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Citation de chriskorchi


» Avant tout.

Ouvrez ce livre. Ouvrez ce livre, monsieur. Regardez dehors au travers des persiennes. Faites marcher votre petit coeur.
Assurez-vous que personne, aucun être transi de froid, ne rôde devant votre porte à la recherche d’un lit, d’un toit, d’une parole de réconfort.
Sinon, en route ! Ouvrez votre fenêtre. Installez-vous sans tarder. Tournez ! Tournez les pages de mes carnets de moleskine ! Jargonnez les mots que j’emploie. Partagez ma fièvre. Trouvez la cadence.
Le pied levé, même la jambe, hop, je vous attends ! Entamez rock, farandole, galops, roulades, rebondissements, roulements de caisse ! Cognez-vous la tête aux mirages, éblouissements, vertiges, fumées noires ! Cante flamenco ou violons d’Europe centrale, les yeux des danseurs sont noirs, les couteaux s’agitent, le drame est dans la coulisse, les talons frappent le sol.
Vous verrez, sur mes pages, c’est bric, c’est broc, c’est l’odeur de la vie – branle-bas des plus féroces, boucheries toutes rouges, enterrements superbes !
Tournez, tournez les pages du foutu livre ! Ça suffira. Vous y découvrirez le grand bazar. Tous les maléfices, les trucs mistoufles, les folies corde-au-cou qui m’ont emporté comme fétu dans le sombre courant de la vie. Vous apprendrez le tourbillon, la fracasse et la paille humide du cachot. Vous encaisserez les bleus, les bosses, les horions, les insultes, les croûtes que j’ai récoltés.

Vous verrez, vous distinguerez bien assez tôt comme il est glacial, l’horizon ! Envahi de vilains oiseaux noirs prêts à vous enfoncer les yeux d’un coup de bec !

Pourtant, dès mon premier ouf, c’est inouï comme j’avais soif d’aimer les autres. Enfant de la lune et du soleil, j’avais une envie folle de coller mon oreille contre le fût des arbres. D’écouter battre sous l’écorce le suc de la terre. De me mêler à la gaudriole générale. À tout ce raffut de la création. D’orchestrer le cui-cui des oiseaux, d’apprivoiser le savoir des personnes. Pas une minute, je n’imaginais que les gens puissent être aussi arrogants, aussi méchants. O mensi ! comme nous les appelons dans notre parler manouche. Les gens ! Les passants ordinaires, je veux dire. Gadjè ! Des corniauds de tous les jours qui vont, qui viennent et traversent devant nous.
Comme j’étais naïf ! J’ignorais qu’en naissant Tsigane, je serais rabaissé au rang de gueux, de sauvage, de chien errant qui ne connaît ni les lois ni la morale ordinaire. »
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