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3.95/5 (sur 55 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Arles-sur-Tech, Pyrénées-Orientales , 1933
Biographie :

Après une carrière de diplomate culturel qui l’a conduit pendant huit ans en Israël, Jean Soler s’est consacré à la rédaction d’ouvrages qui bouleversent notre connaissance de la Bible, déchiffrent les origines de la croyance en un Dieu unique et expliquent pourquoi le monothéisme incline à la violence.

Après des études secondaires au lycée Arago de Perpignan et une khâgne à Montpellier, il est étudiant à la Sorbonne jusqu’à l’agrégation de lettres classiques (1959), tout en étant surveillant puis bibliothécaire au lycée Chaptal de Paris.

Sa carrière professionnelle débute à l’Education nationale. Il enseigne le français, le latin et le grec au lycée de Blida, en Algérie, après un passage dans l’armée (1959-1961) ; et au Lycée international de Fontainebleau (1961-1964).

Il entre au ministère des Affaires étrangères et est nommé directeur du Centre de civilisation française à l’université de Varsovie (1965-1968). Il devient ensuite conseiller culturel et scientifique à l’ambassade de France en Israël (1968-1973), et il occupera les mêmes fonctions à Téhéran (1973-1977) et à Bruxelles (1977-1981).

Le ministère de la Culture fait appel à lui et le nomme directeur régional des Affaires culturelles pour la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur (1981-1985). Puis Jean Soler exerce la fonction interministérielle de secrétaire général du Conseil national des langues et des cultures régionales, organisme présidé par le Premier ministre (1985-1987).

De retour au ministère des Affaires étrangères, il est nommé en Israël, vingt ans après, dans le même poste de conseiller culturel auprès de l’ambassade de France (1989-1993).

En 1993, Jean Soler quitte la fonction publique et revient au pays catalan pour se consacrer à la rédaction de livres sur lesquels il travaille depuis des années.

En 2009, son nom est donné à la bibliothèque-médiathèque de son village natal, Arles-Sur-Tech.
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Source : Wikipédia
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SEMINAIRE SCHERER / JEAN SOLER VIENT Y PARLER DE SON DERNIER LIVRE / LA VIOLENCE MONOTHEISTE .... PART 1


Citations et extraits (39) Voir plus Ajouter une citation
Lévi-Strauss a mis en évidence l'importance de la cuisine, qui est le propre de l'homme, au même titre que la langage. Mieux même : la cuisine est un langage à travers lequel une société s'exprime. Car la nourriture que l'homme absorbe pour vivre, il sait qu'elle va s'assimiler à son être, devenir lui. Il faut donc qu'il y ait une relation entre l'idée qu'il se fait de tel ou tel aliment et l'image qu'il se donne de lui-même et de sa place dans l'Univers. La cuisine d'un peuple et son appréhension du monde sont liées.

La langue et la cuisine présentent, d'autre part, une analogie formelle. De même, en effet, qu'une langue, pour constituer son système phonétique, retient quelques sons seulement parmi ceux que l'être humain peut produire, de même une communauté se donne un régime alimentaire en opérant un choix parmi tous les aliments possibles. N'importe qui ne mange pas n'importe quoi et il ne suffit pas qu'un aliment soit mangeable pour qu'il soit mangé. Ainsi, mettre au jour la logique qui est à l'œuvre dans ces choix et dans l'agencement des éléments – ici, des aliments – retenus, reviendra à définir ce qu'une société, tout comme une langue, a de spécifique.
