Jamais je n’ai voulu ressembler à ces types moulés à la consommation excessive, à la vie de famille pépère auprès de bobonne qui leur taille une pipe une fois l’an parce que c’est leur anniversaire. Jamais je n’ai voulu procréer pour entendre geindre à longueur de journée. Je n’ai pas signé un CDI avec la vie pour faire comme tout le monde et je les emmerde tous.
L’homme sortit un couteau d’un étui attaché à sa ceinture et l’introduisit dans la bouche de Caroline. Puis il la lacéra afin d’en retirer la langue. L’organe rose d’une dizaine de centimètres venait de tomber sur le sol et du sang jaillit. Sous la douleur ressentie, Caroline s’évanouit à nouveau. De sa bouche dégoulinait de la salive et du sang.
C’est ma première fois en prison. Il faut bien un début à tout dans la vie. Je savais que je risquais de m’ennuyer, mais pas à ce point. C’est gris, c’est bruyant et surtout ça pue le désespoir. Je ne suis pas à ma place, ici, mélangé à la lie. Je ne suis pas innocent, tant s’en faut, mais je sais ce qu’ils font aux mecs comme moi en taule. Heureusement pour l’instant, j’ai la chance d’être « séparé » du reste du cheptel. Mais pour combien de temps ? Faut dire que les juges, les psys, les journalistes, les familles veulent savoir. Et vite ! Mon procès est programmé pour demain et ils veulent tous comprendre. Parce que pour eux, je représente ce qu’il y a de plus abject, de plus vil, ils me protègent derrière ces barreaux, seuls remparts face à la frénésie des autres prisonniers.
Stephen Wilcox et Arthur n'avaient jamais rencontré Greg, mais Mathilde avait toujours cet objet avec ce logo attaché à un anneau métallique. La peinture et le caoutchouc étaient usées par endroit à cause du frottement dans les poches, mais elle ne le jetait pas.
Elle avait toujours répondu à qui posait la question que ce porte-clés avait été le premier cadeau de Greg, son ancien fiancé. il lui avait offert cet objet en guise de fiançailles à la place d'une bague ou d'un collier. Elle avait apprécié ce côté décalé. Wilcox et Arthur en connaissaient l'origine et voir ce symbole d'amour devenir présage de mort les avait médusés.
Ainsi, ils découvrirent que Patrick Lartigue s’adonnait au Web Sleuthing, activité qui consistait à tenter de résoudre des enquêtes non élucidées en fouillant sur le Net ou à trouver des informations sur d’éventuels suspects dans des affaires criminelles. Débutée aux États-Unis pour la traque des desperados de tout genre, cette pratique s’était largement démocratisée avec l’avènement d’Internet dans les foyers réveillant ainsi des vocations de détectives amateurs enjoués à l’idée de résoudre une partie de Cluedo grandeur nature. Elle permettait surtout d’assouvir en toute impunité la soif de curiosité de la plupart d’entre eux, le but étant tout simplement de collationner un maximum d’informations sur une affaire non résolue. Pour y parvenir, tous les témoignages étaient centralisés sur une page créée à cet effet. En France, ce phénomène n’était pourtant pas encore très répandu même si quelques affaires célèbres comme l’affaire Dupont de Ligonnès avaient eu tendance à le relancer. Seulement l’engouement suscité était vite retombé après des décisions de justice à propos de certains enquêteurs du Web punis d’une amende pour violation du secret de l’instruction. La profession de chasseurs de primes n’avait aucun avenir au pays des droits de l’Homme qui n’était pas encore prêt à légitimer ces pratiques.
