui enchante l'esprit.



Dans ce récit foisonnant, on croise toute une galerie de personnages pittoresques magnifiques, des bandits, des bohémiens, des cabalistes, des princesses mystérieuses, un géomètre, et j'en passe... D'un romantisme échevelé, les intrigues font la part belle aux amours contrariées, aux duels, aux héros chevaleresques, à des mystères...

Mais, "Manuscrit trouvé à Saragosse" n'est pas qu'un assemblage d'histoires. C'est une œuvre incomparable, vous n'avez jamais rien lu de semblable. A ces histoires divertissantes s'ajoutent considérations philosophiques et élucubrations mathématiques. Potocki fait d'ailleurs preuve d'une érudition impressionnante, sans jamais qu'elle soit pesante ni prétentieuse.



La légende dit que Jean Potocki a, longuement, patiemment, poli la boule d'un sucrier en argent afin d'en faire une balle avec laquelle il se serait suicidé. Jean Potocki aurait donc été aussi fou que certains personnages qui peuplent son magnifique roman. Cela n'est guère étonnant. Seul un fou peut créer une œuvre d'un tel génie, une écriture si lumineuse et sublime au service d'une histoire merveilleusement exaltante...

"Manuscrit trouvé à Saragosse" est un roman qui fait voyager l'âme et le cœur.



Challenge Pavés 2015-2016 - 3

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Manuscrit trouvé à Saragosse

Dans le "Manuscrit trouvé à Saragosse", les récits s'emboîtent les uns dans les autres, mais convergent en un lieu, une auberge abandonnée dans une vallée à la sinistre réputation de la Sierra Morena. Alphonse van Worden a été nommé capitaine aux Gardes wallones. Pour rejoindre Madrid, de Cadix, il choisit le chemin le plus court, en dépit de tous les avertissements. La vallée qu'il doit traverser et dont l'entrée est marquée par un gibet et deux pendus, est non seulement un repaire pour des bandits et des hérétiques, mais aussi pour des revenants et d'autres démons... La seule auberge sur le chemin est la Venta Quemada. Celle-ci n'est plus qu'un abri rudimentaire et abandonné au milieu d'un désert. le jeune Alphonse van Worden y passera cependant la nuit, mais, après qu'une cloche eut sonné les coups de minuit, il y rencontre deux princesses mauresques à peine sorties du sérail... A l'aube Alphonse se retrouve au pied du gibet à côté des cadavres désormais détachés des deux bandits qui y avaient été pendus. Les récits ne cessent alors de s'enchaîner, en ayant souvent recours à des pratiques occultes, mettant en scène de nombreux personnages. La structure complexe du roman n'en rend pas la lecture aisée. Je crois qu'il nécessite plusieurs lectures. Ce roman écrit en français par un aristocrate polonais est très prenant.
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Manuscrit trouvé à Saragosse

Certains livres sont des calvaires à chroniquer. « Manuscrit trouvé à Saragosse » en fait partie : polymorphe, il réunit tant de styles, tant de genres que l’on ne sait pas par où commencer, par quel bout le prendre. Est-ce un roman initiatique ? Un récit d’aventure ? Un roman d’amour ? Un recueil de contes fantastiques ? En romancier malin et imaginatif, Jean Potocki brasse tous ces genres sans en choisir aucun : son roman n’est pas un récit rectiligne, c’est un labyrinthe, une tour de Babel aux milles recoins et aux milles habitants où l’imagination du lecteur se promène, s’égare, se retrouve… L’un de ces livres qu’il vaut mieux ne pas lâcher en route – ce que j’ai eu le malheur de faire, je le confesse – si on ne veut pas se retrouver quelques jours plus tard, le livre ouvert dans les mains et les sourcils furieusement froncés, à se demander « Mais bon sang où en étais-je ? »



