Jean Rouxel

— Je suis spirite, cher lecteur. Je ne m'en vante pas ; ce serait un. genre comme un autre de charlatanisme ; mais je ne m’en cache pas ; ce serait une bassesse, une lâcheté.
Mes amis se moquent bien un peu de moi. « Pauvre garçon, disent-ils, on voit bien qu’il est de son pays (la Bretagne), il est un peu mystique ; mais, au fond, il n’en est pas plus mauvais diable ; et du moins, contrairement à la plupart de ses coreligionnaires, il ne nous importune pas avec sa propagande pour « confondre les incrédules ».
Je n’en veux pas à mes amis de ce qu'ils pensent et disent de moi : j’ai été comme eux, sceptique ; et je faisais comme eux, je prenais en pitié les croyants. Je professe même une sympathie particulière pour ceux, amis ou ennemis, qui ont le courage de me reprocher en face, et non par derrière, jésuitiquement, ce qu’ils appellent mon « mysticisme ».

Ecoutez les occultistes.. Vous les entendrez proclamer l'égalité, la fraternité, se plaindre vivement des iniquités sociales présentes, dire que la société est mal organisée, que le riche exploite le pau vre,que le fort exploite le faible, etc.
C'est la doctrine exotérique.
La doctrine ésotérique étant l'inverse, il est facile de la deviner : Proclamons, en paroles, l'égalité et la fraternité, cela produit toujours de l'effet sur un certain public ; critiquons l'organisation sociale, rien n'est plus facile et cela produit encore plus d'effet sur le même public ; le moins qui puisse résulter de notre politique, c'est qu'on nous charge de réorganiser la société, et lors, nous appliquerons notre sociologie occulte : la division du genre humain en deux castes : les initiés et les profanes.

Le spiritisme est une science qui a pour objet d'étudier un ordre particulier de phénomènes dont les causes échappent à nos sens et paraissent en contradiction avec les lois établies plus ou moins arbitrairement par les savants officiels.
Le spiritisme est une science. C'est là, en effet, son caractère fondamental. C'est ce qui le distingue : d'un côté, des religions actuelles, qui se basent sur l'autorité; et d'autre part, de la fausse science qui pose des principes a priori pour en déduire des conséquences plus,ou moins logiques et aussi plus ou moins fausses, selon que ledit principe est en contradiction avec un plus grand nombre de faits réels.

— On appelle volontiers le spiritisme, dans un certain monde, « la philosophie des vieilles bonnes femmes ».
Je ne dis pas que cette qualification ne soit pas méritée, loin de là; mais de ce que le spiritisme est. mal connu, mal compris, mal enseigné, mal pratiqué par la majorité de ses adeptes, je ne crois pas que ce soit une raison suffisante pour le mépriser et le rejeter sans examen.
A ce compte, je ne verrais aucune doctrine, religieuse, philosophique, ou même scientifique, qui ne pût être jetée aux orties pour la même raison.

Le spiritisme est donc une science autonome : distincte des religions, qui reposent sur la révélation ; distinct du système matérialiste, qui n'a pour lui que la négation ou l'affirmation gratuite, et le budget; distinct du spiritualisme, qui ne démontre son objet que par des témoignages et des raisonnements, et qui est incomplet, puisqu'il n'admet pas la réalité, ni même la possibilité des communications entre les âmes des morts et celles des vivants.

L'occultisme, comme le spiritisme, s'occupe des phénomènes dont la cause est invisible et inconnue de la science matérialiste. Il prétend en donner une solution — même plusieurs — bien plus satisfaisante, mais c'est ce dont le public jugera quand nous aurons exposé l'une et l'autre, et quand nous aurons indiqué par quel chemin l'occultisme nous y conduit.

L'occultisme n'est donc pas une science, mais une religion. Cette religion vaut-elle au moins les autres religions existantes?