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Critiques de Jeanne Benameur (1601)
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La patience des traces

Si vous avez besoin de sérénité ce délicat roman agira comme un baume apaisant et réparateur. Il s’agit d’ailleurs dans ce doux récit de réparation celle de Simon un psychanalyste très à l’écoute de ses patients mais trop peu de lui même. Un matin son bol se brise sur le sol et ce banal incident ouvre en lui une brèche. Un déclic s’opère lui faisant prendre conscience d’un besoin viscéral de faire le point. Il quitte tout le temps d’un voyage dans les îles japonaises Yaeyama pour faire « le plein de vide ». Un voyage introspectif qui le changera à jamais. Il troque ses agendas remplis de noms de patients et « l’armée des mots » contre le silence, la contemplation et la méditation. Hebergé dans une maison d’hôtes par un vieux couple, Simon entamera au sein de leur foyer protecteur un voyage spirituel. Madame Itô est collectionneuse de magnifiques tissus anciens, son discret mari travaille dans son atelier de céramiste où il pratique l’art nippon du Kintsugi une technique ancestrale qui consiste à réparer les objets brisés en recouvrant avec de la poudre d’or les jointures laissant ainsi les cicatrices apparentes. L’imperfection est sublimée. Les lignes de faille sont transformées en lignes de force et l’analogie ici avec les blessures intimes est finement traitée. «On est heureux de redonner vie à ce qui était voué à l’anéantissement. On marque l’empreinte de la brisure. On la montre. C’est la nouvelle vie qui commence. »Une relation complice et profonde naîtra entre eux. Il comprend alors petit à petit d’où vient son mal être.

Lire Jeanne Benameur et suivre ses personnages c’est faire un voyage poétique dans un monde intemporel et minimaliste, pénétrer dans un havre de paix propice au recueillement, c’est être à l’écoute de son propre silence, de son intériorité, de ses blessures non cicatrisées, réunifier corps, coeur et esprit mais c’est aussi devenir attentif à chaque bruissement de vie, se ressourcer en pleine nature dans un état de demi sommeil, c’est enfin trouver l’élan, le souffle vital qui mène à la liberté intérieure, à la paix de l’âme. Un voyage que je ne peux que conseiller.
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La patience des traces

Lorsque Simon Lhumain laisse tomber le bol de faïence bleue dans lequel il boit son café chaque matin, quelque chose se brise également en lui. Psychanalyste attentif, il a passé sa vie à réparer les autres, mais en voyant le bol de son ami d’enfance en deux morceaux sur le sol de sa cuisine, il réalise qu’il a oublié de s’écouter lui-même. Lui qui n’a jamais voyagé, décide alors de tout quitter pour se rendre dans les îles japonaises de Yaeyama où, accueilli par madame Itô et son mari Daisuke, il va prendre le temps de nettoyer les traces laissées par le temps au plus profond de son être…



Ah, Jeanne Benameur ! Quand le monde part en sucette, que l’on se retrouve à l’aube d’une troisième guerre mondiale, la rétine saturée d’images horribles, à l’instar du héros de ce roman, il est bon de pouvoir aller se réfugier dans un havre de paix, au cœur des mots déposés avec délicatesse par Jeanne Benameur. Enfin au calme, me laissant bercer par la poésie de ses phrases et prenant le temps de me concentrer sur les silences qu’elle installe avec patience, je me libère du bruit environnant, totalement zen. Merci Jeanne, j’en avais besoin !



Jeanne Benameur c’est une plume délicate, douce, élégante et poétique qui invite à suivre la psychanalyse d’un homme qui prend enfin le temps de renaître dans un pays de traditions qui s’y prête parfaitement. C’est avec plaisir que l’on s’installe en compagnie de madame Itô, qui collectionne les tissus anciens, et de son mari spécialiste de l'art du Kintsugi, qui consiste à réparer les céramiques brisées, non pas en masquant les fêlures, mais en les embellissant au moyen de laque saupoudrée de poudre d'or. C’est donc réparé et plus beau que l’on ressort de ce roman de Jeanne Benameur…



Vous aussi, prenez une pause, laissez Jeanne Benameur allonger le temps, déposer sa prose au ralenti, offrir ce magnifique moment de respiration, tout en vous invitant à partir à la recherche de vous-même…
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Ceux qui partent

Un jour et une nuit à Ellis Island en 1910 : le temps pour les migrants juste débarqués de passer les contrôles, d'être acceptés ou rejetés. Pendant ce moment de flottement suspendu entre le monde d'avant et le monde d'après, plusieurs destins se croisent : Esther, l'Arménienne stigmatisée par le massacre des siens ; Gabor le gitan, qui fuit avec son clan la persécution en Europe ; Emilia et son père Donato, Italiens aisés qui ont choisi l'exil pour survivre à un deuil ; Andrew le photographe, Américain de la seconde génération à la recherche de ses racines ; Hazel la prostituée qui prépare obstinément son changement d'existence…





Tous ont en commun de se situer sur la brèche d'un nouveau départ, de trouver le courage de rompre avec le passé pour prendre leur destin en main et pour préserver ou redonner un sens à leur bien le plus précieux : la vie.





L'auteur a elle-même connu les affres de l'exil, son déchirement et son formidable espoir, autant d'émotions qu'elle restitue au fil d'une écriture sensible et poétique, toute en finesse et en profondeur, où chaque terme est soigneusement choisi, chaque questionnement intensément réfléchi. L'expression se fait passionnée, et se retrouve exaltée bien au-delà des mots, de manière très charnelle au travers de la passion amoureuse, ou de façon artistique par le biais de la photographie, de la peinture et de la musique.





Vibrant hommage à ceux qui partent, ou qui ont la force d'affronter les risques du changement et de la liberté pour vivre pleinement leur vie, quitte à tout perdre pour mieux se retrouver, ce roman d'une beauté indéniable est aussi d'une actualité brûlante : il nous rappelle les valeurs fondamentales qui font notre humanité, et que les préoccupations matérielles et le souci de sécurité nous font souvent perdre de vue.