Avant tout, Arthur exécrait prendre le train. Déjà parce qu’ils étaient rarement à l’heure et qu’il idolâtrait la ponctualité à la manière d’une divinité païenne. Surtout, il existait chez lui un côté chat noir de la voie ferrée cause de nombreux désagréments. Le dernier en date était le suicide d’un pauvre type qui avait décidé d’en finir en se jetant sur les rails. Classique, mais d’une redoutable efficacité. Résultat, le train fut bloqué en rase campagne cumulant au passage trois heures de retard et une nuit dans un hôtel parisien avant de pouvoir repartir le lendemain matin. Le plus déplorable dans cette mésaventure, fut la distribution du kit de survie en milieu ferroviaire, ersatz de la ration de combat militaire pour voyageurs en détresse. Même le paquet de fraise Haribo fourni avec ne put lui faire oublier l’amertume de la situation. Le coup de grâce fut l’arrivée en gare avec un mot d’excuse de la SNCF ne prenant pas en charge les remboursements, car cet « incident est un fait indépendant de notre volonté ». La compagnie de transport avait surtout trouvé un terrain d’entente avec la faucheuse. Elle récoltait gratuitement pour elle les âmes égarées et utilisait sa notoriété pour s’affranchir des émoluments dévolus à ses voyageurs. Le Capitalisme ne fait jamais de petites économies !
Agathe était athée comme respirer est naturel pour l’organisme. Hors de question de croire qu’un être supérieur était à l’origine de tout. Elle maudissait ces convaincus extrémistes qui réfutent toute explication de la Science et surtout qui commettent des actes de barbarie au nom d’une puissance divine. Et que dire des croyants qui prônent l’amour, mais qui s’offusquent en brandissant des banderoles contre le mariage pour tous. Le plus révoltant à ses yeux était cette hypocrisie de la Sainte-Eglise catholique à ne pas vouloir autoriser le mariage des prêtres et qui préférait semer des graines de pédophilie dans son jardin d’Eden. Les religions n’existaient que pour manipuler les faibles et profiter de leur délicatesse. Une tartuferie à l’échelle mondiale ! Si un seul être supérieur devait réellement exister, il ne pouvait être que le Diable drapé dans un manteau de sournoiserie.
Le romancier la serra à nouveau contre lui et dans un élan paternaliste, lui frôla ses longs cheveux bruns. Il n’avait jamais eu d’enfants. Non pas qu’il n’avait jamais eu de compagnes, mais bien par manque de temps. La vie avait décidé qu’il serait uniquement géniteur de romans à succès et sa passion devenue son métier l’avait consumé chaque jour. Pas le temps de s’occuper d’un gamin lorsque l’on s’obstine à chercher le meilleur scénario, que l’on se triture les méninges pour trouver le parfait rebondissement et que l’on coure les salons spécialisés pour vendre son dernier roman et discuter avec ses lecteurs. Mais en sentant le désarroi d’Agathe à cet instant précis, Sylvain comprit qu’il s’était trompé. Le succès et ses suppôts pouvaient vous abandonner alors qu’un enfant, si vous preniez soin de lui, vous serait toujours fidèle.
À la première heure, tu m’envoies une équipe pour interroger tout le personnel de l’opéra. Quant à nous, doc, on se revoit demain pour l’autopsie ?
— J’ai du cadavre qui s’accumule jusqu’au plafond, commandant, mais ce sera avec plaisir. Vous êtes toujours le bienvenu à la maison. Tous réunis autour d’une viande froide, on aura l’impression d’être chez le traiteur.
« Le plus dur à encaisser n’était pas que leurs routes bifurquent, mais bien la voie sans issue qu’ils avaient empruntée. Tromper l’absence de l’un dans les bras d’un autre est un classique de l’accident marital. L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature était d’ailleurs formelle sur ce sujet, le cocu ne serait jamais une espèce classée en voie d’extinction.
Une odeur de café et de tabac froid suintait des murs défraîchis et lui encrassa les narines lorsqu’il franchit le seuil. Le patron des lieux se torchait à coup sûr avec la loi Evin. Accoudés au comptoir, trois piliers aux gueules taillées au burin retraçant la carte des vignobles français savouraient une mousse, mélange de pisse et de houblon douteux.
— Vous buvez quoi ? dit le taulier, copie conforme de ses habitués.
— Un ristretto, s’il vous plaît. Un café serré si vous préférez ! dit-il en remarquant la mine renfrognée du patron certainement plus habitué à servir des ballons de rouge.
— J’connais mon boulot.