Parlons un peu de l’histoire, ou plutôt des histoires ! Nous sommes à la fin du XVIIIe siècle et le jeune Alphonse Van Worden se rend à Madrid pour devenir capitaine dans l’armée de sa Majesté le roi d’Espagne. Mais la route est longue des Pyrénées à la capitale et le jeune militaire visitera bien des lieux étranges durant son voyage : auberges hantées, grottes dissimulées et manoirs mystérieux. Il croisera aussi de nombreux voyageurs : un vieux chef bohémien très bavard, deux superbes mahométanes, un cabaliste juif et sa splendide sœur, un géomètre distrait, un ermite étrange, des brigands aux grands cœurs… Et tous ces braves gens ne semblent avoir qu’une envie : raconter leurs vies, celles de leurs amis et celles des amis de leurs amis au jeune Alphonse.



L’ensemble donne une mosaïque de récits entrecroisés et imbriqués – un homme raconte l’histoire d’un homme qui raconte l’histoire d’un homme qui… – tout à fait passionnante et d’une richesse surprenante. Le procédé n’est pas sans rappeler celui des « Mille et une nuits », mais des « Mille et une nuits » qui se dérouleraient dans l’Espagne andalouse du XVIIIe siècle, cette Espagne mythique où se mêlent les civilisations maure, chrétienne et juive dans un fascinant bouillon de culture. La diversité même des récits fait que l’intérêt du lecteur est plus ou moins accroché, selon les narrateurs et leurs histoires (personnellement, je dois avouer un faible pour les récits plein d’humour et de rebondissements rocambolesques du chef bohémien. En revanche, Les mésaventures du géomètre Vélasquez m’ont laissé froide), mais l’ensemble reste délicieusement divertissant à découvrir. A conseiller particulièrement aux nostalgiques de l’Al-Andalus et de ses mystères !

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Manuscrit trouvé à Saragosse

Babelio s'emmêle dans les photos de couverture et les fiches de ce roman, qui ne dispose pas du soutien de trois cents lectrices pâmées, comme n'importe quelle BD en vogue. Il existe deux versions du "Manuscrit trouvé à Saragosse" de Potocki, celle de 1804 et celle de 1810, publiées par Garnier-Flammarion. Parallèlement, Folio, le Livre de Poche et José Corti ont leurs propres versions différemment établies et surtout, abrégées. Mais Garnier Flammarion a pris soin de donner les états du texte complet les plus fiables, résultant de recherches et de découvertes récemment faites en Pologne. L'histoire du texte reflète la vie mouvementée du comte polonais Potocki, grand seigneur au service de son roi, puis du tsar russe Alexandre I°. Il voyagea jusqu'en Chine par la Sibérie, entre autres itinéraires aventureux. Homme des Lumières, affecté de spleen, il se suicida en 1815, laissant ce grand roman inédit, pillé sous l'Empire par un éditeur parisien malhonnête. Le texte, comme toutes les oeuvres de Potocki, a été rédigé directement en français et n'a donc aucun rapport avec la littérature polonaise.



Venant de terminer la lecture du roman dans sa version de 1810, la dernière, j'ai une impression partagée. C'est un grand bonheur de lire le récit du héros, jeune militaire venant prendre du service en Espagne, croisant sur sa route une foule disparate de personnages qui, chacun à son tour, raconte sa propre histoire dans le cadre de la sienne. L'enchâssement des récits est inspiré des Mille et Une Nuits, qui ont marqué toute la création romanesque du XVIII°s. Le bonheur de lecture tient à ce que l'identité des personnages, c'est l'histoire qu'ils ont vécue et qu'ils racontent. Cela donne une netteté de trait au roman, qui le rapproche de Voltaire, de Diderot, de Stendhal, et rend impossibles les émotions vagues, la subjectivité bavarde et le sentimentalisme venus de Rousseau, qui s'exhalent en 1800 dans les romans ratés de Chateaubriand. On a donc la première personne sans la sensiblerie. L'ouvrage paraîtra "ancien" aux incultes, mais sa lecture est salubre aujourd'hui : notre temps, en littérature, est aux torrents de larmes, à la vertu et aux indignations généreuses, prolixes et sélectives.



