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Critiques de Jeanne Cordelier (39)
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La dérobade

Roman lu dans le cadre de l’opération Masse Critique.

Mes remerciements à Babelio et aux Editions Libretto.



Il s’agit de la réédition d’un récit autobiographique d’une prostituée dans les années 60.

Marie, Sophie ou Fanny, selon l’endroit où elle travaille, raconte ce qui a fait son quotidien pendant ses jeunes années.



Sans complaisance, elle décrit dans un langage cru et (certainement) authentique ce que l’on appelle communément le plus vieux métier du monde : l’exploitation de la femme au nom de son sexe par sa famille, par son souteneur, les mères maquerelles, par les clients, par la police ; la fausse connivence des chauffeurs de taxi, l’indifférence des médecins qui rattrapent les dégâts des avortements clandestins, etc…



Certaines scènes sont à la limite du supportable…à lire … alors à vivre …



Pour nous autres installés confortablement, il peut paraître surprenant que ces femmes se laissent ainsi avalées par cet engrenage.

Difficile à comprendre certes pour qui ne peut se mettre à leur place.

Et pourtant, l’auteur décrit toutes ses tentatives pour échapper à cet enfer, les difficultés rencontrées pour y parvenir puisque tout l’environnement semble ligué pour la maintenir la tête sous l’eau et notamment « les copines ».



Celles-ci ont chacune leur propre histoire et pourtant les origines sont semblables : la misère, le mirage de la vie parisienne, le manque d’instruction, les agressions sexuelles souvent incestueuses.



La détermination de Sophie ne la quittera jamais et elle réussira par s’échapper, se dérober.



J’ai beaucoup apprécié le style énumération/accumulation qui souvent apporte une forme de poésie désenchantée voire désespérée.

Le talent de l’auteur est indéniable qui sans chercher à se justifier lance ce cri de rage contre la société qui ferme les yeux sur le fléau de la prostitution.

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Escalier F

C'est mon premier livre de Jeanne Cordelier et je découvre son univers. La narratrice Dany, que je suppose être le double de l'auteur, se retrouve à l'enterrement de son frère, Christian, avec ses frères et soeurs. C'est à partir de là que le film se déroule... film ? Film d'horreur alors ! Malheureusement, il ne s'agit pas d'une fiction. Et si le roman est à tendance autobiographique, on ne peut que compatir. Compatir avec l'auteur mais aussi avec tous ceux qui ont vécu ou vivent encore ce genre de choses. Tout y passe. De l'inceste du père au déni de la mère, violence, alcoolisme, maladie... Non, cela n'arrive pas qu'aux autres et même si cela alimente la rubrique des faits divers et la curiosité du lecteur lambda lisant son journal tous les matins, il faut bien se dire que cela détruit des familles.



Pourtant, Jeanne Cordelier, ou plutôt Dany ici, n'a pas décidé de s'apitoyer sur son sort. Elle raconte les choses très simplement, de façon naturelle, avec de l'humour parfois. On ne peut que rester sans voix et admirer cette force de la nature, cet instinct de survie qui fait qu'elle continue à avancer, à faire son bout de chemin au rythme des malheurs touchant la fratrie.



Je referme ce livre avec le coeur gros et il va me falloir un peu de temps pour digérer tout ça. Je vais lire un roman plus léger par la suite, c'est certain. Un grand bravo à cet auteur pour mettre sous sa plume des évènements aussi importants avec une si belle énergie.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Escalier F

"Dany "devenue "Jeanne "par la grâce de l'écriture, née en 1944, autodidacte, troisième d'une fratrie de six enfants, rend hommage à ses frères et sœurs, complices d'enfance et de douleur, dans les années 50, dans ce court récit autobiographique.

Elle revient sur son passé, gravit les marches de l'escalier F une à une, oú vivait une "cordée"unie, soudée à la vie, à la mort, oú chacun faisait face, unis, serrés les uns contre les autres, une nichée, un "bouquet d'arbres écorcés", qui souvent tremblait mais jamais ne ployait.

