D`abord parce que c`est un milieu que je connais. Ensuite et surtout parce qu`il présente l`avantage d`exacerber un certain nombre de travers humains qu`on trouve partout ailleurs. Les conflits d`ego y sont particulièrement forts, le rôle et le pouvoir de l`image y sont très grands, les gens y sont donc bien névrosés, c`est une belle matière romanesque. L`un des thèmes qui me tenait particulièrement à cœur en écrivant Les grimaces m`a été inspiré par Ferdydurke de Witold Gombrowicz. Il s`agit de l`idée selon laquelle l`individu est toujours fonction du regard d`autrui, de l` «image », et qu`il est difficile de se défaire de cette image si elle s`avère pesante ou inefficace. Du coup, inscrire l`histoire dans un milieu où l`image est déterminante était intéressant. Mais mon but n`était pas de cristalliser l`histoire dans ce milieu, j`espère avoir réussi à le transcender et à développer des thèmes et des problématiques qui ne lui sont pas propres.
Oh je ne crois pas non. J`y ai moi-même passé de très bons moments. L`hostilité et la cruauté que je décris sont selon moi inhérentes dans une certaine mesure à n`importe quelle entreprise. La vie en entreprise a vite fait de rendre un peu fou, de générer des tensions qui deviennent délétères, qui s`immiscent dans la vie des employés de manière sournoise, les rendent inquiets et les mettent sur la défensive. L`hostilité vient de là, de la peur d`être bouffé. C`est la loi de la jungle quoi. Ce livre est une pure fiction, et si elle m`a été inspirée par ma propre expérience, elle me l`a aussi énormément été par l`expérience d`autres personnes qui ne travaillaient pas du tout dans le monde de la télé et connaissaient des moments très difficiles, se heurtaient à un quotidien en entreprise aride, compliqué, à une hiérarchie inquiétante, à des collègues fourbes.
Cela dit, je me suis employée à décrire cet « univers impitoyable » avec humour, à le tourner en dérision afin d`en souligner l`absurdité. Je n`ai pas écrit un brûlot aigri. Enfin, je n`espère pas!
Non, cependant il y a beaucoup de rivalité, comme ailleurs. Mais je ne dirais pas que mes personnages ont pour moteur de se créer des ennemis, au contraire, ils tâchent de composer avec l`adversité le plus efficacement possible. Le problème pour Angelina, c`est que son parcours existentiel, son enfance notamment, son histoire familiale n`ont pas contribué à lui inculquer les bons codes, ceux qui font qu`on survit dans un environnement ultra-concurrentiel où la séduction et l`esbroufe sont pas mal à l`œuvre. Cette fille est donc continuellement à côté de la plaque et se fait copieusement écraser. Mieux vaut bien maîtriser les codes pour survivre en entreprise et pour survivre tout court d`ailleurs, en société.
Je crois oui. Le travail est devenu une source d`angoisse énorme, il est de plus en plus difficile de travailler le coeur léger. La loi de la jungle dont je parlais plus haut s`est durcie considérablement ces dernières décennies, l`appât du gain, la nécessité du profit, le capitalisme fou en un mot, a fait de l`entreprise un lieu de crispation où chacun est responsable, se doit d`être le garant de la bonne marche du Dieu entreprise quel que soit son niveau dans la hiérarchie. Et bien entendu la crise a accentué tout cela. Les licenciements sont pratiqués de manière sauvage, forcément ça devient « chacun pour soi », « sauve qui peut » et il est évident que l`esprit d`équipe en pâtit. Et puis dans Les grimaces, il y a en plus beaucoup d`affect dans les rapports professionnels, ce qui n`arrange rien.
Oui je le comprends. Enfin, toute proportion gardée parce qu`elle devient un peu folle, je n`agirais pas comme elle. Mais ce qui la pousse à le commettre, c`est le désarroi, l`impuissance, la consternation. Comme je le disais, elle ne maîtrise pas les codes pour se faire respecter, manipuler le cas échéant, et à trop subir de petites humiliations, elle pète les plombs.
Oui! J`ai une idée de thème central, une ébauche de trame, un personnage principal. Mais pour l`instant je suis encore dans le travail préliminaire qui consiste pour moi à réfléchir à tout ça tout en lisant beaucoup. Rien ne me donne plus envie d`écrire que la lecture.
J`aurais du mal à n`en citer qu`un. Parce que tous les livres que j`aime me donnent envie d`écrire. Mais disons que l`auteur qui me vient en tête si je dois me souvenir des premières lectures qui m`ont marquée et donc qui sont probablement à l`origine de mon envie d`écrire, je dirais Stefan Zweig, et Amok en particulier. Je devais avoir 14 ans...