Le défaut de cette qualité, la rançon de cette ironie narrative, est une certaine superficialité dans la présentation des personnages, dans les discours et pastiches de tous les genres romanesques en vogue à l'époque. Chacun parle la langue de sa caste ou de sa folie personnelle, on s'amuse énormément, mais ensuite ? Il ne reste rien. Comme Potocki a l'élégance de rester discret sur la propagande des Lumières, on finit par se demander à quoi sert son livre, question que l'on ne se pose jamais avec Voltaire (hélas) ni avec Diderot (qui cherche, enquête, et affirme peu). "Superficiel par profondeur", Potocki laisse le lecteur diverti, reconnaissant, et perplexe. Donc acceptons de nous amuser en toute inutilité.
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Voyages

Le grand seigneur polonais Jean Potocki est surtout connu pour son roman français "Le manuscrit trouvé à Saragosse", publié par Garnier Flammarion dans ses deux versions successives. Mais Potocki était moins un romancier qu'un voyageur, un diplomate, un naturaliste et un historien, qui parcourut à la fin du XVIII°s un Orient que ses amis philosophes ne connaissaient que par les livres, et en 1797 une partie de l'Asie Centrale, pour le compte de son roi, puis du tsar russe Alexandre I. La première moitié de ce volume est occupée par les voyages en Turquie et au Maroc, où se mêlent des exercices de style orientaliste, et le récit de choses vues qui placent l'auteur très au-dessus des autres écrivains voyageurs du temps. Ses récits sont bien supérieurs à ceux de Chardin en Perse (fin XVII°s) comme à l'Itinéraire de Paris à Jérusalem de Chateaubriand, en 1810 : Potocki sait voir, tandis que trop souvent, Chateaubriand cite ses lectures et Chardin énumère les hôtelleries et juge de l'état des routes.

La seconde moitié du recueil est occupée en grande partie par le "Voyage à Astrakan et sur la ligne du Caucase", terres moins littéraires, moins investies de références classiques, où les choses vues l'emportent sur l'érudition. Pourtant, Potocki vérifie tout dans son Hérodote et son Strabon, et examine toutes les plantes comme la faune. Il a des pages magnifiques qui ne sauvent pas l'ensemble d'une certaine monotonie. Pour finir, on trouvera le sobre récit de la grande déception de sa vie, l'ambassade russe en Chine qui aurait été si fascinante, pour lui comme pour nous, sans la sottise de l'ambassadeur qui fit tout annuler à la frontière des deux empires. Le recueil est beau mais d'un intérêt inégal.
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Manuscrit trouvé à Saragosse

Quel livre extraordinaire!

Jan Potocki a réussi le tous de force de nous entrainer dans une série d'histoires emboitées, un tourbillon narratif, intéressant, émouvant, historique, fantastique, passionnant, sans jamais lasser.

Tout est rassemblé dans ce chef d'oeuvre: depuis les histoires de fantômes, des histoires drôles, terribles, des personnages nobles, ridicules, importuns, des vies extraordinaires, des secrets enfouis, des trésors cachés.

Et avec cela, une écriture qui a gardé quelque chose des charmes du 18e siècle, tout en annonçant déjà le style romantique qui nous est plus accessible.

Le manuscrit est trouvé par un officier français des armées napoléoniennes dans une maison pillée. Il contient le récit d'un engagé dans les gardes wallonnes qui traverse la Sierra Morena, de sinistre réputation, pour rejoindre son régiment. Il lui arrive quelques aventures, dont certaines sont aussi agréable qu'inquiétantes, mais surtout il s'en fait raconter par les personnes qu'il rencontre, qui à leur tour racontent ce qu'on leur a raconté. Et il n'est pas rare que les différentes histoires se croisent. On y rencontre des cabalistes et même le juif errant. Ce n'est pas toujours facile à suivre mais c'est toujours plaisant. Ces récits d'aventures m'ont touché parce que l'auteur y fait preuve de beaucoup de sensibilité aux diverses facettes de la nature humaine. Et c'est pour cela que Manuscrit trouvé à Saragosse est un livre total.
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Manuscrit trouvé à Saragosse