Nous découvrons le cœur serré, au fil des pages, la violence des assauts du pére,Lucien, l'inceste , l'innommable....les insultes de la mére :Andrée, une Folcoche incapable d' aimer, " On Lui avait coupé les ailes"...

Détruire la faisait vivre: les coups, l'humiliation, l'insulte....dans le mal elle puisait sa substance, détruire jusqu'à l'épuisement .On suit la tyrannie et la perversité d'Andrée faite de plaintes, d'alcool, d'explosions de rage ou d'indifférence...

Les enfants dispersés, tenus par un amour fraternel jamais démenti vivent comme ils peuvent, la vie , ses coups durs, la maladie.....

Dany raconte ainsi ses frères et sœurs et les chemins difficiles qu'ils ont pris...

Un témoignage extrêmement fort, lucide , une écriture réaliste, maîtrisée et sensible, pleine d'amour pour sa fratrie, noire, sombre, désespérante où chaque mot est à sa place, sans faux semblants, misérabilisme ni pathos.

A travers la misère affective et sociale affleure l'humanisme , un récit qui parle aussi, avec pudeur, de la mort de ceux que l'on aime.

La langue directe et fleurie rend un bel hommage et toute leur dignité à ces êtres fragiles, pétris d'humanité , oú la tendresse est pudique, et l'attention bourrue, eux qui ne demandaient qu'un peu de ciel bleu....



Une autobiographie qui bouscule, sincére et réussie, empreinte d'un fort humanisme, de chaleur humaine ,d'une tendresse pour les siens , d'une énergie sans faille qui ne laissera personne indifférent !

Un très bel ouvrage dont on ne sort pas indemne !
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La dérobade

Foutre, violence, fric : bienvenue dans la vie de Marie dite Sophie dite Fanny. Mais toujours avec la conviction qu'elle va s'en sortir malgré les filles, les taulières, son mac. Malgré les coups, l'abatage, le découragement. Malgré toute la misère humaine qu'elle côtoie. Malgré la violence qui prend le dessus.

Une belle leçon de courage. Une belle plume, capable de créer des images, des évasions sur le sordide de sa vie. D'inventer des histoires pour elle, pour les copines (l'amitié est si rare) pour qu'aucune ne flanche ; pour rendre les passes supportables, pour enquiller une nuit au poste. Pour maintenir l'illusion d'une autre vie ; rares en sont pourtant les élues... Une belle leçon de vie et d'espoir récompensé.
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Escalier F

Jeanne Cordelier (alias Dany) est la troisième d’une fratrie de six enfants.

Ils se retrouvent lors de l’enterrement du cinquième.

L’auteur mêle alors ses souvenirs au récit de la vie de ses frères et de sa sœur.

Que c’est noir, que c’est sombre, que c’est désespérant.

Mais que c’est bien écrit.

Dès la première page, le tableau familial est brossé, sans concessions, sans faux-semblants, sans misérabilisme.

Une fratrie solidaire dans un milieu défavorisé. « Notre enfance calamiteuse »

Six enfants meurtris.

Un père qui cogne, qui abuse de ses filles.

Une mère incapable d’aimer parce qu’ « on lui avait coupé les ailes »

Petit à petit, au fil des pages se dessine le portrait et la vie de chacun, les souvenirs refluent ; ça suinte la misère humaine, ça oscille entre sordide et désespérance.

Alcoolisme, drogue, coups, déchéance, sida, pédophilie…. Aucun n’est épargné.

Noirceur des situations et force de l’amour entre frères et sœurs sont omniprésents.

Le temps du récit, qui s’étale sur plusieurs années, la sœur, le beau-frère, un autre frère puis la mère mourront à leur tour. Le cercle se rétrécit.

C’est un récit noir, dur. Il faut en interrompre la lecture régulièrement pour ne pas sombrer dans le cafard

Quel courage a eu Jeanne Cordelier de raconter tout ça. Quelle nécessité aussi pour ne pas tout garder en elle. Parce que trop, c’est trop !

