À l'occasion du 25ème "Rendez-vous de l'Histoire" 2022, Jean Pruvost vous présente son ouvrage "La Politesse" aux éditions Tallandier.
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■ Bac 2022 : "Ludique", un mot trop compliqué ?
Le HuffPost avec AFP - article du 05/07/2022
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Un linguiste dédramatise :
L'historien de la langue Jean Pruvost a réagi à la suite de la polémique autour du terme "ludique", jugé trop compliqué par les lycéens lors de l'épreuve de français du baccalauréat. Pour lui, il n'y a pas de quoi s'inquiéter.
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BAC 2022 - Le mot “ludique” a causé des maux de tête aux élèves de terminale professionnelle, lors de l’épreuve de français du bac. Mais pour le linguiste Jean Pruvost, candidat malheureux pour être l’un des “immortels” de l’Académie française, inutile de tirer la sonnette d’alarme. Les collégiens et lycéens aiment enrichir leur vocabulaire... Quand on les aide.
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Petit retour en arrière, à la mi-juin. Stupeur dans les salles de classe au moment de découvrir l’intitulé de la deuxième épreuve du bac de Français: 'Selon vous, le jeu est-il toujours ludique?'
Sur Twitter, les lycéens ont rivalisé d’ingéniosité et d’autodérision pour confier leur incompréhension devant ce terme. Et leur désarroi quand ils se sont aperçus, après coup, qu’il s’agissait d’un synonyme de 'amusant'.
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Ce qui n’est pas forcément inquiétant pour le lexicologue Jean Pruvost, contacté par l’AFP : 'Ludique n’est pas un mot de toute évidence.' Lui-même ne se rappelle pas à quel âge il l’a appris. Le latin étant enseigné bien plus massivement quand il était lycéen, dans les années 1960, il aurait 'deviné le sens'. 'Mais il n’y a pas tellement de mots de la même famille ! Le ludion, et ça s’arrête là', dit-il, en référence à des danseurs étrusques aux jeux du cirque à Rome.
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À son époque, ils étaient 14% d’une classe d’âge à avoir le précieux diplôme. Contre presque 80% aujourd’hui. Le taux de réussite se situait autour de 65% alors qu’il a dépassé les 90% en 2021. 'C’est un appel à ce qu’on fasse du vocabulaire en classe. L’enseignement des racines latines et grecques, sans apprendre ces langues, est diablement manquant', souligne le linguiste de 72 ans.
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À peine la polémique retombée, le commentaire du bac général de français a cette fois fait réagir les élèves de première. Truffé de mots rares et poétiques, l’extrait de 'Jours de colère' de la romancière Sylvie Germain, pour lequel elle a reçu le prix Femina en 1989, a été jugé trop difficile par les candidats. Certains ont réagi avec violence en l’attaquant, voire en la menaçant, sur Twitter.
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'C’est grave que des élèves qui arrivent vers la fin de leur scolarité puissent montrer autant d’immaturité, de haine de la langue, de l’effort de réflexion', a répondu l’autrice, via Le Figaro étudiant. Condamnant des menaces 'inacceptables', Jean Pruvost tempère : elles sont minoritaires. 'Ce ne sera pas si mal si certains sont amenés à découvrir Sylvie Germain', ajoute-t-il.
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Il s’agirait d’après lui de mettre fin à un paradoxe très français. 'Quand on orthographie mal, quand on ne connaît pas un mot, on est mal jugé. (...) On n’ose pas dire à son ami, à son voisin : on ne dit pas 'pallier à quelque chose', on dit 'pallier quelque chose'. Si personne ne nous le dit, on peut continuer longtemps à faire la faute !'
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'Il faut absolument qu’à l’école, au collège, au lycée et à l’université, on considère que rien n’est jamais acquis. C’est une vie durant qu’on va progresser en orthographe. Et ce n’est pas si difficile que ça', insiste le linguiste avant d’ajouter : 'L’enfant qui ne comprend pas le mot ludique, si on lui explique et qu’ensuite il le connaît, il est content ! C’est inimaginable le plaisir qu’ont les élèves à apprendre des mots.'
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Cet ancien professeur d’université, qui possède une collection de 10.000 dictionnaires, se souvient d’un cours où il avait énuméré des racines de langues anciennes. 'On avait vu entre autres hémi, moitié, et céphale, tête. Après, dans le couloir, une élève de 5e avait traité l’autre d’hémicéphale! C’était formidable, elle jouait.'
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>> https://www.huffingtonpost.fr/entry/bac-2022-ludique-un-mot-trop-complique-un-linguiste-dedramatise

"Ce sentiment admiratif perdurera à travers les siècles au point qu'on le retrouve encore parfaitement formulé au XVIIIe siècle, dans un article consacré au " mahométisme" rédigé par le Chevalier de Jaucourt ( 1704-1779), homme d'une immense culture et auteur d'un très grand nombre d'articles dans l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert.
