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Citations de Jean Rouaud (317)


Toutes les lettres que j’ai reçues le disent, mais sur le coup on les lit à peine. On s’intéresse à la signature, on a une pensée vers ceux-là qui vous assurent de leur sympathie, et on se promet, le moment venu, un peu de force revenue, de les remercier d’un petit mot. Ce qui vous paraît une tâche de plus en plus ardue à mesure que les jours qui suivent le drame vous apportent un courrier de ministre. Autant de lettres pour dire à quelques nuances près la même chose, qui vous apprennent rien sinon que leur auteur vient d’apprendre ca que vous êtes trop bien placé pour savoir déjà. D’ailleurs dès la première ligne les larmes affluent et le reste se perd dans le brouillard. Vous avez déjà cheminé un peu dans la douleur, vous vous êtes éloignés de quelques heures, de quelques jours, de la seconde d’effroi où la vie d’un homme a basculé dans les ténèbres, de sorte que vous avez commencé lentement à vous extraire de la violente aspiration de cette zone de mort, et la première ligne bienveillante, compatissante, qui vous assure de son soutien et de sa peine vous renvoie à cet instant zéro.
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Jean Rouaud
Le cerveau est ainsi fait qu'il associe la douceur aux courbes et la dureté aux angles.
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Une des grandes surprises du kiosque était non seulement la diversité des opinions, avec d'infinies nuances qui rendaient délicate une classification précise des convictions, mais l'absolue singularité de certaines réflexions, impossibles à ranger dans une nomenclature existante, recensées dans aucune des catégories mentales habituelles (...) (p. 86)
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Je n'ai pas de conseil à donner à quiconque mais si vous avez la possibilité de mourir dans votre fauteuil à quatre vingt ans après avoir jardiné une partie de l'après-midi, trouvé un mot de huit lettres au jeu télévisé, avalé du bout des lèvre une tisane et déclaré en déposant la tasse sans trembler au centre de sa soucoupe, maintenant je vais somnoler un peu, et pouf, on croit que vous êtes endormi, n'hésitez pas, soyez preneur. (p.35)

Tel que relevé pour "Les fils de la pensée" http://xn--rflchir-byac.net
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Tout me revient à mesure que je regagne le temps du kiosque, toute une galerie magnifique. Comme je leur dois à tous. Comme ils m'ont aidé à me concilier le monde, comme ils m'ont appris. Comme j'aimerais à mesure qu'ils s'invitent leur faire place qu'ils méritent ici. (p. 69)
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Son statut de gérant de kiosque l'avait propulsé du côté des commerçants et des petits patrons, plus tout à fait au coude à coude avec les damnés de la terre, ce qui le contrariait un peu (...) (p. 11)
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(...) je détestais l'armée. Le culte du pouvoir, l'esprit de servilité , l'apologie de la force, je les avais expérimentés au collège, et j'avais été à même de juger que rien de tout ça ne m'intéressait (...) (p. 209)
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Mais c'est vrai que là où j'étais, ayant choisi de vendre des journaux plutôt qu'autre chose de plus valeureux afin de dégager du temps libre pour écrire, la perspective de la retraite était le cadet de mes soucis, une hypothèse sans fondement aussi longtemps que mon horizon était barré par la seule question qui me préoccupait, celle de la reconnaissance littéraire. (p. 23)
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À défaut du bonheur j'avais trouvé le lieu (le 101, rue de Flandre) et la formule
( vendre des journaux en fumant de fines cigarettes après avoir écrit le matin).Pas plus qu'avant je n'avais d'ambition sociale, me fichant de tous les bâtons de commandement et autres colifichets, n'ayant de comptes à rendre qu'à la littérature, c'est-à-dire aux grands défunts, et tout spécialement à ma figure tutélaire, François- René Chateaubriand que je crois connaître presque aussi bien que lui.

( p.190)
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Chateaubriand le dissimule dans ses Mémoires parce que ce n'était pas conforme à l'idée qu'il se faisait de son rang où il n'était pas question de s'abaisser à ces métiers de manants, mais désargenté il fut un moment de sa vie à vendre des bas en Bretagne. (...)
Ainsi Chateaubriand avait été voyageur de commerce, comme notre père, et en Angleterre il donna des cours de français, instituteur comme notre vieille tante Marie, ce qu'il nia (...)