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Le jeûne est l'entame d'un suicide par inanition qu'on interrompt, en général, avant qu'il ne soit trop tard, ou qu'on espère voir interrompi par le dieu dont on cherche, par ce moyen, à forcer la main. Cet acte rituel a d'autant plus de force que l'acte réel qu'il symbolise (la mort volontaire par privation de nourriture) et qu'il commence à accomplit, fait l'objet d'un interdit majeur. Si le suicide n'était pas proscrit – s'il n'était pas, en quelque sorte, sacrilège – le chantage à la mort ne pourrait avoir lieu. Un Grec qui dirait à un dieu : « Sauve-moi ou je me tue », s'entendrait répondre : « Eh bien, tue-toi ! »
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Iahvé n'est pas Dieu. On continue à confondre le dieu des Hébreux avec le Dieu unique des trois religions monothéistes. Iahvé n'est qu'une divinité parmi d'autres. Ceux qui l'adorent ne doutent pas qu'il existe d'autres dieux. Mais ils ont choisi celui-là pour être leur dieu. Ils racontent que leurs ancêtres, depuis Abraham, ont fait alliance avec lui, et que cet accord a été renouvelé du temps de Moïse, le prophète qui a rendu leur liberté aux tribus hébraïques exilées en Égypte et réduites en esclavage, pour les constituer en nation, la nation « israélite » (terme qui désigne dans la Bible les descendants de Jacob, surnommé « Israël »). Aux termes de l'« alliance », si le peuple vénère ce dieu au-dessus des autres dieux, le dieu le placera au-dessus des autres peuples. Il s'agit d'un accord strictement ethnique. Et il n'est pas propre aux Hébreux. Les recueils d'inscriptions mises au jour par les archéologues dans le Proche et Moyen-Orient, datant de l'époque supposée de Moïse et même bien avant, prouvent que ce type de religion était très courant. Les Assyriens, par exemple, étaient le « peuple d'Assur » ; les Babyloniens, le « peuple de Marduk ». De la même manière, les Hébreux étaient connus des autres peuples et ils se désignaient eux-mêmes comme le « peuple de Iahvé ». Le dieu confère au peuple son identité. Et, naturellement, chaque peuple est porté à croire que son dieu est plus puissant que les autres ; qu'il l'aidera à l'emporter sur ses rivaux et ses ennemis.
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La crédulité n'est pas un défaut qu'on pourrait corriger, un manque qu'on pourrait combler. Ce n'est pas davantage une question de quotient intellectuel . Il s'agit d'un aveuglement volontaire, apparenté à la "servitude volontaire" mise en avant par La Boétie, l'ami de Montaigne . Le cas le plus probant est celui de Pascal . Ce savant génial admettait , sans la moindre parcelle d'esprit critique, la réalité des miracles rapportés par les Ecritures, et il voyait Jésus partout dans l'Ancien Testament . Le besoin de croire, de croire à tout prix, de croire envers et contre tout--- ce que j'appelle la crédulité--- cohabitait chez lui, dans le domaine religieux, avec la passion de comprendre qui l'animait dans le domaine scientifique . Les deux pulsions étaient côte à côte, mais déconnectées.
Si la crédulité est une drogue douce qui peut aidercertains d'entre nous à vivre, il serait inexcusable de vouloir les en priver . Je recommande même à ceux qui préfèrent garder au chaud leurs croyances plutôt que de les exposer au grand air de ne pas lire mes livres :ce sont des éteignoirs d'illusions .
Malheureusement la crédulité qui aide et la crédulité qui tue ont la même structure élémentaire . Si les circonstances s'y prêtent, le monothéisme pacifique peut engendrer l'extrémisme .
L'aveuglement volontaire est infantile, mais il est puissant . Il est même puissant parce qu'il est infantile . Il évite d'éprouver des troubles quand nous devons décider . D'autres ont décidé pour nous . Nous n'avons plus qu'à obéir .
Dans la lutte engagée entre la clairvoyance et la crédulité, la clairvoyance ne part pas battue. Mais il faudra plus de temps que ne le prévoyaient les philosophes du XVIIIème siècle, dans la lignée desquels je m'inscris . Ils pensaient que le progrès inéluctable des Lumières dissiperait rapidement les ténèbres où s'abritait l'obscurantisme . Ce sera plus long mais nous ne sommes pas obligés d'attendre sans rien faire .
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Il est vrai que l'Eucharistie introduit [dans le système sacrificiel] une mutation radicale. Ce n'est plus le Dieu qui « se nourrit » d'êtres vivants tués pour lui, ce sont les hommes qui « se nourrissent » du Dieu qui s'est sacrifié pour eux.