Et ce qui aurait pu être une autobiographie pathétique est un témoignage fort, lucide, plein d’amour où chaque mot frappe juste

C’est comme un hommage qu’elle ferait à ces paumés de la vie que l’on aime avec elle.

Et quel bel hommage !



Ce livre, offert par les éditions phebus, lu dans le cadre de Masse Critique de babelio est une révélation.

Une autobiographie réussie, sincère qui ne peut laisser indifférent.

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Escalier F

Il y a un temps pour tout... même pour aborder certains livres.



Ce n'était pas le moment pour moi d'ouvrir celui-là.

Sans raison particulière ou, peut-être, le gris du ciel, l'absence du Printemps, la morosité ambiante, que sais-je... j'étais trop perméable, vulnérable même, et ce roman, apparemment autobiographique, m'a plombé le moral plus que de raison.



Récit effroyablement réaliste de vies sordides, bien qu'étrangement banales, où le verbe "exister" s'apparente à "survivre" et où l'on en vient à se demander si tout ce misérable gâchis avait vraiment un sens.



A lire... mais au soleil, quand tout va bien et que rien ne peut ébranler votre bonheur de vivre !
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Reconstruction

Après encore bien des coups, physiques et moraux, Sophie rencontrera l'amour, le vrai, celui d'une vie. Elle a également commencé avec succès une carrière d'écrivain (qu'elle poursuivra toute sa vie) avec La Dérobade, récit de ses années de prostitution. Grand succès à l'époque, classique aujourd'hui, à côté de L'Astragale.

Avec son honnêteté et son entièreté (?), les mêmes que La Dérobade, elle raconte son lent et parfois difficile retour à la vie. Sa volonté de laissé le passé au passé, sans le renier ; son fils connait son histoire. Elle a toujours construit autour d'elle une atmosphère d'harmonie, de calme, de beauté, tout ce dont elle a manqué. Elle a beaucoup voyagé, vécu dans de nombreux pays, là où les envoyait le métier de son mari. A écrit, publié, découvert des artistes. La malchance ne l'a pas toujours épargné, mais elle est vivante et forte. Elle ne se laissera pas abattre sans résistance.

Peut-être un peu moins fort et prenant que son premier livre (et encore, je ne l'ai pas lâché avant la fin), mais encore une belle leçon de courage et de ténacité. Un bel exemple de femme.
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La dérobade

La dérobade est un témoignage poignant sur la prostitution. Jeanne Cordelier nous relate 5 années de sa vie pendant lesquelles elle a exercé ce qu’on appelle pudiquement le plus vieux métier du monde.



Issue d’une famille nombreuse avec une mère alcoolique et un père incestueux, Marie rêve de paillettes. C’est une voiture de luxe garée devant le bar que fréquente assidûment sa famille qui sera l’objet de sa perdition. Cette voiture est celle de Gégé, proxénète, qui fera rapidement de Marie sa femme, son objet, son gagne pain.

Marie rebaptisée par le trottoir, Sophie ou Fanny est une femme forte qui supporte l’insupportable. Je dois avouer ne pas toujours l’avoir comprise cependant elle a très vite qu’un seule idée en tête sortir de cet enfer, échappée à l’emprise de Gégé. Ce n’est un mystère pour personne, elle y parviendra et c’est juste après ces 5 années à vendre son corps que Jeanne Cordelier écrira 1000 pages réduites de moitié dans la version publiée.

Jeanne Cordelier a une réel talent d’écriture. Dans ce récit, elle alterne avec brio de jolies images, dont la dernière phrase du roman est selon moi la plus sublime des illustrations et des mots d’argot qui ancre définitivement le lecteur dans ce monde de la rue mais qui m’ont un peu gêné pendant la lecture car pour beaucoup je n’en connaissais pas la définition.