Pourtant, ces qualités n'ont pas suffi à me séduire totalement : il ne se passe factuellement pas grand-chose dans ce récit avant tout introspectif, centré sur les combats intérieurs des protagonistes. Le poids de la réflexion a fini chez moi par nuire à la puissance de l'histoire, par ailleurs contrecarrée par un certain trop-plein d'exaltation autant intellectuelle que charnelle.





Ceux qui partent m'ont finalement plus ou moins laissée à quai, presque aussi déchirée qu'eux : avec l'envie d'aimer ce livre admirable de grande facture, mais que j'ai trouvé par moments un peu ennuyeux.


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Les Demeurées

La Varienne est une demeurée, une abrutie, se plaisent à dire les habitants du village. Habitant seule dans une maison isolée, de tout et de tous, elle s'est enfermée dans un profond silence, n'ayant que pour seule compagnie sa fille, Luce, son trésor le plus précieux. Elles ont construit leur vie en mode autarcie, ne se déplaçant guère et ne parlant à personne. Elles s'aiment très fort malgré le silence qui les entoure, ne se parlant même pas entre elles. Elles mènent une vie figée et laissent aux autres l'adage selon lequel les demeurés font des demeurés, car Luce ne sait ni lire ni écrire.

Leur quotidien va se trouver bouleversé le jour où Mademoiselle Solange, l'institutrice du village, va vouloir scolariser la petite Luce. La Varienne n'a d'autre choix que de laisser l'enfant partir vers l'inconnu et leur cocon familial va se briser. Car, c'est toute la vie des ces deux femmes qui va changer. Passionnée par son métier, Mademoiselle Solange va tenter d'enseigner la lecture et l'écriture à Luce. Mais, la petite fille est-elle réellement prête à s'ouvrir aux autres ? le travail acharné de l'institutrice va-t-il porter ses fruits ? Et à quel prix ?



Tombée un peu par hasard sur ce livre dont seule l'auteure ne m'était pas inconnue, j'ai été charmée par La Varienne et la petite Luce. Deux êtres inséparables, presque fusionnels, que Solange tentera d'ouvrir au monde. Un récit ramassé dont la profondeur n'a d'égal que l'humanité qui s'en dégage. C'est réellement une histoire poignante et bouleversante que nous raconte Jeanne Benameur. Toute l'intensité de ce roman se retrouve dans les non-dits et le silence qui entoure les deux femmes.

L'auteur pose un regard sur les limites de l'enseignement et la passion dévorante de certains professeurs pour leur métier, leur soif de faire partager leur savoir.

Un roman empli d'émotion, de sensibilité, d'amour et d'humanité.





Les Demeurées … ou la voix du silence..
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L'enfant qui

Cela fait déjà plusieurs années que je suis tombée

en « Benamour », sans détour, en lisant pour la première fois « Les demeurées ». Ce style particulier m'avait plu tout de suite, et par la suite, j'ai lu d'autres de ses oeuvres, même certaines pour la jeunesse... sans jamais vraiment retrouver ce qui avait créé mon coup de coeur. Des mots qui vous saisissent, crochets brûlants, ou brefs et tranchants comme des couperets. Ou encore de longues phrases poétiques et qui enchantent, et vous embarquent, ici, dans la forêt souvent, ou au bord de l'eau.

Une alternance de rythmes ; des respirations et des soupirs, des sourires et des souffrances. On ne peut pas s'endormir en la lisant, on peut juste arrêter de respirer en attendant la suite mot après mot.

J'ai attendu, et j'ai été happée, totalement envoutée. J'ai relu certains passages, pour mieux m'imprégner de leur beauté.

Je ne m'attendais pas à une lecture en miroir, car je saisis ses livres les yeux fermés, j'ai confiance, même si parfois j'ai pu être un peu déçue. Je ne savais pas la douleur d'une grand-mère, je pensais juste à celle de l'enfant qui…



L'enfant qui… je suis dans sa tête, dans ses pensées. Son chien mystère remue la queue près de moi, la truffe au vent, la mère n'est plus, mais son ombre plane. Bohémienne qui peut enfin voyager. Et le père ? Ah ! le père, perdu et éperdu…



Je vais le rendre à la médiathèque et courir l'acheter direct !
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Les Demeurées

Entre elles, pas de mots, les gestes du quotidien suffisent à combler leurs besoins et dire leur attachement.

Elles sont mère et fille.

Elles s'appellent La Varienne et Luce, au village on les dit demeurées.

L'institutrice a décidé que Luce devait apprendre.

La petite fille quitte tous les jours sa maison pour l'école. Mais malgré les efforts de la maîtresse, elle transporte son silence dans la classe et n'apprend pas.

Comme on ne fait pas le bien des gens malgré eux, en voulant changer Luce, l'institutrice engendre déséquilibre et malheur.

La différence n’exclut pas l’amour, il est préférable d’accepter l’autre tel qu’il est, ne pas chercher à réformer ce qui ne peut l’être, c’est ce que nous suggère cette très belle œuvre poétique et émouvante, un message essentiel sur la reconnaissance de l’autre dans sa diversité.

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Profanes

«Ils sont là, derrière la porte. Il ne faut pas que je rate mon entrée.

Maintenant que je les ai trouvés, tous les quatre, que je les ai rassemblés, il va falloir que je les réunisse. Réunir, ce n’est pas juste faire asseoir des gens dans la même pièce, un jour. C’est plus subtil. Il faut qu’entre eux se tisse quelque chose de fort.

