CHAPITRES :
0:00 - Titre
F :
0:06 - FLATTERIE - Madame de Sévigné
0:15 - FOU - Delphine Gay
0:25 - FOULE - George Sand
G :
0:34 - GAIETÉ - Robert Poulet
0:46 - GOUVERNEMENT - Marmontel
H :
0:58 - HABITUDE - Pierre-Adrien Decourcelle
1:09 - HOMME - Victor Hugo
1:19 - HOMME ET FEMME - Alphonse Karr
1:32 - HONNÊTES GENS - Anatole France
1:46 - HORLOGE - Alphonse Allais
1:56 - HUMOUR - Louis Scutenaire
I :
2:06 - IDÉAL - Marcel Pagnol
2:17 - IDÉE - Anne Barratin
2:29 - IGNORANCE - Charles Duclos
2:42 - IMBÉCILE - Louis-Ferdinand Céline
2:55 - IMMORTEL - Jean Richepin
3:05 - INJURE - Vauvenargues
3:14 - INTELLECTUEL - Alexandre Breffort
3:25 - INTELLIGENCE - Alain
3:35 - INTÉRÊT - Albert Willemetz
J :
3:46 - JEUNES ET VIEUX - Decoly
3:56 - JEUNESSE - Jean-Bernard
4:09 - JOIE - Martin Lemesle
4:22 - JOUISSANCE - John Petit-Senn
L :
4:33 - LARME - Georges Courteline
4:46 - LIBERTÉ - Henri Jeanson
4:57 - LIT - Paul Éluard
M :
5:05 - MALADIE - Boris Vian
5:18 - MARIAGE - Édouard Pailleron
5:31 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE :
Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974.
IMAGES D'ILLUSTRATION :
Madame de Sévigné : https://www.linternaute.fr/biographie/litterature/1775498-madame-de-sevigne-biographie-courte-dates-citations/
Delphine Gay : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/5e/Delphine_de_Girardin_1853_side.jpg
George Sand : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/09/George_Sand_%281804-1876%29_M.jpg
Robert Poulet : https://www.belgiumwwii.be/belgique-en-guerre/personnalites/poulet-robert.html
Jean-François Marmontel : https://www.posterazzi.com/jean-francois-marmontel-n-1723-1799-french-writer-stipple-engraving-french-c1800-poster-print-by-granger-collection-item-vargrc0085347/
Pierre-Adrien Decourcelle : https://www.mediastorehouse.co.uk/fine-art-finder/artists/henri-la-blanchere/adrien-decourcelle-1821-1892-39-boulevard-des-25144380.html
Victor Hugo : https://www.maxicours.com/se/cours/les-funerailles-nationales-de-victor-hugo/
Alphonse Karr : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9c/Personnalités_des_arts_et_des_lettres_-_Alphonse_Karr_%28Nadar%29.jpg
Anatole France : https://rickrozoff.files.wordpress.com/2013/01/anatolefrance.jp
Alphonse Allais : https://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/alphonse-allais-faits-divers.html
Louis Scutenaire : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Scutenaire#/media/Fichier:Louis_Scutenaire,_rue_de_la_Luzerze.jpg
Marcel Pagnol : https://www.aubagne.fr/actualites-109/marcel-pagnol-celebre-dans-sa-ville-natale-2243.html?cHash=50a5923217d5e6fe7d35d35f1ce29d72#gallery-id-4994
Anne Barratin : https://www.babelio.com/auteur/Anne-Barratin/302855
Charles Pinot Duclos
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LA FLÛTE
Je n'étais qu'une plante inutile, un roseau.
Aussi je végétais, si frêle, qu'un oiseau
En se posant sur moi pouvait briser ma vie.
Maintenant je suis flûte et l'on me porte envie.
Car un vieux vagabond, voyant que je pleurais,
Un matin en passant m'arracha du marais,
De mon coeur, qu'il vida, fit un tuyau sonore,
Le mit sécher un an, puis, le perçant encore,
Il y fixa la gamme avec huit trous égaux ;
Et depuis, quand sa lèvre aux souffles musicaux
Éveille les chansons au creux de mon silence,
Je tressaille, je vibre, et la note s'élance ;
Le chapelet des sons va s'égrenant dans l'air ;
On dirait le babil d'une source au flot clair ;
Et dans ce flot chantant qu'un vague écho répète
Je sais noyer le coeur de l'homme et de la bête.