Ce roman est assez cru, aucune violence ne nous est épargnée. Les coups de son homme, les nuits en prison, les coups bas des copines et les bizarreries des clients sont décrits sans cachoteries. Des bars à filles, aux hôtels de luxe en passant par les vitrines de la rue Saint Denis jusqu’au maison d’abattage, Sophie/Fanny a tout connu. Et même si les lieux, les personnages, les circonstances sont différentes la violence est identique. C’est pourquoi, j’ai un peu eu l’impression que l’histoire n’avançait pas. Je me dis maintenant que c’est sans doute également ce qu’à pu ressentir Sophie/Fanny pendant toutes ses années. Pourtant le personnage évolue, il s’éloigne peu à peu de ce milieu, de ces obligations.

La dérobade a été publié en 1976 mais j’imagine que malheureusement les choses n’ont que très peu évoluées pour ces filles qui gagnent leur vie en se baladant sur le trottoir.
Lien : http://mesexperiencesautourd..
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La dérobade

« La dérobade » de Jeanne Cordelier est rééditée par les éditions Libretto. Cette ouvrage est un témoignage autobiographique, qui raconte sans tabou la vie d’une prostituée dans les années 70, la misère, les hommes. Un récit sans complaisance où la vérité est crue, violente comme l’est le milieu de la prostitution.

Une femme qui malgré tout va rester debout et qui avec ténacité va reconquérir sa liberté, sa dignité et sa vie. Au-delà du témoignage émouvant , une écriture, des mots qui percutent le lecteur dans son cœur, sa chair… On ressort de ce livre avec une vision de la prostitution différente de celle qui est parfois décrite comme volontaire, « métier ». Cette vision qui oublie l’avilissement du corps, l’esclavage et que Jeanne Cordelier courageusement décrit, crie !

Un livre à lire pour se rappeler !

Merci aux éditions Libretto et à Babelio.
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Escalier F

Le désamour, l'alcool, la violence, la maladie...Tout au long de ce roman autobiographique, l'auteure ( qui s'appelle Danielle dans le livre) parle de son enfance, de son adolescence, de sa vie de femme.

Dany sera sauvée par l'écriture: romancière à succès, troisième d'une famille de 6 enfants mal aimés, violentés, frappés, elle parle et les mots vont droit au coeur du lecteur tant l'émotion affleure à chaque page.

Les frères et soeurs se sont aimés, eux, malgré leurs différences. Ils ont formé une famille solide face à la fragilité des parents.

Jeanne Cordelier évoque cette vie de misère avec pudeur et sans pathos...Mais sa plume sensible et humaine sait toucher nos coeurs.
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Escalier F

Habitant Malakoff avec un attachement particulier à la rue Hoche, il m’était impossible de passer à côté de ce livre de Jeanne Cordelier ! Merci donc aux Editions Phébus et à Babelio de m’avoir fait parvenir ce livre grâce à cette nouvelle édition Masse-critique.



Ce court roman (autobiographie ou auto-fiction on ne sait pas exactement) ne vous laissera pas indemne. Dany, la narratrice, troisième d’une fratrie de six, une « cordée » comme elle la définit, le pilier de la famille, nous dresse le portrait de sa famille, des écorchés vifs, abimés par une enfance vécue au contact de la violence, de la pauvreté et du désamour.



Près de cinquante ans plus tard, le décès d’un premier frère permet de vérifier que le lien, quoique distendu par les années, tient toujours. Que malgré la maladie, le chômage, les divorces, l’alcoolisme des uns, les ennuis judiciaires des autres, tout le monde s’accroche tant bien à cette vie et aux minces petits bonheurs qu’elle offre.



C’est violent, intense, souvent révoltant et désespérant Mais grâce au parlé populaire et à l’écriture dynamique de son auteur, le récit ne tombe jamais dans le misérabilisme et ce qu’on en retient, c’est toute la tendresse que Dany, celle qui « s’en est sortie », ressent pour ses marginaux.