Autour de moi, mais en dehors de moi.» p 9



A 90 ans, Octave Lassalle veut retrouver autour de lui une équipe comme lorsqu’il exerçait son métier de chirurgien sauf que là, il engage les dernières années qui lui reste et ce qu’il ne sait pas mais devine il engage aussi la vie des 4 accompagnateurs qu’il se choisit, trois femmes et un homme, qui vont unir à la sienne leur fêlure. C’est la friction douce des uns et des autres qui va les faire s’ouvrir. Ils n’oublieront pas les douleurs passées qui les avaient fait se recroqueviller dans leurs coquilles pour n’avoir plus à supporter d’autres blessures mais ils vont progressivement rendre vie à ce passé, le laisser regagner la surface et par là même redonner saveurs et couleurs à leur présent.

Tout ce beau livre est tissé de frémissements doux, de gestes délicats qui, dans une insaisissable alchimie, enveloppent, guérissent permettant à l’élan vital de reprendre force pour oser risquer de nouveau avec «Dans leurs regards la gravité de ceux qui ont appris que l’amour ne protège de rien. Qu’il sert juste à prendre tous les risques. Et qu’on est toujours aussi vulnérable.» p 154

Une belle réussite que ce livre plein d’émotion qui nous dit d’avoir foi en l’homme, de ne pas s’enfermer en soi ou dans des dogmes.

Je termine par cette belle citation dont je pense qu’elle traduit bien ce que tente et réussit Jeanne Benameur dans chacun de ses livres et en particulier dans celui-là,

«Ma façon d’aimer c’est travailler à perfectionner cet outil que je suis, qui capte tout et tente de partager avec les autres l’émotion du monde qui est la mienne.» p 189
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Profanes

Comment parler d’une lecture d’une telle profondeur. Ce livre ne se raconte pas il faut aller à sa rencontre, à la rencontre d’une auteure et de ses cinq personnages qui vous hantent même après avoir tourné la dernière page. Pourquoi ? Parce que l’écriture, la poésie, l’intensité, l’émotion des mots vous percutent, vous envahissent et se gravent à tout jamais en vous.



C’est mon coup de cœur 2013.



J’ai reçu ce livre par surprise et j’avais ordre de le lire en prenant mon temps pour en déguster toute la saveur. Quel vertige que ce rendez-vous nocturne juste avant de m’endormir ! Ce livre se lit dans la plénitude du soir, pour en saisir chaque bruit, l’odeur, l’intimité, l’espace, la vibration, la douleur, les sentiments, tout s’intensifie dans la profondeur de la nuit. J’ai poussé la porte de cette grande maison, et j’ai rencontré Octave, nonagénaire, et face à lui quatre personnages, tous athées, en lutte pour la vie, aux caractères bien distinct qu’il a choisi méticuleusement pour un étrange contrat. Je me suis immiscée dans leur vie et chacun d’eux, comme un kaléidoscope que l’on tourne pour en saisir les images, m’ont imprégné de leur histoire.



« Un profane aussi a le droit au doute. Le doute n'est pas réservé aux croyants... J'ai besoin de frotter mon âme à d'autres âmes aussi imparfaites et trébuchantes que la mienne. Je ne cherche à être sûr de rien mais je veux trouver la forme juste de mon doute.»



Des personnages envoutants et troublants qui ne vous quittent plus. Des écorchés que la vie n’a pas épargnés, un peu comme vous, un peu comme moi. Quatre profanes qui vont recevoir et donner. Mais qui prend ? Qui donne ? Marc et sa mémoire qui le consume : LE FEU. Hélène artiste et légère : L’AIR. Yolande la force tranquille : L’EAU et la dernière, celle qui m’a le plus émue, à qui je ressemble le plus, Béatrice un cœur aride si fragile : LA TERRE. Ces quatre éléments naturels de la vie seront portés par la confiance du cinquième élément : OCTAVE.



« J’active le souffle de ma vie. Par leurs quatre souffles.»



Octave sera touché au plus profond de son Être par chacun d’entre eux et lui, bouleversera leur existence à jamais. Chacun son tour, ils éveilleront, révéleront, des sentiments fragmentés depuis tant d’années.



Ce livre raconte le sacré, l’ombre d’un tableau, l’incandescence des corps, les années dévorées, les souvenirs enterrés, les liens invisibles qui se tissent, les gestes répétés sans rien en savoir, l’instinct archaïque qui dresse les sexes malgré la mort malgré le vide, la chair meurtrie, le refuge des maux, la décence et le respect, la prise de conscience, la folie qui sommeille en nous, la possession qui empoisonne et le pouvoir de LA VIE.



Ce livre est un pèlerinage vers soi, alors n’hésitez plus, poussez la porte de ce temple, rentrez sans faire de bruit et allez à la rencontre de ces profanes.



« La peur du désastre fait partie de l’aventure. On peut sauver ou ruiner toute une vie quand on prend le risque ».


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La patience des traces

Depuis des mois, Simon Lhomme, psychanalyste, ne prend plus de nouveaux patients et pour ceux avec lesquels il n'est pas arrivé au terme, il leur conseille un confrère. Mais ce matin-là, le bol dans lequel il boit son café et auquel il tient tant, se brise. Alors son départ va s'accélérer. Il demande conseil à son ami, Hervé, habitué aux voyages lointains. Avant de s'envoler pour les îles Yaeyama, il s'imprègne de l'odeur de la ville de son enfance, de son port, de ses ruelles. Si loin de chez lui, dans cette maison d'hôtes tenue par un couple d'artistes, elle, collectionneuse de vêtements anciens, lui, céramiste, il replonge souvent dans ses souvenirs habités de Louise et Mathieu, ses amis d'enfance, et Mathilde, une jeune consœur rencontrée récemment...