L’amour que je sens, l’amour qui me cuit,
Ce n’est pas l’amour chaste et platonique,
Sorbet à la neige avec un biscuit ;
C’est l’amour de chair, c’est un plat tonique.
Ce n’est pas l’amour des blondins pâlots
Dont le rêve flotte au ciel des estampes.
C’est l’amour qui rit parmi des sanglots
Et frappe à coups drus l’enclume des tempes.
C’est l’amour brûlant comme un feu grégeois.
C’est l’amour féroce et l’amour solide.
Surtout ce n’est pas l’amour des bourgeois.
Amour de bourgeois, jardin d’invalide.
Ce n’est pas non plus l’amour de roman,
Faux, prétentieux, avec une glose
De si, de pourquoi, de mais, de comment.
C’est l’amour tout simple et pas autre chose.
C’est l’amour vivant. C’est l’amour humain.
Je serai sincère et tu seras folle,
Mon cœur sur ton cœur, ma main dans ta main.
Et cela vaut mieux que leur faribole !
C’est l’amour puissant. C’est l’amour vermeil.
Je serai le flot, tu seras la dune.
Tu seras la terre, et moi le soleil.
Et cela vaut mieux que leur clair de lune !
NUAGERIES
Les nuages là-haut vont rêvant,
Pas de vent !
Nul rayon n'y met son coloris.
On dirait une bande d'oiseaux
Dans les eaux
Mirant leur gros ventre en velours gris.
Les nuages là-haut vont planant.
Maintenant
La brise ébouriffe leur poitrail
Où les rais du soleil découvert
Ont ouvert
Des blessures d'or et de corail.
Les nuages là-haut vont mourant ;
Car, plus grand,
Sous la dent féroce qui les mord
S'élargit le grand trou peu à peu
Tout en feu
Par où fuit le sang et vient la mort.
Les nuages là-haut vont crevant,
Et le vent
Les jette à la mer qui se ternit.
On dirait une bande d'oiseaux
Dans les eaux
Plongeant pour mourir où fut leur nid.
CE QU’EN PENSE UN FLOT
Comme elle gémissait cela,
Brusque, un flot les interpella.
Les cheveux au vent, les yeux fous,
Il leur dit : Sottes, taisez-vous !
Vivre, c’est dépenser comptant
Toute sa vie en un instant.
Qu’importe avant ? Qu’importe après ?
On passe ou reste sans regrets ;
Et le tout, c’est d’avoir goûté
Dans cet instant l’éternité.
Et tous sont ainsi faits ! Vivre la même vie
Toujours pour ces gens-là cela n'est point hideux
Ce canard n'a qu'un bec, et n'eut jamais envie
Ou de n'en plus avoir ou bien d'en avoir deux.
N'avoir aucun besoin de baiser sur les lèvres,
Et, loin des songes vains, loin des soucis cuisants,
Posséder pour tout cœur un viscère sans fièvres,
Un coucou régulier et garanti dix ans !
Oh ! les gens bienheureux !... Tout à coup, dans l'espace,
Si haut qu'il semble aller lentement, un grand vol
En forme de triangle arrive, plane et passe.
Où vont-ils ? Qui sont-ils ? Comme ils sont loin du sol !
Regardez-les passer ! Eux, ce sont les sauvages.
Ils vont où leur désir le veut, par-dessus monts,
Et bois, et mers, et vents, et loin des esclavages.
L'air qu'ils boivent ferait éclater vos poumons.
(Extrait de "Les oiseaux de passage", mis en musique G. Brassens)

Le long d’un chemin creux que nul arbre n’égaie,
Un grand champ de blé mûr, plein de soleil, s’endort,
Et le haut du talus, couronné d’une haie,
Est comme un ruban vert qui tient des cheveux d’or.
De la haie au chemin tombe une pente herbeuse
Que la taupe soulève en sommet inégaux,
Et que les grillons noirs à la chanson verbeuse
Font pétiller de leurs monotones échos.
Passe un insecte bleu vibrant dans la lumière,
Et le lézard s’éveille et file, étincelant,
Et près des flaques d’eau qui luisent dans l’ornière
La grenouille coasse un chant rauque en râlant.
Ce chemin est très loin du bourg et des grand’routes.
Comme il est mal commode, on ne s’y risque pas.
Et du matin au soir les heures passent toutes
Sans qu’on voie un visage ou qu’on entende un pas.