C’est aussi un récit qui parle de la mort de ceux qu’on aime. Comment appréhender la disparition programmée de ses frères et sœurs lorsque on a mis tant de force tout au long de sa vie pour garder le lien sinon intact du moins toujours présent ? Que restera-t-il d’eux, de leur histoire, de leurs souvenirs quand tous auront disparus ?



La misère affective et sociale, les souvenirs qu’on enjolive pour mieux les digérer, le lien à la mère qu’on n’arrive pas à couper malgré la violence et les humiliations, j’ai reconnu dans ce livre beaucoup du vécu de ma propre mère et sa lecture m'a beaucoup touchée et éprouvée.



Juste un tout petit bémol … En tant que Malakofiotte, j’aurais aimé lire une description de ce qu’était ma ville dans les années 50-60. Mais finalement de cet environnement on ne saura rien sûrement parce que l’indicible ne se vit qu’à huis clos.
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La dérobade

Dur, dur! Malheureusement plus "à la mode", mais je le mettrais cependant dans la colonne des livres indispensables.
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La dérobade

J'ai lu ce roman à sa sortie. J'en garde le souvenir d'une jolie plume, mais d'un style très cru sans fioriture, et d’un sujet extrêmement délicat et perturbant . Un témoignage poignant qui vaut le détour d'une lecture
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La dérobade

souvenir de lecture... la prostitution



*



« Le récit de Jeanne Cordelier a tout juste trente ans.



Il pourrait en avoir cent et avoir été écrit hier », nous dit Benoîte Groult.



La Dérobade est de ces livres qui résonnent longtemps, qui s’ancrent dans nos âmes, « tant la douleur est éternelle, et tant “l’espérance est violente”, et tant le talent n’a pas d’âge ».



D’aucuns disent que la prostitution est un métier comme un autre – le plus vieux d’entre tous –, un espace de liberté, un droit… ancestral. On se rassure. On se ment.



Pour les autres – la majorité, osons-nous croire –, la prostitution relève de l’exploitation sexuelle des femmes, de la violation des droits de l’Homme. Lisons, relisons "La Dérobade", la vérité est là, crue, amère. Elle est partout, dans ce style luxuriant, brûlant, dans ces mots exutoires, dans cette « révolte précieuse qui est parfois le seul signe de vie au fond de l’horreur ».



« Jeanne Cordelier fait le récit de sa vie de putain, avec des mots qui percent l’âme, le cœur et le ventre… un souffle lyrique à la Cendrars mais aussi une simplicité, une authenticité sans bavures." Georges Begou / France inter



« "La Dérobade" de Jeanne Cordelier, c’est de l’or pur. » Yvan Audouard



voir le blog de l'auteur : http://laderobade.jeannecordelier.eu/


Lien : http://mazel-livres.blogspot..
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Ni silence ni pardon

A l’instant même, mon enfance a fondu comme neige au soleil



Marie-France Casalis, dans une courte préface, parle de briser la loi du silence, des victimes « Autour d’elles une véritable conspiration des oreilles bouchées les avait abandonnées, livrées à la cruauté, à la violence des adultes, dont la mission était au contraire de les protéger, de les aider à grandir, à devenir autonomes, adultes, libres ».



Jeanne Cordelier propose quelques textes, dont de très poignants extraits de « La mort de Blanche-Neige ». La romancière insiste sur le plaisir tiré « de ce qu’il voit dans mes yeux ».



Avoir la mort dans la tête. « En abusant de moi, mon père m’avait fait accoucher de mon monstre ». Les rêves de lui mettre les tripes à l’air, « la main d’une enfant violée n’est pas comme la main des autres, elle a toujours au creux un manche de couteau, de hache, une pierre, un flingue », et le fait de n’avoir tué « qu’une ombre ».



Regards, silence, plaie, « C’est une plaie à jamais inscrite dans le corps de la petite fille », le refus de l’oubli, le crachat.



Le titre de cette note est extraite du second texte « Le majeur droit ».