Simon Lhomme, de par sa profession, a appris à écouter et saisir le sens des mots, attentif aux paroles de ses patients, allant jusqu'à consigner dans des agendas des heures et des heures de sa vie. Allant jusqu'à oublier ses propres mots/maux... Son voyage au cœur des îles tropicales de Yaeyama, pays de tradition, sera l'occasion pour lui de faire face à son passé et son histoire, l'île étant propice au recueillement. Sa rencontre avec ses hôtes, notamment le mari qui pratique le kintsugi, sera déterminante. Jeanne Benameur nous offre un roman tout en délicatesse et poésie. À l'aide de phrases courtes évocatrices et immersives, elle dépeint, tout en finesse, le cheminement de Simon Lhomme, ses amitiés, faites parfois de silences et de gestes, avec le couple japonais ainsi que les paysages luxuriants et sereins. Un très beau voyage spirituel en quête de la vérité et d'une paix avec soi-même...

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La patience des traces

Dernier roman de Jeanne Benameur et me voilà de nouveau sous le charme de sa prose.

Cependant, j'ai cette fois été moins sensible à l'histoire en elle-même. Simon ne m'a pas touchée, je n'ai pas été réceptive à sa "retraite" au Japon. Il m'a manqué le pourquoi de ce retrait en ce pays lointain. De ce fait, je n'ai pas réussi à me plonger dans son introspection, ni dans sa découverte des passions de M. et Mme Ito : les tissus anciens et le racommodage des poteries. Un tout petit quelque chose m'a manqué !

Peut-être faudra-t-il que je relise ce roman à un moment plus calme de ma propre vie, ceci afin de l'apprécier à sa plus juste valeur.

Jeanne Benameur reste pour moi une auteure comme je les aime, qui nous transporte dans son univers grâce à la poésie de ses mots.



Merci à Babelio pour cette fois encore cette belle opération Masse Critique qui nous permet toujours de découvrir de beaux romans ; merci aux Editions Actes Sud pour l'envoi de ce livre qui, j'en suis certaine, ravira d'autres lecteurs férus de belle écriture.
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Ceux qui partent

Un passage dans une librairie extraordinaire du vieux Vannes [Morbihan ], "Le Silence de la mer ", où je serais bien restée des heures à fouiner dans leur fonds littéraire, très engagé et personnalisé... si je n'avais eu une visite non reportable !...



J'ai toutefois pris le temps d'acheter le dernier opus de Jeanne Benameur, parmi mes auteures de prédilection... même si j'ai lu plusieurs fictions autour d'Ellis Island, dont l'excellent texte de Gaëlle Josse, "Le Dernier gardien d'Ellis Island "...je me suis lancée !



"Les émigrants ne cherchent pas à conquérir des territoires. Ils cherchent à conquérir le plus profond d'eux-mêmes parce qu'il n'y a pas d'autre façon de continuer à vivre lorsqu'on quitte tout.

Ils dérangeront le monde où ils posent le pied par cette quête même." (p. 326)



Le titre choisi par Jeanne Benameur est d'une simplicité extrême...et le style de cette auteure nous " prend aux tripes" d'emblée !...Sans oublier la couverture sépia, également sobre, exprimant l'essentiel de cette fiction... !





"Il s'est habitué maintenant aux arrivées à Ellis Island. Il sait que la parole est contenue face aux étrangers,que chacun se blottit encore dans sa langue maternelle comme dans le premier vêtement du monde." (p. 12)





En faisant des recherches, je découvre que l'auteure a débuté son oeuvre par l'écriture de poésie, ainsi qu'un texte-poème de Jeanne Benameur, édité récemment par Bruno Doucey, dont le titre est des plus évocateurs "La Géographie de l'absence"... j'apprends ainsi que notre auteure a aussi vécu le drame de l'exil, le chagrin d'être arraché à son pays. Dans ce cas, elle était une petite fille de cinq ans, devant partir de l'Algérie avec sa famille... entre un père algérien et une maman italienne...Alors, elle sait de quoi elle parle, et nous le sentons très fort au fil de ce texte...; on ressent vivement le choix exigeant de chaque mot...!!



"Comme les grands oiseaux qui vont chercher l'asile propice pour faire leur nid, ils sont partis mais les hommes n'ont pas la liberté des ailes. La nature ne les a pas pourvus pour se déplacer au-dessus des mers et des terres. Il leur faut faire confiance à d'autres hommes pour être transportés.

Et pour être accueillis ? "(p. 27)





Dans cet espace "charnière" d'Ellis Island... nous nous prenons de sympathie avec les différents personnages: le jeune photographe, Andrew Johnson, New-Yorkais, père islandais, mère fière de son ascendance qui a appartenu aux premiers pionniers, refusant toutefois de parler de tous ces migrants; Ce fils,complice de sa grand-mère islandaise,qui tente de comprendre le passé de sa famille, en captant un peu de ces visages croisés, de leur destinée; Donato et sa fille Emilia, lui comédien talentueux,

amoureux des textes anciens; Emilia, dessinatrice et peintre...ils partent pour "tourner" la page, atténuer le chagrin de la mort prématurée de la maman; Esther, l'Arménienne...qui a vu mourir les siens; Gabor, gitan violoniste, orphelin, élevé par son grand-père, espérant aussi une nouvelle existence. Tous ces êtres vont se croiser, s'aider même silencieusement; un regard amical, bienveillant... pour s'insuffler du courage dans ce "no man's land" de l'attente, de l'espoir !



Récit au style magnifique, entre prose et poésie !! On pourrait sans doute être parfois gêné par des phrases très "léchées" aux thèmes identiques... comme des sortes d'incantation, mais cela fait partie intégrante de la musique, du rythme du texte...



"La douleur qui n'est pas écrite n'a pas de forme, elle peut envahir tout l'air et on peut en être envahi simplement en respirant." (p. 54)



Chaque personnage possède un moyen,une passion , un talent particulier pour moins souffrir dans ses deuils et ses manques: que cela soit la lecture , le théâtre, la musique, la peinture, et la tendresse des corps [ thème très présent...pour un oubli de tout, nécessaire, vital et en même temps,dans un instinct de Vie, plus fort que tout ...] dans ce moment charnière, où chacun tente de se projeter dans un Avenir...différent... Ces personnages, tous attachants, qui veulent oublier l'angoisse de leur statut angoissant de migrant...entre deux pays... le leur et celui qu'ils ont choisi pour se reconstruire....recommencer !