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[S]i la Vérité est Une, comme Dieu, et si l'on est certain de la posséder, les autres sont dans l'erreur. Il apparaît, en particulier, intolérable que la Vérité, puisqu'elle est unique, soit exprimée en trois versions. Deux sont de trop. Et l'on peut éprouver, de bonne foi, en toute logique, la tentation et même le devoir, comme un impératif absolu, de faire prévaloir, au besoin par la violence, la vraie version de la Vérité.
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...j'ai vu le film de Claude Lanzmann,SHOAH .En dépit de qualités incontestables et de l'émotion qu'il communique, j'ai trouvé ce documentaire injuste à l'égard des Polonais .Injuste ou myope . Par ethnocentrisme juif.
SHOAH peut laisser croire que tous les Polonais étaient antisémites et qu'ils ont collaboré avec les nazis pour exterminer les Juifs . A le voir, il est impossible de deviner que les Polonais non-juifs ont autant souffert que les juifs des nazis: ils ont eu deux millions de morts au bas mot . Les nazis considéraient les Slaves comme une race inférieure . A peine les Allemands ont-ils eu conquis la Pologne qu'ils se sont empressés d'éliminer toutes les élitesdu pays, intellectuels, universitaires, ingénieurs, officiers, religieux, en les massacrant ou en les jetant dans descamps . Et malgré cette politique répressive à l'extrême, les Polonais ont oppoé aux Allemands une résistance déterminée, non seulement à Londres où siégeait le gouvernement polonais en exil , mais en Pologne même . Le grand film de Wajda," Cendres et diamants" que j'ai découvert à Varsovie, porte surles deux composantes principales de la Résistance, les nationalistes et les communistes, qui se disputeront le pouvoir à la fin de la guerre . Auparavant, en 1944, la ville entière de Varsovie s'est soulevée contre les occupants . n autre grand film de Wajda, Kanal, traite d'un épisode de cette insurrection qui s'est terminée, après deux mois de combat, ar la mort de 170.000 Polonais et par ladestruction, à 85% , de leur capitale . (1)
On ne peut deviner surtout, à voir le film de lanzmann, qu'au mémorial de Yad Vachem, à Jérusalem, où sont répertoriés et honorésles"Justes parmi les nations", les non-Juifs qui ont sauvé des Juifs au péril de leur vie, cesont les Polonais qui ont le plus de Justes: 6500 environ sur 25000, un quart dutotal, deux fois plus qu'en France . parmi les résistants polonaisà qui les Israéliens ont décerné le titre de Justes figurent le poète Czeslaw Milosz, qui obtiendra le prix Nobel de littérature en 1980 et l'intellectuel catholique Wladyslaw Bartoszewski, survivant d'Auschwitz, qui sera, vers la fin des années 1990, le ministre polonais des Affaires étrangères .
Il n'est pas question pour autant de nier ou d'excuser l'antisémitisme présent dans certains milieux polonais,ni les pogroms qui ont visé les Juifs . mais l convient de replacer ces faits dans leur contexte historique . La Pologne était, de tous les pays, celui qui hébergeait le plus grand nombre de Juifs . Ils n'y étaient pas si malheureux , sinon ils seraient partis . Aucune loi ne les contraignait à rester . Dans les romans d'Isaac Bashevis Singer, prix Nobel de littérature pour une oeuvre,écrite en yiddish, qui retrace la vie quotidienne des Juifs de Pologne avant la Shoah, on constate qu'il y avait de nombreux villages habités exclusivement par des Juifs qui vivaient entre eux, sous la conduite de leurs rabbins, coupés de l'histoire passée et présente de la Pologne, sans même connaitre le polonais .
Imaginons que dans la province française, en 1939, il y ait eu l'équivalent . etqu'à Paris, comme à Varsovie, un habitant sur quatre ait été juif ; oui, imaginons !
L'antisémitisme n'est pas un gène dont certains peuples seraient porteurs, d'autres non .C'st un phénomène circonstanciel . il est en rapport avec le nombre et le comportement, réel ou supposé, des Juifs, en tel lieu, à telle époque . Et il se déclenche quand le pays qui les héberge est en crise . Certains se tournent alors contreeux, à la recherche de boucs émissaires .
(1) tandis que l'Armée Rouge, sur ordre de Staline, reste pendant deux mois l'arme au pied à l'est du faubourg de Praga pour permettre l'écrasement d'une insurrection non-communiste [ Addendum de VétoYves] .