« Que tout se taise enfin,



Que se closent nos mots,



Que nos mains prennent la parole. »



Mélusine Vertelune indique « Pour la rédaction de ce texte, j’ai choisi de ne pas me soumettre à la règle de grammaire qui veut que le masculin l’emporte sur le féminin. C’est pourquoi, sauf lorsque j’emploie des termes épicènes, les mots qui désignent des personnes des deux genres sont accordés aux deux genres. Ainsi, il apparaît dans le texte des « Es » et des termes comme « elleux », « celleux », « illes », etc… ». Je souligne cette indication, contre la banalisation du sexisme ordinaire de la grammaire usuelle.



L’auteure parle, entre autres, du silence imposé aux victimes, des délais de prescription, « cadeau offert par l’État aux violeurs et autres agresseurs sexuels d’enfant », des ressources psychiques nécessaires à la révolte, de son histoire, de ce récit où elle doit employer des pseudonymes, prescription…



Le frère et le « climat de terreur entre lui et moi », l’éducation des mâles, le retournement de culpabilité, « il avait réussi à faire en sorte que je me perçoive moi-même comme une petite chose, vicieuse, sale et coupable », pipi au lit, viols, redoublement en classe, dépendance affective envers la mère, bouc-émissaire à l’école, racisme, pornographie tolérée pour le petit mâle, les « femmes-choses interchangeables et destinées à la consommation » et la sensation « de ne pas être tout à fait vivante »…



La nudité imposée, la prostitution présentée comme « une profession à part entière », des discours sur une certaine sexualité, « J’avais l’impression de n’être qu’un bout de viande exhibée et transpercée de toute part »…



Les adultes, être en sécurité dans ses rêves éveillés, la lecture, l’émerveillement, « garder espoir », les grands-parents, le sentiment de culpabilité, les souvenirs de viols qui « remontaient à la surface »…



Le dire tout haut, comme des mots échappés, la culpabilité, les réactions de la mère, la minimisation des faits…



Boulimie, anorexie, les progrès scolaires, la découverte des libertaires, une rencontre, le retour du passé, les psy, la lecture de Simone de Beauvoir « Le deuxième sexe », voyage, le père, la prise de conscience « je n’étais pas la responsable-coupable de l’inceste – que ce que m’avait fait subir Esteban a un nom : viol ».



L’indignité et l’indécence de la mère, « elle n’était pas simplement responsable mais coupable, au même titre que son fils ». La loi du silence brisée.



« Ce n’est pas le pardon qui libère.



Il est mortifère, dégradant et non pas apaisant de se voiler la face en niant la réalité et de vouloir « dédramatiser » un acte qui est bien pire que déshumanisant.



Le viol est un acte chosifiant qui pérennise un système de domination ultra-violent avec ou sans tarification et servitude volontaire.



Ce qui libère, c’est affronter la réalité en la regardant bien en face, de détruire la loi du silence, de ne pas taire la gravité du viol qui est une torture physique et mentale »



Dans sa postface, « Viol, inceste et anarchisme », Mélusine Vertelune critique des problématiques occultées chez des « libertaires » (il est possible d’élargir le propos à de multiples groupes politiques), le refus de faire appel à la « justice bourgeoise ». L’auteure souligne que « les violeurs sont des agents actifs et volontaires d’un système d’oppression », il est possible d’élargir le propos aux prostitueurs. « Le viol n’est pas un « passage à l’acte », il est le fruit d’une décision conçue en toute lucidité ».



L’auteure revient sur les discours masculinistes, les oppressions, les violences machistes. Il faut y opposer « une lutte politique sans compromis ni ambiguïté ». L’inceste est un pilier du patriarcat.



« Qui se voit imposer une pénétration en est « réduite » au genre féminin pour les hommes et les garçons ou rappelEe à ce même genre en ce qui concerne les femmes et les filles. Celui qui pénètre un être comme s’il pénétrait un jouet, un instrument, un produit de consommation, affirme avec cette pénétration sa supériorité de genre ».