"Si jamais personne ici ne veut d'eux, de ce qu'ils sont vraiment, comment vont-ils vivre ? Dans quel regard vont-ils trouver le respect qui donne la force de vivre ?" (p. 147)



Une lecture très forte, exceptionnelle en émotions et questionnements "universels"... qui ne peut que nous interpeller au plus profond de nous mêmes....Je prolongerai cette lecture avec "La géographie de l'absence" , texte que j'ai commandé aussitôt, qui parle aussi d'exil, et de déracinement...
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Les Demeurées

Ce roman est bouleversant à tous points de vue. On voit évoluer Luce et sa mère, dans un univers à part, où tout est vécu à un rythme particulier comme au ralenti. Au début, on a l’impression que la Varienne est dure, car elle n’exprime pas sa tendresse, son amour pour sa fille par des mots. Ici, tout est en nuance, la communication est presque tactile, et on en ressent la force dans l’écriture de Jeanne Benameur. L’essentiel est dit, vécu, c’est palpable pour le lecteur. Il y a une sorte d’osmose entre elles.



On commence à le sentir lors du premier jour d’école, la première séparation de ce couple mère-fille qui va se trouver modifié par ce changement important.



Il y a aussi les autres : les autres enfants, les autres adultes, qui pensent que si la mère est « demeurée », la fille l’est forcément. Mais la mère, elle, sait que sa fille a cette lumière dans l’œil, qu’elle-même n’a pas, que l’intelligence est là, la curiosité. Mas comment transmettre ce que l’on ignore, parler quand on ne sait pas, quand le ressenti est tellement plus fort que les mots.



En voulant transmettre à tout prix, l’institutrice, Mademoiselle Yolande va rompre un équilibre et la petite fille tombera malade. La mère et la fille se nourrissent l’une de l’autre, chacune ressent dans sa chair, ce qui tourmente l’autre. Peu à peu, Luce va trouver elle-même le chemin, et de façon magistrale.



Jeanne Benameur nous fait un récit flamboyant, tout en nuance, ciselé, elle joue avec les mots, comme d’un instrument de musique, et nous fait explorer tout ce que l’on peut associer au mot « demeurée », attardée mentale, mais aussi demeurer dans l’instant présent, où demeure-t-on ?



Son écriture enchante, tant elle est belle, tant les mots sont précis, forts, tant elle fait irradier l’amour dans une situation difficile. Elle parle une langue nouvelle, remaniée et pousse la réflexion vers ce qu’est l’intelligence, et où sont les limites de l’apprentissage pour la développer, pour aller vers l’intelligence du cœur. Chaque mot est important. Du travail d’orfèvre. J’aime les auteurs qui manient ainsi la langue, qui se la réapproprie presque. J’ai eu envie de recopier des phrases entières, (et presque tout le livre…)



C’est un récit court, à peine 84 pages, mais d’une telle intensité que j’en suis restée figée, ébahie, et avec une sensation de plénitude, comme si l’on avait mise sous perfusion, chaque mot fait son chemin … un titre vient à l’esprit tandis que j’écris : « Les nourritures terrestres » de Gide. Jeanne Benameur m’a nourrie affectivement, littérairement aussi.



C’est le deuxième roman de Jeanne Benameur que je lis (je l’ai découverte avec « Profanes » qui a également laissé une empreinte particulière en moi). Et c’est un nouveau coup de foudre. Je vais suivre cette auteure de très près et essayer de lire tous ses textes. J’ai hâte de retrouver sa petite musique. Et bien entendu: coup de coeur.



Note : 9,5/10
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Les Demeurées

Je viens de refermer ce petit livre( 84 pages) bouleversant.

L'auteur,à l'aide d'une écriture poétique, chaque mot est ciselé,on a envie de transcrire la moitié de l'ouvrage tellement l'art de l'écriture est poussé à son paroxysme.





La Varienne: une femme dite (simple ), engrossée par un homme ivre,employée chez des riches voisins a eu une petite fille: Luce.

Elles vivent soudées, dans leur petite maison,à l'écart,.

La Varienne s'occupe de sa fille à sa manière ,aimante mais fort silencieuse.

Elles s'aiment,Elles se suffisent.

Mais vient le temps de l'école.

L'institutrice ,bonne et animée de passion pédagogique va tout tenter pour intéresser la petite fille à l'écriture et à la lecture.

Elle va se heurter à un mur lorsqu'il s'agira d'apprendre à lire à Luce.

Celle- ci refusera de revenir à l'école ,elle tombera malade......

Mademoiselle Solange ne le supporte pas, se noie dans la dépression, jusqu'à sa mort ( accidentelle).

Ce petit récit est d'une grande intensité émotionnelle ,d'une beauté inestimable,d'une intelligence rare....

Je l'ai lu d'une traite,( connu grâce à Babelio).

Il y a longtemps que je n'avais ressenti une telle émotion.

Les phrases sont courtes, enlevées,poétiques,comme une caresse.

Ce livre est sublime!Vive la lecture qui procure de telles joies!!!!!

Lisez - le.

Je n'ai pas trouvé de mots assez forts pour le décrire.







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Les mains libres

Telle une musicienne des mots, Jeanne Benameur compose un roman tout en poésie comme à son habitude. Elle décrit avec sensibilité et finesse la rencontre entre une femme âgée tellement seule et un nomade pelotonné au coin d’un feu de camp.

C’est une histoire sans histoire.

Dans les dédales de la solitude.

Les mots se taisent.

Les mains racontent.

C’est un enchevêtrement de photos qui décomposent le mouvement des mains pour apporter de la substance à l’instant.