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On m'a reproché aussi d'avoir dit : "L'existence de la Shoah est la preuve irréfutable de la non-existence de Dieu " . Cette phrase n'exprime pas une croyance opposée à une autre croyance, c'est un énoncé scientifique . Qui est vérifiable, comme ils doivent tous l'être, sinon par une expérience matérielle, du moins par une "expérience de pensée", comme disent les chercheurs . Si Dieu existait, il n'aurait jamais permis ou plutôt décidé, puisqu'il est par définition Tout-Puissant, la Shoah . Je ne veux de mal à personne mais je demande qu'on m'explique comment on arrive à tenir ensemble , d'une part, une hypothèse: Dieu existe et il a choisi les Juifs pour être son peuple de prédilection, 'autre part, un évènement historique: l'extermination, dans des conditions atroces, de 6 millions de Juifs, hommes, femmes et enfants confondus . Dans n'importe quelle discipline scientifique, quand les faits démentent une hypothèse, l'hypothèse est abandonnée . Pourquoi devrait-il en être autrement dans les religions ? Et qu'on ne dise pas, une fois de plus : "les desseins du Seigneur sont impénétrables ". Quels desseins pourraient justifier des massacres de cette ampleur ? Si Dieu a voulu punir son peuple, que lui reprochait-il ? Et quels péchés avaient commis les enfants ?
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Et il commence par forger un bouclier qu’Homère décrit minutieusement :
« Le bouclier est fait de cinq plaques et Héphaïstos cisèle sur lui de nombreux tableaux, nés de son esprit savant.
Il y montre la terre, le ciel et la mer, le soleil infatigable et la lune en son plein, ainsi que tous les astres dont le ciel se couronne : le puissant Orion, les Hyades et les Pléiades, puis l’Ourse, qu’on appelle aussi le Chariot, qui tourne sur elle-même en épiant Orion ; c’est la seule constellation qui ne se baigne jamais dans le fleuve Océanos.
Il y figure aussi deux belles cités humaines. Dans l’une, on voit d’abord des noces, des festins. À travers la ville un cortège, à la lueur des torches, emmène hors de leur maison les mariées, et le chant nuptial s’élève de la foule. Plusieurs jeunes danseurs virevoltent au son des flûtes et des lyres, et les femmes, debout devant leur porte, s’émerveillent. Les hommes, eux, sont assemblés sur la place publique (agora). Là s’élève un conflit, suscité par un meurtre, et, pour le prix du sang, deux hommes se querellent : l’un prétend avoir payé toute sa dette et le déclare au peuple, l’autre nie avoir rien reçu. Tous les deux, pour en finir, réclament un arbitrage. La foule pousse des cris opposés, chacun prenant parti pour l’un ou pour l’autre. Des hérauts la contiennent. Les anciens vont s’asseoir dans un cercle sacré, sur des pierres polies. Ils reçoivent des hérauts à la voix claire le sceptre, et chacun, à tour de rôle, pour donner son avis, se lève, sceptre en main. Sur le sol, au milieu d’eux, ont été déposés deux talents d’or : ils iront à celui qui, d’eux tous, aura exprimé la sentence la plus juste.
Autour de l’autre ville, on distingue deux troupes dont les armes resplendissent. Les assaillants hésitent entre deux partis : ravager la ville convoitée ou se partager les richesses qu’elle contient. Mais les assiégés, eux, loin de céder, s’arment en secret pour tendre une embuscade.
Tandis que leurs enfants, leurs femmes et tous ceux que retient la vieillesse se tiennent debout sur les remparts, ils sortent, en compagnie d’Arès et de Pallas Athéna, qui sont en or tous les deux et vêtus d’habits d’or. Armés, grands et beaux, comme il convient à des divinités, ils tranchent nettement sur tout leur entourage : les hommes, à côté d’eux, sont de taille plus petite. Arrivés à l’endroit choisi pour l’embuscade, près d’un fleuve où tous les troupeaux viennent boire, ces hommes, revêtus du bronze étincelant, se mettent à couvert et placent, à l’écart de leur troupe, deux guetteurs qui verront arriver les moutons et les bœufs aux cornes recourbées. Voici les animaux, suivis de deux bergers, qui font sonner gaiement des airs sur leur pipeau, sans se douter du piège. Dès qu’on les voit, on bondit, on coupe vite la route au beau troupeau de bœufs et de blanches brebis, et on égorge les bergers.