« La peur et la honte doivent changer de camp et ce n’est pas en étant bienveillants avec les oppresseurs que l’on met un terme à l’oppression ».
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Escalier F

Un court roman écrit par Dany devenue Jeanne autodidacte qui est autobiographique .Ce dernier raconte ,à travers les décès qui frappent la fratrie , l’histoire de sa famille frères et sœurs maltraités mais solidaires , le manque d’affection , d’éducation mais ou alcool et violence font office de lois …on a beau le savoir …on aimerait tellement que ces récits soient un reflet dépassé de notre société , ce dont hélas je doute …
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La dérobade

Un livre témoignage, magnifique de terreur de désespoir et chargé d'espoir! j'ai trouvé ce livre magnifique
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La dérobade

On est en 1966. Sophie arpente tantôt les rues malfamées et les hôtels miteux de Paris, tantôt les maisons closes et les bars chicos, à la recherche du micheton. Elle nous raconte sa descente aux enfers quotidienne, oscillant entre l’argot parisien et un lyrisme hors du commun, une voix qui crie et qui susurre, une voix qui nous emporte dans l’essence même de la condition féminine.



[...]

Sophie la putain entre en scène ! Femme esclave, femme battue, femme violée, son récit ébranle. Écoutez cette voix autobiographique qui crie dans sa prison, ce cœur si tolérant qui a tant d’amour à donner ! Elle raconte la prostitution de la femme, cette forme de prostitution qu’on ne veut pas voir et qui pourtant en dit long sur l’histoire des femmes.



Son récit est nécessaire, car si le Paris d’aujourd’hui n’appartient plus aux ouvriers, et si un vent de mondialisation a soufflé sur la prostitution, les conditions de la prostitution sont les mêmes ; on a troqué l’avortement sauvage pour la contraception et la syphilis pour le sida.



Mais Sophie ne se laisse pas apprivoiser par le lecteur si facilement. Il faut d’abord passer le cap de la première partie dont l’argot est ardu ; mais ensuite, elle se dévoile et laisse entrevoir la jeune fille issue d’une famille ouvrière et les traumatismes de son enfance. Dès lors, chaque mot cogne, son style lyrique et luxuriant éclate, mêlant vérité crue et métaphores sensibles, parvenant à faire jaillir le sublime dans l’horreur. Un texte exceptionnel, intemporel, poignant et nécessaire.



L'article entier sur mon blog :

http://www.bibliolingus.fr/la-derobade-jeanne-cordelier-a107974310
Lien : http://www.bibliolingus.fr/l..
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La dérobade

La Dérobade

Jeanne Cordelier (née en 1944)

« La Dérobade c’est l’histoire pleine de bruit et de fureur d’une longue saison en enfer, car se prostituer c’est comme vivre un éternel hiver… »

Une très belle préface de Benoîte Groult précède ce récit autobiographique bouleversant, l’histoire de Marie, de son nom de trottoir Sophie, qui après une enfance difficile dans une famille modeste a été abandonnée par ses parents dans les bras d’un souteneur qui l’a mise au turf.

Quatre années de prostitution que Jeanne Cordelier raconte sans détour, évoquant les diverses facettes de cette vie avec les nuits de garde à vue, les passes à la chaine dans les pires claques (jusqu’à soixante quinze passes de sept minutes !), l’arrière-goût de ciguë du champagne, les perversions de certains michetons, la violence des julots qui attendent l’oseille, les partouses improbables, la tristesse et le moral flingué, la solitude et la lutte pour s’en sortir. Sans oublier les viragos comme Madame Pierre, la mère maquerelle de la rue de la Grande Truanderie, une vraie trimardeuse, une taulière qui se glorifie d’avoir eu, certaines nuits de février, le gel au bout des seins et qui annonce à ses filles pour bien les mettre au parfum :

« Mesdames, vous êtes du bétail, rien que du bétail, ne l’oubliez pas. » Et les filles de répondre : « Oui Madame Pierre. »

Dans un style dur et âpre très travaillé, parfois violent, au vocabulaire argotique, souvent poétique comme dans sa description des Halles de l’époque, Jeanne Cordelier déroule sans mélodrame et sans haine son existence douloureuse sur les trottoirs à faire le tapin et dans les chambres à la merci des caprices des hommes, entre ceux qui se servent d’elle et ceux qui ont besoin d’elle. Comme dit Sophie, il ne faut pas avoir le cœur trop tendre et il faut éviter de penser quand on fait la pute.