Le "Manuscrit trouvé à Saragosse" est l’œuvre de toute une vie, celle de Jean Potocki, extravagant comte polonais ayant vécu à cheval sur deux siècles, le dix-huitième et le dix-neuvième, grand voyageur, particulièrement sensible au charmes des cultures méditerranéennes. Ce roman est à tout point du vue extraordinaire, par son ampleur, sa construction et sa dimension. Il se compose, à la manière des "Mille et unes nuits", d’une succession de récits et de contes enchâssés, donnant à l’ensemble comme une sensation d’infinité, et bien qu’il faille clore à un moment ou à un autre cette longue fiction, on sent que rien ne pourrait y mettre un terme, et que, si aucune contrainte matérielle ne s’opposait au projet, ce mystérieux manuscrit pourrait se poursuivre indéfiniment.

La mise en abîme des récits, les insertions successives d’une histoire dans une autre histoire, tendent à confondre les personnages aux lecteurs, et ils ne se privent pas (les personnages) d’émettre quelques critiques à l’encontre du livre, pour, en quelque sorte, retourner l’argument en sa faveur : « J’ai beau faire attention au récit de notre chef, je n’y puis plus rien comprendre : je ne sais plus qui parle ou qui écoute. Ici c’est le marquis de Val Florida qui raconte son histoire à sa fille qui la raconte au Bohémien qui nous la raconte. En vérité cela est très confus. » Ou encore : « En vérité je redoute extrêmement cette histoire, toutes celles du Bohémien commencent d’un air fort simple et l’on espère en voir bientôt la fin : point du tout, une histoire en renferme une autre qui en contient une troisième. A peu près comme ces restes de divisions qu’on peut développer en suites qui dans certains cas deviennent infinies. Mais on a des méthodes pour sommer presque toutes les suites. Au lieu que si je veux prendre la somme de tout ce que dit le Bohémien, je n’y trouve rien qu’une extrême confusion. »

Cette profusion d’histoires est un véritable voyage à travers le monde, celui qu’a parcouru Jean Potocki. Voyage en Espagne, bien évidemment, à la manière du chevalier Don Quichotte, mais aussi en Europe du Nord, en Orient et en Afrique.

Il faut aussi préciser que la présente édition reprend la version de 1804, la moins policée des deux. En effet, deux spécialistes chercheurs, Dominique Triaire et François Rosset, ont découvert six manuscrits mal classés dans les archives de Poznan, démontrant qu’il existait deux versions du roman, l’autre version datant de 1810.

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Manuscrit trouvé à Saragosse

Roman à tiroir d’où sort de doubles fonds des histoires qui se répètent suffisamment pour qu’on s’en joue et suffisamment différentes pour qu’on veuille poursuivre.

A sa lecture de nombreuses références, allusions et illusions se sont bousculées à mon esprit.

- Les milles et une nuits par ce récit qui sans cesse se renouvelle.

- Smarra de Charles Nodier. Dans l’avant-propos, j’ai appris que Nodier a été un temps crédité comme l’auteur de ce Manuscrit. Ici aussi on traite de fantastique, de femme fatale si ce n’est succube. Mais le style fait la différence. Là où Nodier nous emberlificote dans son style romantique un poil suranné, Potocki est bien plus direct, dans un style plus vif où j’ai perçu et apprécié l’humour et l’espièglerie. Potocki passe allégrement le passage des siècles et peut aisément donner lieu à une lecture plaisante pour nos contemporains.

- Vous ai-je déjà parlé de Si par une nuit d’hiver un voyageur de Calvino ? Il faut le lire aussi. Et vous verrez un lien évident avec le Manuscrit … Je n’en dis pas plus à ce sujet, cela pourrait gâcher votre prochaine lecture (évidemment ….)