Mais, chez les assaillants, les éclaireurs postés en avant du Conseil ont entendu le grand vacarme autour des bœufs. Alors, sans perdre un instant, ils montent tous sur leurs chars aux fringants attelages.
Ils arrivent bientôt sur les bords du fleuve et ils engagent la lutte. Les javelots de bronze volent dans les deux sens. Au sein de la bataille on voit Eris (“Conflit”), Kudoimos (“Tumulte”), et Kèr (le “Sort fatal”) qui se saisit d’un combattant blessé mais encore vivant, ou d’un autre qui n’est pas encore blessé, ou d’un autre qui est déjà mort, et les traîne par les pieds à travers la bataille, son vêtement rouge de sang humain. Ces divinités prennent part au combat, semblables à de vrais mortels, et elles traînent les cadavres de leurs victimes.
Puis Héphaïstos représente un vaste champ au sol meuble, gras, trois fois retourné. De nombreux laboureurs, dans un sens puis dans l’autre, poussent leurs attelages. Quand ils font demi-tour après avoir atteint la limite du champ, un homme vient vers eux et il met dans leurs mains une coupe de vin à la douceur du miel. Puis on les voit bientôt reprendre leur sillon : ils veulent terminer à tout prix leur labour profond. Derrière leurs pas, la terre noircit, comme dans un vrai champ qu’on laboure, bien qu’il soit tout en or. C’est d’un art merveilleux !
Il y figure encore un domaine royal. Des ouvriers font la moisson, tenant en main des faucilles tranchantes : ils couchent les épis en ligne, par poignées. D’autres sont occupés à lier ces javelles : ce sont trois botteleurs. Derrière eux, des enfants ramassent les javelles, les portent dans leurs bras et les passent sans fin. Au beau milieu, debout sur un sillon, le roi, silencieux, son sceptre en main, est là, le cœur en joie, tandis que ses hérauts, sous un chêne, à l’écart, apprêtent un gros bœuf qu’ils ont sacrifié. Et les femmes, pour le repas des ouvriers, n’épargnent pas la blanche farine.
Ensuite il cisèle un beau vignoble, tout en or, chargé de lourdes grappes ; de noirs raisins y pendent ; des échalas d’argent les étayent partout. Il trace tout autour, en smalt, un fossé, puis met une clôture, en étain, tout du long. À la vigne conduit un unique sentier, que suivent les porteurs au moment des vendanges. Des filles, des garçons, jeunes gens au cœur tendre, dans des paniers tressés emportent le fruit à la douceur du miel. Un enfant, parmi eux, tire des sons plaisants d’une claire cithare, en chantant d’une voix fine une belle chanson ; et les autres, en suivant le rythme, frappent le sol tous ensemble, de leurs pieds bondissants, au milieu des chansons et des cris.
Puis il fait un troupeau de bœufs aux cornes hautes. Ces bœufs, d’or et d’étain, meuglant, quittent l’étable et vont au pâturage. Ils avancent le long d’un fleuve bruissant et de souples roseaux. Quatre bouviers, en or, sont alignés à leurs côtés, et, derrière, neuf chiens aux pieds vifs les suivent. Mais voilà que deux lions effroyables se saisissent d’un taureau qui mugit, en tête de troupeau. Il meugle sans arrêt tandis qu’ils l’entraînent. Les hommes et les chiens bondissent sur leurs traces. Mais déjà les lions, qui ont déchiqueté la peau du grand taureau, dévorent ses entrailles et lapent son sang noir. Et c’est en vain que les bergers les pourchassent, excitant leurs chiens rapides, qui n’osent pas les mordre et, arrêtés près d’eux, aboient, en se gardant d’approcher.
Puis l’illustre Boiteux cisèle un grand pacage, au sein d’un beau vallon, avec des brebis toutes blanches, des huttes bien couvertes, des étables et des parcs.