Aucun. La plupart des auteurs que je lis sont « des monstres sacrés de la littérature », souvent morts, enseignés dans les écoles et les facs, présents dans le dictionnaire, avec le nom desquels on fabrique des adjectifs. Alors bon, il n`est pas question de comparer mes qualités littéraires aux leurs, ce serait n`importe quoi. Je ne leur arrive pas à la cheville et c`est très bien comme ça. Ça me stimule, ça m`inspire. Par exemple j`ai découvert Belle du Seigneur dernièrement (mieux vaut tard que jamais), et j`ai trouvé le style d`Albert Cohen exceptionnel, la façon dont il incarne ses personnages par le truchement de leurs monologues intérieurs est absolument géniale. C`est tellement subtil, les registres de langues, les visions du monde changent radicalement d`un personnage à l`autre, c`est virtuose. Et c`est très drôle! Alors, évidemment ça donne des complexes, mais ça ne m`ôte pas pour autant l`envie d`écrire. Je me dis juste: Bon. Bah c`est génial.
Voyage au bout de la nuit je pense. Ce livre m`a beaucoup marquée, notamment parce que j`avais, dans les cents cinquante dernières pages du roman, un sentiment d`enlisement, de nausée presque et pourtant je continuais de le dévorer. Le Procès de Kafka aussi, L`Oeuvre de Zola, Bel-Ami de Maupassant, Madame Bovary de Flaubert...
Je ne relis pas les livres, des passages oui mais jamais de livre en entier. Je me dis que j`ai bien trop de livres à découvrir pour m`accorder le luxe de relire une Oeuvre déjà lue. Ce qui est probablement un peu idiot parce que je suis persuadée que c`est très enrichissant de relire un livre qu`on a aimé plusieurs années auparavant. Mais pour l`instant, je ne me le permets pas. Ah si ! J`ai relu le petit prince plusieurs fois ! Parce qu`il est court, et qu`il y a des images.
Le Rouge et le Noir de Stendhal. Mais j`ai l`intention d`y remédier.
Alors là, vous me posez une colle. Une perle méconnue... Non, je crains de ne pas avoir ça en stock. (La honte.) J`ai quelques perles connues éventuellement, mais pas méconnues.
J`avoue que L`homme sans qualités de Robert Musil m`est tombé des mains.
Non (la honte encore). Je ne prends pas le temps de noter les phrases qui me marquent.
Je lis Mars de Fritz Zorn, et L`Adversaire d`Emmanuel Carrère. Les deux me plaisent beaucoup.
Résumé : Sur fond d'effondrement écologique, trois personnages en quête de sens confrontent leurs solitudes pour mieux se trouver eux-mêmes. Un roman d'amour choral sur l'aliénation du monde contemporain et l'espérance d'un avenir en commun. Paris, de nos jours. Tandis que le climat ne cesse de se dérègler, les pénuries de pétrole se multiplient, les tensions montent dans la société, et pourtant chacun continue à mener sa vie comme si de rien n'était. Alice, une radiologue proche de la quarantaine, trompe son ennui - et son compagnon - en recourant frénétiquement aux sites de rencontres. Iris, nonagénaire atteinte de la maladie d'Alzheimer, cache à ses enfants la gravité de son état. Pianiste de haut vol dans sa jeunesse, elle n'a plus qu'une pensée en tête : mettre fin à ses jours avant de ne plus s'appartenir ; Aurélien, idéaliste trentenaire, livreur à vélo ubérisé, ne se fait plus d'illusions sur la vie communautaire des ZAD, comme sur les free parties, vidées de leur esprit révolutionnaire. Il économise pour s'acheter un voilier et quitter la rive. Rien ne rapproche a priori ces trois individus, si ce n'est un sentiment de solitude envahissant et l'obsession de la liberté. le hasard va faire s'entrechoquer leurs existences, pour mener chacun vers l'horizon qu'il attendait. Dans ce roman choral, trois voix, trois visions du monde, se succèdent, entre rage et découragement face aux bouleversements de la planète. Au rythme de cette valse à trois temps, Jennifer Murzeau ausculte l'état de la société contemporaine et du coeur humain, pour mieux ranimer l'irréductible aspiration au bonheur de ses trois personnages, criants de vérité. http://bit.ly/3bHEo6n
Née à Charleville-Mézières en 1953, cette romancière publie en 2001 "La Forge au loup", en mémoire de son grand-père, engagé volontaire en 1915, à dix-sept ans. De qui s’agit-il ?