Puis avant de quitter les lieux, elle entra à nouveau dans la chambre aux portraits. Elle eut l'impression qu'un léger sourire flottait sur les lèvres du grand-père. C'était étrange ! Elle ne l'avait pas remarqué la première fois. Elle y vit le signe de son approbation...Aussitôt elle se morigéna. Elle était en train de devenir folle. Il était temps qu'elle parte.
La belle en larmes
Pleure l'abandon de ses charmes
Dont le volage enjôleur
A cueilli la fleur.
Elle sanglote
Au bord de l'onde qui grelotte
Sous les peupliers tremblants
Pendant que son regard flotte
Et se perd sous les nénuphars blancs
Elle sortit et revint avec un bébé bien plus gros que Paul, qu'elle tendit à Elise. Une grande émotion submergea la jeune fille.
- On dirait mon petit ! Qu'il est mignon ! Quand je pense que j'ai dû l'abandonner !
Elle éclata alors en sanglots.
- Mais c'est pas possible, ce n'est pas une nourrice qu'on nous a envoyée, c'est une fontaine. Allez, garde tes larmes, tu es jeune, belle, la vie te tend les bras. A Paris tu trouveras le bonheur.
Élise écouta, charmée aussi bien par les paroles que par l'air. Cela lui rappelait les marchands de chansons qui venaient sur les foires dans son enfance. Quand il s'arrêta, les applaudissements crépitèrent. Puis les passants s'éloignèrent sous les quolibets du chanteur :
- Ils ont les oreilles plus ouvertes que le porte-monnaie. On dirait qu'ils ont un hérisson dans la poche !
Elise murmura à ses compagnes :
- C'est elle, c'est ma patronne !
Mais elles n'eurent pas le temps de l'observer davantage, elle avait déjà disparu dans l'antre de l'édifice. A ce moment, des garçons d'une quinzaine d'années, coiffés de casquette s'approchèrent et se firent la courte échelle pour atteindre la première fenêtre et tenter de voir ce qui se passait à l'intérieur. Le premier s'écria :
- Oh ! Les gars, tenez-moi, je vais me trouver mal. Si vous saviez ce que j'ai aperçu ! Elles ont des gros nénés les danseuses !
Impatients, les autres demandèrent à voir à leur tour. Un gamin plus petit prit la place et s'exclama :
- Oh ! Elles ont des culottes fendues !
- Vous voyez que c'est un lieu de perdition, déclara la première nourrice, même les gamins y apprennent le vice.
A ce moment, une fenêtre s'ouvrit et un homme apparut, il cria d'un ton irrité :
- Dites donc, voulez-vous déguerpir bande de chenapans, ce n'est pas de votre âge !
Aussitôt, les garçons se sauvèrent en courant et la fenêtre se referma.
Méfie-toi petite ! Tout ce qui brille n'est pas d'or ! Tu ne connais pas les dessous : des vies diluées, des beuveries, des ruptures, il faut garder la tête sur les épaules ! Ces amusements ne sont pas pour nous. D'ailleurs, tu as bien vu que toute la haute société fréquente le Moulin Rouge.
Voyez, nous sommes tous réunis, venant d’horizons si différents, Anita et ses filles d’Espagne, Hans et Adrian d’Allemagne, Lucien de Paris, La Renauchat est devenue la croisée de tous les chemins car nous avons tous au fond du cœur des rêves de liberté, de justice, d’amour que nous défendrons coûte que coûte.
.Redécouvrir des endroits ,quel bonheur,de surprise en surprise, beau roman qui nous donne espoir pour notre campagne Berrichonne.