Il représente ensuite avec art une place de danse (khoros), pareille à celle qu’autrefois, dans la vaste Cnossos, Dédale avait faite pour Ariane aux belles tresses. Là dansent des garçons et des filles très recherchées, en se tenant la main au-dessus du poignet. De fins tissus habillent les danseuses ; les danseurs sont revêtus de belles tuniques, que l’huile fait briller d’un grand éclat. Les filles ont au front de splendides couronnes, tandis que les garçons portent des poignards en or, avec des baudriers d’argent. Tantôt, pleins d’aisance, à pas savants, ils tournoient tous ensemble, comme un tour de potier que l’artisan, assis, et l’ayant bien en main, essaye et met en marche, et tantôt, sur deux rangs, ils courent les uns vers les autres. Autour du chœur charmant, une foule nombreuse, en liesse, fait cercle. On voit aussi virevolter, au milieu d’eux, deux virtuoses.
Enfin, à l’extrême bord du bouclier solide, Héphaïstos représente le grand et puissant fleuve Océanos » (Iliade. XVIII, 481-608).
Homère suit un plan qui manifeste le goût de l’ordre. Il commence et termine sa description du bouclier par ce qui circonscrit le monde : la voûte céleste, elle-même entourée par un fleuve mythique, Océanos. Le monde est fini. La pensée grecque est une pensée des limites. On ne peut avoir de prise, même intellectuelle, que sur ce qui est déterminé, enserré dans des « termes », des bornes.
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J'étais dans mon bureau, au Centre culturel français de Varsovie, quand le téléphone a sonné. L'ambassadeur voulait me voir le plus tôt possible.
«Immédiatement ?
- Oui, immédiatement», m'a dit sa secrétaire.
J'étais surpris. Et inquiet. Sans doute allait-il me demander de renoncer au film que je préparais. Les autorités polonaises, autrement dit le parti, avaient dû intervenir auprès de lui. Ce film, mi-fiction mi-documentaire, voulait montrer la vie quotidienne à Varsovie, avec ses difficultés multiples, d'un étudiant français bénéficiaire d'une bourse polonaise. J'aurais porté par ce biais, sans que ce soit explicite, un regard critique sur le régime.
Quand je suis entré dans son bureau, l'ambassadeur, Arnauld Wapler, que j'appréciais beaucoup, m'a dit, sans préliminaires : «Nous venons de recevoir un télégramme du Département. Vous êtes nommé conseiller culturel à l'ambassade de France à Tel-Aviv.» J'ai été assommé.
«Mais, monsieur l'ambassadeur, je n'ai rien demandé ! Quand j'ai fait le tour des bureaux, au début de mes vacances, tout le monde m'a dit : "Vous faites du bon travail en Pologne. Continuez !" Et nous ne sommes qu'en octobre. Je ne peux pas accepter.
- Vous ne pouvez pas refuser. On vous offre un poste plus important que le vôtre. C'est une marque de confiance. Ici, vous dirigez un centre culturel seulement, à Tel-Aviv vous dirigerez le service culturel de l'ambassade et vous aurez autorité sur toute la mission culturelle.
- Mais je ne veux pas être diplomate, je préfère travailler sur le terrain, dans un centre, pour organiser des manifestations.
- Vous pourrez le faire. Vous serez en même temps le directeur de l'Institut français de Tel-Aviv, l'un des plus grands que nous ayons. Vous disposerez de plus de moyens qu'à Varsovie.
- Mais pourquoi moi ?
- Parce que vous avez prouvé votre aptitude à réussir des opérations en milieu difficile. Ce que nous n'avons pas manqué, le conseiller culturel et moi, de mettre en valeur. Le bien que nous avons dit de vous se retourne contre nous ! On nous prive de vous prématurément.
- Mais Israël n'est pas un pays difficile, ce n'est pas l'équivalent d'un satellite de l'Union soviétique !
- Détrompez-vous. Depuis la guerre des Six Jours, l'an dernier, et le renversement des alliances effectué par le général de Gaulle, les relations politiques, militaires ou économiques entre les Israéliens et nous sont gelées. Il n'y a que le domaine des relations culturelles et scientifiques qui est préservé, d'un commun accord, pour ménager l'avenir.
- Et ce poste est à pourvoir quand ?
- Tout de suite.
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