C’est une cavité d’où s’infiltre un peu d’espoir, un peu de tendresse. Parce que nos deux vagabonds regardent le rien, le peu, ils emprisonnent les images du hasard pour en faire des pensées douces.

Et puis, toujours, des mains libres, des mains ouvertes pour recevoir, tenir, accompagner...
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La patience des traces

Lorsqu’il casse le bol qui le reliait à d’anciens souvenirs, Simon, psychanalyste qui a passé sa vie à écouter les autres, prend conscience qu’il a lui aussi des choses à régler avec lui-même. Pour prendre du champ avec son quotidien, il entreprend un voyage au Japon, où quelques rencontres autour du Kintsugi – art de réparer les porcelaines et les céramiques en sublimant leurs cassures par une jointure en or, devenu une métaphore de la résilience sous-tendant toute une philosophie de vie -, favorisent son cheminement introspectif personnel.





Le talent de Jeanne Benameur est indéniable. C’est une plume magnifique d’élégance, de finesse et de poésie qui vient sublimer l’intelligence et la profondeur d’une réflexion qu’elle mène de livre en livre, dans une quête que l’on sent aussi essentielle pour elle que pour ses personnages. Dans son précédent roman, Ceux qui partent, elle célébrait la force et la liberté du nouveau départ, l’élan qui vous fait tout quitter pour l’aventure de l’exil et pour l’espoir de rebond. Elle y revient d’une autre façon dans ce nouvel ouvrage, qui métaphoriquement s’émerveille du « magnifique saut de la raie Manta », cet « élan qui fait prendre le risque de quitter son eau ». Cette fois, elle fait de ces impulsions qui nous poussent au-delà de notre zone de confort, toujours plus loin dans la connaissance de nous-mêmes et des autres, des tentatives d’atteindre ce qu’elle appelle « des moments d’âme », fugaces sensations d’harmonie « quand tout de notre être s’unifie pour pouvoir se mêler enfin à tout ce qui n’est pas nous » : une finalité qui ne semble quelque part pas si étrangère à celle des approches du Zen ou du Tao.





C’est en tout cas au Japon que Simon, après avoir épuisé les ressources de la psychanalyse, va chercher la réparation de ses fêlures et la réconciliation avec lui-même et son entourage, passé et présent. Dans le petit paradis subtropical des îles Yaeyama, archipel japonais semé dans de splendides eaux turquoise, il découvre la collection de tissus ancestraux de son hôtesse Itô Akiko ; l’art Kintsugi de son mari céramiste Daisuke ; la tradition purificatrice du Onsen, ces bains dans des sources d’eau chaude volcanique ; enfin les antiques techniques de fabrication et de teinture des tissus à base de fibre de bananier que s’arrache la haute couture du monde entier. Patience et longueur de temps produisent leurs effets : dans le silence et la proximité discrète et bienveillante de ses très sages hôtes, Simon apprend à faire la paix avec lui-même et avec son passé, et s’apprête plus sereinement à un nouvel avenir.





Et c’est là que le bât blesse et qu’emporté par ce texte si merveilleusement écrit, l’on se s’en retrouve que plus déçu de la vague sensation de creux ressenti à propos de l’histoire de Simon. Tandis que l’on se laisse charmer par le sens général du propos, par son splendide hommage au métier de psychanalyste, par la découverte de très belles pratiques japonaises aux prolongations aussi poétiques que philosophiques, enfin par le si délicat et attachant couple Itô, se renforce aussi, à mesure que le passé de Simon se dévoile, le sentiment un peu dérouté de ne pas parvenir à comprendre totalement l’impact à retardement de cette vieille histoire plutôt tordue et montée en épingle, et encore moins la miraculeuse rapidité avec laquelle tout cela se résout au Japon, dans une tonalité bien trop feel good. N’est-il pas bien chanceux, cet occidental auquel se révèlent du premier coup, et par hasard, certains aspects les plus confidentiels de la culture nippone, au point de le transformer en quelques jours ?





Cette deuxième rencontre avec les livres de Jeanne Benameur me laisse donc encore, à contrecoeur, sur une impression mitigée. Si la plume est un régal d’intelligence, de poésie et de délicatesse, et si la réflexion, illustrée d’images magnifiques, ne manque pas d’intérêt, le lecteur peine à prendre son envol dans une histoire curieusement un peu trop « simpliste » pour la hauteur de son propos.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Les Demeurées

Demeurées dans le silence.

Demeurées dans l’autisme d’une bulle.

Demeurées dans l’ignorance.

Demeurées dans les regards pointés.

Demeurées sans rien.

Une institutrice, des mots, un prénom sur le tableau noir: Luce.

Une mère, la peur au ventre, le monde s’ouvre sur sa fille et reste fermé pour elle: La Valeriene.

La peur s’infiltre dans la bulle.

Mère et fille ensemble et contre tous, fermées, renfermées, enfermées.



L’ignorance contamine et emprisonne.

La mère, la fille, l'institutrice.

Un fil, une aiguille. Créer, broder les mots que la petite a attrapée au vol. Réveiller l'institutrice. Réveiller la bulle. Sortir, s’ouvrir, apprendre.



Les demeurées, ça parle de la demeure des ignorants. D’une demeure fissurée où s’infiltrent l’espoir, l’amour, le savoir.



Incisif, saisissant, silencieux, lumineux.
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Otages Intimes

En sortant du travail, une échappée impromptue dans une librairie de Clamart, "Mémoire17", pour me ressourcer et m'échapper du quotidien...J'ai plus que bien fait, apercevant en pile, sur la table des nouveautés, le dernier

roman de Jeanne Benameur "Otages intimes", dans le format si reconnaissable des éditions Actes Sud....



L'émotion intense... toujours au rendez-vous; découvrir les mots, les sujets toujours prenants de Jeanne Benameur...Un membre de l'équipe-Librairie avait , en sus, adjoint un commentaire de lecture personnalisé et enthousiaste...