- Une nuit en enfer de Robert Rodrigez avec Tarantino au scénario. Vous vous rappelez de Salma Hayek et notamment de sa danse. Dans le Manuscrit, elle a une petite sœur qui n’est pas cul de jatte. Caliente !

J’attends maintenant votre petit commentaire de lecture (évidemment …).

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Manuscrit trouvé à Saragosse

Livre extraordinairement déroutant qui raconte (je résume) L'Histoire d'un type qui trouve un manuscrit qui raconte L'Histoire d'un type qui rencontre un type qui lui raconte l'histoire d'un type etc.

Livre gigogne qui se mérite. Se dégager du temps (beaucoup) attacher sa ceinture et en route pour l'aventure!

PS; l'auteur s'est suicidé peu après ... et j'ai moi même un gros coup de mou aujourd'hui
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Manuscrit trouvé à Saragosse

Chef d'œuvre absolu de la littérature européenne, à placer non loin de Don Quichotte. Livre gigogne, roman picaresque, où domine l'intelligence de la construction. Indispensable !
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Manuscrit trouvé à Saragosse

Ce livre est labyrinthique, c'est un livre à tiroir.

C'est l'histoire d'un jeune homme fougueux qui part en quête d'aventures et qui tout au long de sons périple va rencontrer des personnages étranges et merveilleux qui vont lui raconter leur histoire. Eux-mêmes ont rencontré des personnes qui leur ont raconté leurs histoires et ont rencontré .....

C'est un roman initiatique en forme de mille et une nuits.
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Manuscrit trouvé à Saragosse

Comment naît un livre ? Voilà une question que beaucoup de gens se posent, certains même me l'ont posée, à moi ! qui me connais en édition autant qu'en patinage artistique ! Pour un écrivain qui souhaite se faire connaître, il y a en fait deux façons de faire : La version idéale, dite aussi "conte de fées" : vous envoyez votre manuscrit à l'éditeur, il est enthousiasmé, il le fait suivre tout de suite à l'imprimerie. La version courante, dite aussi "compte là-dessus mon lapin" : vous envoyez votre manuscrit une fois, deux fois, dix fois, il vous le renvoie autant de fois en vous demandant de changer ci, de changer ça, d'ajouter ci, d'enlever ça, à l'intérieur, à l'extérieur, entre les deux, si bien qu'à la fin, vous ne savez plus si c'est votre bébé ou si on vous l'a changé à la maternité... La seconde version, forcément, est un peu moins rapide.

"Le Manuscrit trouvé à Saragosse", du polonais Jan Potocki, fait partie des tous meilleurs de la deuxième version : pensez donc, écrit en 1810 en français, traduit dans la plupart des langues d'Europe mais de façon incomplète, voici deux siècles que les historiographes essaient de reconstituer le texte initial. Chez nous, une première version a vu le jour (à peu près un quart de l'œuvre totale) en 1958, sous le titre de "La duchesse d'Avila" (Gallimard). Il faudra attendre 1989 pour avoir une version plus complète (José Corti), et encore 2007 pour une présentation encore plus pointue incluant deux versions différentes de 1804 et 1810 (Garnier-Flammarion).

Vous me direz : "Il doit être bien intéressant, ce livre, pour susciter tant d'engouement, de recherches et d'investissement". Je vous répondrai, avec la sobriété qui me caractérise : "Il l'est." D'abord pour sa construction : c'est un roman "en abyme", ou si vous préférez comme des poupées russes : une histoire à l'intérieur d'une histoire à l'intérieur d'une histoire, et cela cinq fois de suite. Ensuite pour son style : Potocki écrit en un français admirable (enfin ce qu'on appelait français autrefois, pas sûr que les readers ou les teurlecs du XXIème siècle pourront l'appréhender sans codi) qui fait de ce livre un des chefs-d'œuvre de la littérature française. Enfin son sujet : roman fantastique, roman d'amour, roman picaresque, roman fantastique, roman historique, roman d'aventures, roman fantastique, roman libertin, roman philosophique et aussi et surtout, je ne sais pas si je vous l'ai dit, roman fantastique.