( p.162)
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Et puis, ce n'est pas un secret pour personne, les choses du monde ont été si souvent racontées, décrites, analysées, exhibées, montrées sous toutes les coutures, qu'on ne se donne même plus la peine de les regarder. On croît les connaître par cœur.
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Tout lecteur remarque que dans les dialogues convenus, à l'ancienne, tiret, à la ligne et ponctués par "dit-il", l'auteur a pour unique souci de ne pas se répéter, s'avisant alors de terminer chaque réplique par maugréa-t-il, marmonna-t-il, soupira-t-il, vociféra-t-il et on sait bien que son personnage ni ne maugrée, ni ne soupire, ni ne vocifère, on se dit surtout qu'il n'a rien d'essentiel à nous dire, sinon qu'il faut en passer par là, et on a l'impression de voir à chaque fin de phrase les gouttes de sueur tomber du front de l'auteur de la page. (p. 121)
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Et bien sûr, parmi les lectures imposées de ce cours on comptait Lovecraft et sa galerie de monstres, tous affublés de noms ridicules évoquant des champignons aztèques, dont il était de bon ton de trouver géniaux les récits horrifiques, et lui-même, sans lui faire grief d'un racisme et d'un antisémitisme affichés aussi virulents que chez Céline.
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Il est souvent question de littérature entre nous.Au fil du temps il m'avait confié sa passion pour Stendhal, même si là aussi, il ne m'avoua que tardivement posséder une édition originale de " La Chartreuse de Parme" Ce qui ne doit pas concerner beaucoup de personnes dans le monde.Un révolutionnaire bibliophile ?
Ce hobby de classe cohabitait mal avec sa sensibilité tiers-mondiste. Cette manifestation éminemment " droitiste" eût mérité en Chine l'envoi dans un camp de travail aux fins de rééducation. Pousser des brouettes de fumier fera passer l'odeur des reliures en maroquin.

( p.147)
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Jusque-là, la propriété, on la jaugeait à l'aune des grandes fortunes, qui commençaient dès l'acquisition d'une voiture neuve (celle qui ne prenait pas les auto-stoppeurs) (...) (Gallimard, 2010, p. 156)
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Dès lors qu'on dégrade l'individu en animal nuisible, on règle ses problèmes de conscience, on fait même en les éliminant oeuvre de salubrité publique.
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On trébuchait pendant un assaut sur un bras à demi déterré, un pied, et, tombant le nez sur le nez d’un cadavre, on jurait entre ses dents, les siennes et celles du mort. C’était une fâcheuse invite, ces crocs-en-jambe sournois des trépassés. Mais on en profitait pour arracher autour du cou les plaques d’identité, sauver ces masses anonymes d’un futur sans mémoire, les ramener à l’état civil, comme si le drame du soldat inconnu était moins d’avoir perdu la vie que son nom.
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"D'ordinaire, une vie s'incrit entre deux nombres qui délimitent le parcours terrestre, l'entrée et la sortie, à charge de celui-là, l'évoqué mathématique, de résoudre cette équation pleine d'inconnu que pose l'entre-deux."
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A tous les commentaires désagréables sur la supposée indifférence des Parisiens, je n'oublie jamais d'opposer ce soutien indéfectible des habitués qui avaient accepté en connaissance de cause d'être plus ou moins bien traités selon l'humeur du marchand. Ce qui était une preuve de générosité mais aussi d'intérêt pour le curieux petit homme à la barbe roussie par le fourneau de sa pipe. Il ne ressemblait évidemment pas à l'idée qu'on se fait d'une vie rangée, surtout pour des gens dont on connaissait les allers et retours réglés comme du papier à musique encadrant une journée de bureau (...) (p. 39)
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Car il n’y avait pour moi qu’une espérance de salut : qu’on me reconnaisse écrivain, et par écrivain je n’entendais pas seulement celui qui publie des livres, ce dont je n’espérais ni gloire ni tirage mirifique, non, simplement ceci, qui aux yeux de quiconque passerait pour une absurdité bien plus grande que de convoiter le succès, ceci qu’on attribuerait à un esprit au mieux rêveur au pire dérangé, ceci qui vaut en retour à celui qui annonce son ambition des regards moqueurs ou de compassion, mais enfin ceci : une place dans ce qu’il est convenu d’appeler la littérature, ce domaine réservé où l’on croise les tourneurs de phrase et les jongleurs du verbe, les bâtisseurs de mondes et d’imaginaires. Ce dont aujourd’hui, maintenant que les dés sont jetés, je me moque un peu, pas complètement mais un peu tout de même.
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