Et Sophie dans les moments de relâche s’interroge :

« Que faire d’une nuit de liberté quand on a perdu l’habitude, quand on n’a personne à appeler, à qui dire simplement : alors, on dîne ensemble ? »

Extrait : Saynète exécutée par Sophie déguisée d’une barboteuse et d’une passoire en guise de couvre-chef, pour le plaisir d’un « ministre » :

« Je m’appelle Slup-slup. Je viens d’un lieu connu de tous et pourtant vous n’en soupçonnez rien, d’un lieu mille fois exploré, fouillé par vous, d’un lieu tiède et douillet, accueillant mais un peu humide, d’un endroit où il fait bon vivre, d’une contrée où l’on ne parle pas de politique mais de plaisir, où les dirigeants sont dirigés, les costauds matés, les incompris compris, les malheureux réjouis, les jouisseurs satisfaits, les obscurs illuminés, les intellectuels abêtis. Mon existence se meut dans les profondeurs féminines… Ohé ministre, je pourrais te raconter des histoires obscènes, faire plein de trucs avec mes doigts et ma bouche,..simuler l’orgasme dévastateur… »

Au petit matin gris d’incertitude, en remontant la rue Fontaine comme chaque jour en silence après une nuit blanche, Sophie épuisée et légèrement ivre ne voit que les taxis qui roulent au pas à la recherche du client égaré dans la faune barbouillée de Pigalle…C’est l’heure où les pauvres ribaudes fatiguées quittent leurs perchoirs, l’heure où le savant maquillage n’est plus qu’un masque grinçant, l’heure du cerne bleuté, triste à dormir, l’heure où les chasseurs font leurs comptes.

« C’est l’heure où, entre chien et loup, mon cœur se déchire, envahit ma poitrine, vagabonde jusqu’à la masse sombre des arbres, s’y écorche en cherchant sa raison de battre. »

Et citant Prévert, Marie de confier à sa copine Maloup en pleine dépression :

« Il y aura toujours un trou dans la muraille de l’hiver pour revoir le plus bel été…Tu comprends Maloup, nous ne faisons que traverser un long hiver, rien d’autre. »

En résumé, un récit parfaitement écrit dans un style riche et exubérant, sans complaisance, absolument bouleversant, relatant une vérité crue et amère.

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La Mort de Blanche-Neige

La Mort de Blanche-Neige / Jeanne Cordelier

Tout dans ce récit poignant est vu et décrit par les yeux d’une fillette qui ne comprend que peu à peu les violences qu’elle subit. Et l’on découvre une famille de misère et de brutalités avec cinq enfants en détresse, frappés, attachés, malmenés. La petite conserve une certaine tendresse envers son père même quand sa mère partie au marché ou à des rendez-vous mystérieux, son père abuse d’elle par des caresses et des attouchements tandis que les images en couleurs du monde merveilleux de Walt Disney quelle voit à l’envers égayent les murs de la chambrette, avant de passer au viol dans la chambre conjugale, la chambre « normale ».

Un livre dur et bouleversant, pour public averti, sur l’inceste dans lequel l’auteure passe du violent au pudique dans un style tout simple, celui d’une enfant sensible et intelligente, résignée et traumatisée. Usant à bon escient de la synecdoque, la métonymie et la catachrèse, le vocabulaire de Jeanne Cordelier ne choque jamais même lorsqu’elle décrit les pires gestes d’un succube frappé de satyriasis.

Découvert et lu il y a 25 ans, je relis avec émotion et colère ce petit bijou de 160 pages écrit par Jeanne Cordelier.

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