Faire un résumé paraît une gageure : au début, des soldats de Napoléon trouvent un manuscrit dans une maison abandonnée de Saragosse. Ce manuscrit raconte l'histoire d'Alphonse van Worden jeune noble espagnol qui va vivre des aventures étranges dans la Sierra Morena. Pour les non-initiés la Sierra Morena c'est comme le Berry chez nous, une terre où le surnaturel et la superstition font partie du décor. On y croise des nobles et des gitans, un cabbaliste, des princesses mauresques, des pendus revenants (les frères Zoto), et même le Juif errant...

Passé le cap de la mise en abyme, vous serez happé dans le flot continu que constitue ce roman, à chaque page vous vous demanderez ce qui arrivera à la page suivante, et chaque fois qu'un personnage s'endormira, vous craindrez qu'il ne se réveille sous le gibet des frères Zoto...

Et même moi, si j'étais vous, je n'irais pas me coucher tout de suite... on ne sait jamais...



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Manuscrit trouvé à Saragosse

Dans ce livre, les personnages sont imaginaires ou réels, pittoresques presque toujours, hostiles ou bienveillant, vivant ou morts (des bandits, des bohémiens, le juif errant, des pendus…), plusieurs histoires s’entremêlent au gré des rencontres, au point qu’on a du mal à suivre parfois (livre à ne pas lire par petits morceaux). L’auteur démontre une érudition à toute épreuve, dans un style puissant sans être prétentieux. On se laisse porter par le(s) récit(s) de voyage. Un livre à la limite du fantastique.
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Manuscrit trouvé à Saragosse

Ce livre très original est dû à l'écrivain polonais Jean Potocki, qui a écrit directement en français. Ce roman est ancien (la version que nous lisons actuellement date de 1810), mais il a été d'abord oublié, puis redécouvert seulement en 1958 ! La composition du récit est particulière: il comprend soixante-six "journées", chacune contenant plusieurs nouvelles qui s'emboîtent les unes dans les autres comme des poupées russes. Ainsi, ce livre donne une impression vertigineuse de foisonnement qui est due aux nombreux "embranchements" introduits par l'auteur.

Pendant la guerre napoléonienne contre l'Espagne (1809), le capitaine Alphonse van Worden découvre un livre et vit diverses aventures dans la Sierra Morena; il entend plusieurs personnes qui lui racontent leur vie. Certes, le lecteur se perd dans toutes les péripéties du roman qui se juxtaposent et s'emboitent l'une dans l'autre, en se bousculant; mais ce n'est absolument pas grave: il se trouve sous le charme du conteur hors pair qu'était J. Potocki. Cet écrivain écrit fort bien dans notre langue, d'ailleurs.

Le roman ne peut pas être raconté, il faut le découvrir par soi-même. Pour moi, c'est une curiosité remarquable: à déguster !

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Manuscrit trouvé à Saragosse

Une belle histoire fantastique d'un chevalier, de revenants, de cabalistes, de gitans, de belles Maures, de pendus. Surtout, il y a un bel humour sur l'honneur d'un gentilhomme de l'Espagne baroque. Le procédé narratif des histoires contées par des personnages successifs permet une fluidité du récit qui le transforme presque en recueil de nouvelles (Calvino etc. avant la lettre). Il est sympathique de penser que l'imagination débridée de l'auteur, dont la biographie est si imprégnée des Lumières voire d'une certaine admiration jacobine, le conduit à décrire un héros qui serait sans doute son parfait contraire...

Pour ma part, je suis désormais plutôt intéressé à une bonne biographie de Potocki qu'à poursuivre des lectures de lui.