C’est là, le front couvert par une épine blanche,
Au murmure endormeur des champs silencieux,
Sous cette urne de paix dont la liqueur s’épanche
Comme un vin de soleil dans le saphir des cieux,
C’est là que vient le gueux, en bête poursuivie,
Parmi l’âcre senteur des herbes et des blés,
Baigner son corps poudreux et rajeunir sa vie
Dans le repos brûlant de ses sens accablés.
Et quand il dort, le noir vagabond, le maroufle
Aux souliers éculés, aux haillons dégoûtants,
Comme une mère émue et qui retient son souffle
La nature se tait pour qu’il dorme longtemps.
Et la vie est un si grand bien,
Que ce vieillard, ce gueux, ce chien,
Regrette tout, lui qui n'eut rien.
p. 76
EN SEPTEMBRE
Ciel roux. Ciel de septembre.
De la pourpre et de l'ambre
Fondus en ton brouillé.
Draperie ondulante
Où le soleil se plante
Comme un vieux clou rouillé.
Flots teintés d'améthyste.
Ecumes en baptiste
Aux légers falbalas.
Horizon de nuées
Vaguement remué
En vaporeux lilas.
Falaises jaunissantes.
Des mûres dans les sentes,
Du chaume dans les champs.
Aux flaques des ornières,
En lueurs prisonnières
Le cuivre des couchants.
Aucun cri dans l'espace.
Nulle barque qui passe.
Pas d'oiseaux aux buissons
Ni de gens sur l'éteule.
Et la couleur est seule
A chanter ses chansons.
Apaisement. Silence.
La brise ne balance
Que le bruit endormant
De la mer qui chantonne.
Ciel de miel. Ciel d'automne.
Silence. Apaisement.
Ainsi reviendra-t-il, tout droit vers Saint-Malo,
Lui que nous attendons, le gas parti sur l'eau.
Cher petit-fils, dernier descendant de ma race !
Avant que de mourir, il faut que je l'embrasse ;
Et je l'embrasserai, vois-tu, j'en suis certain.
Nous l'embrasserons tous, Janik. Un beau matin,
Il nous débarquera de sa nef pavoisée,
Et cousine Janik deviendra l'épousée
D'un riche capitaine et d'un vaillant garçon,
Fidèle et cousu d'or, comme dans la chanson ...

Le bouc aux enfants
Sous bois, dans le pré vert dont il a brouté l’herbe,
Un grand bouc est couché, pacifique et superbe.
De ses cornes en pointe, aux noeuds superposés,
La base est forte et large et les bouts sont usés ;
Car le combat jadis était son habitude.
Le poil, soyeux à l’oeil, mais au toucher plus rude,
Noir tout le long du dos, blanc au ventre, à flots fins
Couvre sans les cacher les deux flancs amaigris.
Et les genoux calleux et la jambe tortue,
La croupe en pente abrupte et l’échine pointue,
La barbe raide et blanche et les grands cils des yeux
Et le nez long, font voir que ce bouc est très vieux.
Aussi, connaissant bien que la vieillesse est douce,
Deux petits mendiants s’approchent, sur la mousse,
Du dormeur qui, l’oeil clos, semble ne pas les voir.
Des cornes doucement ils touchent le bout noir.
Puis, bientôt enhardis et certains qu’il sommeille,
Ils lui tirent la barbe en riant. Lui, s’éveille,
Se dresse lentement sur ses jarrets noueux,
Et les regarde rire, et rit presque avec eux.
De feuilles et de fleurs ornant sa tête blanche,
Ils lui mettent un mors taillé dans une branche,
Et chassent devant eux à grands coups de rameau
Le vénérable chef des chèvres du hameau.
Avec les sarments verts d’une vigne sauvage
Ils ajustent au mors des rênes de feuillage.
Puis, non contents, malgré les pointes de ses os,
Ils montent tous les deux à cheval sur son dos,
Et se tiennent aux poils, et de leurs jambes nues
Font sonner les talons sur ses côtes velues.
On entend dans le bois, de plus en plus lointains,
Les voix, les cris peureux, les rires argentins ;
Et l’on voit, quand ils vont passer sous une branche,
Vers la tête du bouc leur tête qui se penche,
Tandis que sous leurs coups et sans presser son pas
Lui va tout doucement pour qu’ils ne tombent pas.