Une écrivaine dont j'ai abordé tardivement l'oeuvre, avec un roman qui m'avait bouleversée et enchantée: "Les Profanes". Depuis, une attention toute exclusive pour ses publications anciennes et à venir !



Une histoire poignante comme souvent nous en offre cette auteure. Un homme à un tournant de son existence; reporter-photographe de guerre, Etienne n'est bien, comme son père, navigateur (parti un jour, jamais revenu) que dans les départs, les lointains...



Lors d'un de ses reportages dans un pays en guerre, il est enlevé, séquestré un temps très long, durée jamais précisée...

On le libère... et c'est le délicat retour à la vie ordinaire, où après le traumatisme, la peur absolue, il faut reconstruire, trouver les moyens de dépasser le traumatisme. Pour ce, Etienne, va retourner aux sources, au village de son enfance, à sa maman et à ses deux amis de toujours. Enzo, qui travaille le bois, joue du violoncelle et Jofranka, l'orpheline, " La petite qui vient de loin", devenue avocate à La Haye, qui aide les femmes victimes

de guerre à témoigner et à trouver les mots pour formuler ce qu'elles ont vécu.



Un roman polyphonique où moult thèmes s'entrechoquent, s'éloignent, se côtoient, se rejoignent: L'Amour de la Vie, l'enfantement, les liens uniques entre mère et fils, la mort, l'amitié, l'amour, l'engagement, comment survivre à la barbarie ?, la liberté, la peur, la solitude des êtres, leurs ancrages originels qui font leur force ou leur faiblesse, la richesse et la sérénité du travail manuel, dont celui de l'ami de "notre héros", polissant, transformant le bois , la force de la musique, ainsi que la quête perpétuelle de sens et d'amour de nous, fragiles humains, etc.





"La vie n'est sacrée pour personne dans les guerres. On parlera toujours du nombre des tués. Tant qu'on n'a pas vu leurs visages, on ne sait rien.

Et lui, il est là pour ça.

Il continuera à regarder les visages.

La vie ne vaut que comme ça.



Cette nuit, Etienne cesse de combattre.

Les mots qui sont là, en lui, tout simples. Ce sont les mots d'un homme qui sait qu'il n'est rien sans les autres, tous les autres. Alors vient l'étrange prière.

Vous tous, du bout du monde et d'ici, vous tous qui m'avez fait ce que je suis, donnez-moi juste la force de continuer. (p.120)"



Etienne revient à son cocon original, aux lieux et attaches de l'enfance, pour retrouver l'espoir et l'élan pour reprendre pied dans ce monde, où il a vu, photographié des ultimes violences. De ce choix professionnel, on ne peut en sortir indemne !



Il est aussi beaucoup question d'une souffrance particulière, celle de l'attente, l'attente de ceux envers celui ou , celle qui est parti(e), qui par ses choix de vie ou de profession, comme Etienne, est de passage, continuellement en partance permanente... Ceux qui restent, doivent vivre avec cet état éprouvant, destructeur de l'attente...



Les thèmes, comme le style de Jeanne Benameur, me prennent à la gorge...car quelque que soit le cadre de la fiction, il est toujours question du noyau central de l'humain, de ses aspirations, de ses exigences, de ses rêves, ses failles....



Tout cela dans une langue poétique, fluide, magique...



J'ai dévoré en 2 jours ce roman magnifique... du mal à quitter l'univers de Jeanne Benameur; Ainsi, en me rendant à la médiathèque, j'ai emprunté un de ses anciens romans, "Les Reliques" (Denoël, 2005)....qui promet de nouvelles émotions et instants de magie pure !



Même les sujets les plus sombres, l'auteure les éclaire de sa sensibilité , de son empathie et de sa plume originale...





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Les Demeurées

LES DEMEURÉES - Jeanne Benameur - Roman - Éditions Folio - Lu en novembre 2023.



NOIR, pas sombre ou gris, noir est ce roman.



Triste, marquant, je me suis sentie tellement privilégiée face à cette maman démunie de qui personne ne s'est jamais soucié et que les villageois appellent l'Abrutie, La Demeurée, La Varienne, aucun prénom.



Et puis, la petite, qui par hérédité est aussi nommée la demeurée, la fille de la Varienne, née d'on ne sait quel père et qui porte le si joli prénom de Luce, lancé comme un cri par la maman lors de sa naissance, c'était une évidence, qu'elle s'appelle Luce la petite que tout le monde lui disait "de faire partir"



Luce est tout ce qu'elle a de plus précieux, sa petite lumière.

elles ne sont pas deux, elles sont une.



La Varienne et Luce vivent "dans une maison de rien", Luce à cinq ans, sa mère fait le ménage chez "Madame" , une dame bien née elle.

Elles vivent chichement, se parlent peu, on dirait que les mots sont de trop. Tout est dans leurs yeux, dans leurs gestes.



"Rien que le silence qui pétrit le sang et la chair" pge 12



Elles ne fréquentent personne, elles dorment dans le même lit. Ainsi vivotent-elles cahin-caha, solitaires mais solidaires.

"Luce a un trésor, une toute petite dent, très blanche, lisse. Elle la caresse longuement. Sa main serre jusqu'à la douleur"



Et puis, il y a Mademoiselle Solange, la douce institutrice, l'école est obligatoire et Luce doit s'y rendre. Un déchirement pour la mère et pour Luce.



"La Varienne n'a pas regardé Luce partir. C'est brusquement , une fois la porte fermée, qu'elle s'est levée. Elle a suivi sa petite, comme font les chiens dont on ne veut pas, de loin...