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Manuscrit trouvé à Saragosse

Le Manuscrit trouvé à Saragosse est une sorte de Mille et et une nuit de l'occident. Une multitude de contes qui s'enchâssent les uns dans les autres, un foule de personnages hauts en couleurs, une ambiance proche du fantastique, tout cela concourt à un grand plaisir de lecture.
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Manuscrit trouvé à Saragosse

Pour qui souhaiterait se remémorer les vestiges de ses cours de littérature du lycée, et notamment le style inimitable des auteurs classiques, ce "roman" convient tout à fait. D'autant qu'il a été écrit, dans cette langue française à la fois hautement intelligible et raffinée, par un aristocrate polonais qui parcourut l'Europe en savant et en diplomate, emmagasinant une prodigieuse quantité d'informations dans tous les domaines de la connaissance. Plutôt que de roman, il s'agit d'une chronique retraçant quatorze jours mouvementés, dans les montagnes de la Sierra Morena, vécus par un jeune soldat flamand (à l'époque où les Flandres appartenaient à la couronne espagnole) et narrée par lui-même. Mais dans l'histoire qu'il raconte, il y a des personnages qui racontent une histoire dans laquelle il y a des personnages qui racontent une histoire... À partir d'un certain moment, il est préférable de ne plus se préoccuper du niveau où l'on se situe et de lire chaque histoire pour elle-même bien que parfois celle-ci paraisse réitérer une aventure déjà lue, avec d'autres personnages, embrouillant un peu plus le lecteur. Dans ce kaléidoscope inclassable où il est souvent question d'un chevalier partageant sa couche avec deux belles qui, au matin, se sont muées en squelettes, et le lit en gibet, se mêlent au fantastique, donc, le genre picaresque (bien que les intrigues ne se déroulent pas toutes en Espagne), la philosophie et singulièrement la morale, l'histoire des religions, la sociologie... L'encyclopédisme des Lumières y coexiste avec le style libertin du XVIIIe siècle et les deux côtoient la peinture d'atmosphères évoquant le romantisme à venir.
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Manuscrit trouvé à Saragosse

Surcoté, malgré une écriture propre. Un assemblage hétéroclite, décousu, d'histoires sans relief particulier, redondantes ou sans grande originalité pour un lecteur adulte...
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Voyage en Turquie et en Egypte

Lorsqu'en 1784, Jean Potocki, âgé de vingt-trois ans, quitte les terres de sa famille en Volhynie-Podolie (région située aujourd'hui en Ukraine, mais alors rattachée à la Pologne), pour effectuer un long voyage en Orient, il s'embarque dans une aventure peu courante à l'époque. Plutôt que de choisir l'Europe occidentale, il poursuit la route vers l'est et l'empire ottoman dont les frontières s'étendaient jusqu'à la Russie.

En fils attentionné, Jean Potocki adresse des lettres à sa mère tout au long du voyage, lettres qui la rassurent, mais qui laissent entrevoir tous les dangers de la route, depuis les Zaporoviens de la steppe russe jusqu'aux pirates barbaresques de la Méditerranée, en passant par les émeutes dues à la famine en Égypte ou encore la fièvre des marais.

Le narrateur découvre la Turquie et l'Égypte en y portant un regard neuf. Jamais la comparaison dédaigneuse avec l'Europe ne grince sous sa plume, jamais d'hostilité à l'égard de peuples ô combien différents de ceux qu'il a fréquentés jusqu'alors ! Il ouvre grand ses yeux, s'invite volontiers dans la demeure des seigneurs étrangers et observe tout en visiteur curieux et soucieux de partager avec ses hôtes les coutumes plaisantes de leur pays. Bien sûr, le pittoresque prend souvent le pas sur l'observation rigoureuse, mais Potocki n'a pas la prétention de mener une expédition scientifique.

Il ne faut pas attendre de ces lettres une foule de détails sur le monde ottoman de l'époque. Elles sont parfois brèves, quelques mots jetés à la hâte avant un embarquement ou lors d'une brève escale, mais elles révèlent l'amabilité d'un caractère, sa bienveillance et son humour en toutes circonstances quand le touriste moderne se laisse souvent aller à la mauvaise humeur face aux aléas du voyage.
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