Au détour d'une longue analyse, le voici célébrant la langue arabe dans sa longue tradition, en en vantant la richesse poétique: " Une preuve infaillible de la supériorité d'une nation dans les arts de l'esprit, c'est la culture perfectionnée de la Poésie. Il ne s'agit pas de cette poésie enflée et gigantesque, de ce ramas [sis] de lieux communs insipides sur le soleil, la lune & et les étoiles, les montagnes & les mers: mais de cette poésie sage & hardie , telle qu'elle fleurit du temps d'Auguste, telle qu'on l'a vu renaître sous Louis XIV." Et de préciser que cette "poésie d'images & de sentiments" était déjà célèbre du temps d'Aaron Rachild, contemporain de Charlemagne.
Le Chevalier de Jaucourt en donne alors un exemple qui avait frappé Voltaire.
Chapitre 2. Dans nos premiers dictionnaires.
[...] Contrairement aux pronostics de Pierre Larousse, la guitare s'illustrait en tant qu'instrument au rayonnement mondial. Qu'importe, que la belle aux cordes vibrantes soit "électrique" ou "sèche", pourvu qu'on bénéficie de l'ivresse de leurs sonorités [...]
Autre écho, de même veine, concernant cette fois-ci la langue arabe, avec un témoignage recueilli dans le Dictionnaire universel de Furetière, paru en 1690, dans l'orthographe du moment: " Les Arabes ont été sçavants en Médecine & en Mathématique. Le Père Ange de St Joseph dit que la Langue Arabe est si féconde, qu'il y a 1000 noms pour signifier une épée, 80 pour le miel, 500 pour le lion et 200 pour le serpent." Savoir et profusion du lexique, tel est le constat. Y compris pour le miel..
Chapitre 2. Dans nos premiers dictionnaires
Le général Tarik, qui conquit l’Espagne en 711, était un Berbère de l’Afrique du Nord mettant ses forces au service de la religion musulmane. On lui doit même le nom de Gibraltar qui étymologiquement signifie « montagne de Tarik ». De manière tout aussi éloquente quant à l’adhésion des peuples à la cause arabe, l’armée de Tarik était riche de douze mille Berbères et ne comptait qu’à peine trois cents Arabes.
Ces conquêtes menées avec l’énergie de la foi aboutirent à un immense empire administré par différents souverains, portant le nom de calife, accompagnés de toute une hiérarchie dont les noms s’imposèrent peu à peu dans notre langue, entre autres les émirs, leurs gouverneurs, et les vizirs, leurs ministres. L’histoire même du mot khalife ou calife en reflète la dimension religieuse : l’arabe halifa, d’où est issu le khalife, désigne en effet le « successeur » et en l’occurrence le successeur de Mahomet.
D’autres mots comme maboul, de l’arabe mahbul, fou, en transitant par l’argot de l’armée d’Afrique en 1830, avant de prendre un essor certain en langue française, ont même été immortalisés dans la poésie française, au point d’en avoir fait oublier leur origine. Comment ne pas penser ici à l’une des plus célèbres chansons de Léo Ferré, Jolie Môme, apparue à la fin de l’année 1960 dans l’album Paname, avec ce premier couplet qui fait partie de notre patrimoine poétique : « T’es tout’ nue Sous ton pull Y’a la rue Qu’est maboule… Jolie môme » ?
Il est trop facile de souligner que l’alcool proscrit dans le Coran est un mot arabe, al-kohl. Et l’on instruirait un mauvais procès, car au départ, al-kohl désigne la poudre d’antimoine, comme on l’a déjà évoqué, une poudre très fine qui servit par la suite de fard pour les yeux. Passant dans le latin des alchimistes, le mot désigna ensuite ce qui était obtenu par distillation, et il faudra attendre le XVIIe siècle où il s’écrit tout d’abord alkol, ou encore alkool, tel qu’on le trouve dans le Dictionnaire des termes des arts et des sciences de Thomas Corneille, publié en 1694, pour que la notion « d’esprit de vin » apparaisse, l’alcool restant le plus souvent du domaine des pharmaciens. Ce n’est en réalité qu’au début du XIXe qu’il devient usuel en tant qu’alcool de vin.
P 13
"L"escadton volant des chèvres, toujours prêtes à s'égailler dans les éboulis"
Michel Tournier, La goutte d'of, 1985
[...]
Egailler, egayer, à ne pas confondre...
Le jeu des échecs, si symbolique d’une réussite résultant de la réflexion la plus poussée, vient du persan shâh, désignant le roi, mais c’est par la langue arabe qu’il nous est parvenu, et sans doute n’a-t-on plus en mémoire que le c final ne se prononçait pas, ce qui en faisait un mot bien proche phonétiquement du shah… Un mot aussi prestigieux que le jeu d’échecs, un pluriel qui conduit jusqu’au combat singulier, l’échec au roi, méritera commentaires.
Déguigandé se prononce déjin suivi de gandé, comme gant. Avant de désigné une personne maigre à la démarche gauche, cet adjectif qualifiait un chariot de disloqué.