Les deux bras ballants, devant l'édifice qui avait dévoré sa petite, plantée devant la grille close, jusqu'à ce que Mademoiselle Solange vienne lui dire : il faut partir maintenant"



Luce ne participe pas, ne parle pas, n'écrit pas, elle est ailleurs, mais contrairement à ce que l'on pourrait penser, elle enregistre tout, presque à son insu, jusqu' au jour où Mademoiselle Solange lui apprend à écrire son nom de famille. Depuis ce jour-là, la petite n'est plus allée à l'école, elle est tombée malade.



"Mademoiselle Solange voit la place vide de Luce et elle se demande ce qu'elle a bien pu dire pour que l'enfant s'enfuie. Elle n'arrive plus à trouver la paix. Quand ses élèves repartent, le soir, elle a maintenant du mal à quitter la classe. Quelque chose la retient.

Devant le tableau, elle demeure.

Qu'a-t-elle dit ? Qu'a-t-elle fait ?" pge 49



Et Mademoiselle Solange dépérit, tombe malade de ne pouvoir aider Luce, elle se met mentalement dans la tête de Luce, dans sa solitude, elle se sent Luce. Un nouveau professeur vient la remplacer.



Il y aurait encore tant à dire sur ce livre, mais je vais m'arrêter là, car la suite n'est pas non plus joyeuse, on a le coeur bien lourd.



Mais paradoxalement, c'est beau, je ne sais plus qui a écrit "les livres les plus beaux sont les livres les plus tristes", ou quelque chose comme ça.



Et bien c'est vrai. C'est beau parce que l'écriture de Jeanne Benameur est superbe, juste les mots qu'il faut, ni trop, ni trop peu, ses mots parlent, ses mots crient, ses mots pleurent, ses mots brillent, ses mots éclatent et ne forment qu' ÉMOTION.



Luce veut dire lumière, alors, juste pour vous dire que malgré la noirceur il y a une petite lueur qui brille pour Luce.



Vous dire que le roman Les Demeurées de Jeanne Benameur m' a marquée, c'est peu, je ne suis pas prête d'oublier La Varienne, Luce et Mademoiselle Solange, cette lecture m'a remuée au plus profond .

Je mettrais bien le livre tout entier en citations. Il n'y a rien à ôter, rien à ajouter. 81 pages, un petit livre mais géant de par ce qu'il dégage.



Ah si, la couverture, qui illustre si bien l'histoire.









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Profanes

Se rapprocher au plus près de la vie qui coule. Mettre la mort à distance, mort de soi et mort de son enfant. Tisser des liens de vivant à vivant. C’est le but ultime d’Octave Lassalle, un ancien chirurgien octogénaire, seul dans sa grande maison.

C’est pour cela que des années après avoir touché le fond du désespoir – causé par l’accident mortel de sa fille de 17 ans suivi du départ haineux de sa femme – il veut redistribuer les cartes de l’espoir. « Comment expliquer que le chagrin s’en va et qu’aucune consolation ne prend sa place » ...



Il fait donc appel à 4 personnes en apparence complètement différentes pour veiller sur lui à des moments différents de la journée et de la nuit. Veiller sur lui ? Oui, en apparence...Car tout devient tellement plus profond ! « Il faut que ces quatre-là se tiennent. Je m’embarque pour la partie la plus précieuse de ma vie, celle où chaque instant compte, vraiment. (...)Chez chacun d’eux il a flairé le terreau d’une histoire. Quelque chose qui pourrait l’éclairer. Chez chacun d’eux, la lutte, solitaire, pour la vie. Les quatre luttaient, il le savait. Mais c’est pour cela qu’il les avait choisis. Il pense ‘La lutte sacrée’ ».



La profondeur, vous l’aurez compris, c’est le guide de ce roman. Profondeur qui touche l’intime et l’universel. De la jeune Béatrice blessée par son enfance, à Marc atteint d’une blessure humaine en Afrique, de Yolande en mal d’amour immense à Hélène, peintre du cœur de l’homme, chacun d’eux par son engagement s’aide, aide l’autre et atteint le sacré. Rien que ça !



Roman d’amour et de bienveillance, de cœur, de Mort, d’espoir et de désespoir, de confiance, d’attention et d’acuité... Je m’arrête là car Jeanne Benameur est tellement plus explicite que moi dans l’implicite. Lisez ce roman, vous toucherez l’impalpable.



Chef-d’œuvre, à emporter sur son île.

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La patience des traces

Simon Lhumain va partir, quitter la ville qu’il aime depuis l’enfance. Il a besoin de commencer un autre chemin. Il a été un psychanalyste honnête, pas un faiseur de miracles. Se retrouver à l’aéroport avec une valise et un sac, juste un billet aller, pour le retour ce sera selon. Que tout soit nouveau, les visages, les vêtements, les enseignes dans les rues, l’architecture, découvrir !

S’intéresser à la culture traditionnelle. Simon se retrouve au Japon, dans les îles Yaemana. Un pays de traditions. Madame Itô tient une maison d’hôtes et collectionne les tissus anciens. Daisuke, son mari, répare les céramiques brisées, un peu comme Simon qui essayait de réparer des êtres brisés. Mais comment être sûr qu’un être humain a retrouvé une vie plus sereine ?



Jeanne Benameur nous offre un récit tout en délicatesse. Le choix de l’auteure de nous emmener au Japon n’est sans aucun doute pas anodin. Pour Simon, ce pays est l’occasion de faire face à sa propre histoire, de faire une analyse personnelle sur son métier, ses amitiés, ses amours. Il va trouver une paix infinie, toucher la beauté du doigt. Les saveurs délicates des repas, les bienfaits des sources chaudes où l’on se baigne nu, la douceur des étoffes. Savoir écouter, ne pas poser de questions inutiles, laisser le silence prendre sa place naturellement dans une conversation. Une écriture, douce, sensuelle, poétique et élégante. Il faut prendre son temps pour lire et apprécier la beauté de la plume de Jeanne Benameur. Une fois de plus elle sait explorer l’âme humaine avec bonheur.



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