— Personne ne connaît l’avenir, dit-elle. Personne ne peut savoir ce qui va se passer. Mais être en sécurité, cela ne veut pas dire ne jamais vivre de choses pénibles. C’est savoir que les événements pénibles ne peuvent nous séparer. Tu comprends ? Peu importe ce qui se passe. Ta famille t’aime quoi qu’il arrive et tu peux tout surmonter si tu en as conscience.
En la voyant écrire notre adresse à Homs, je me demande où iront les factures, maintenant que la maison n'existe plus. Le simple nom d'une rue sur un bout de papier suffit-il à prouver que vous habitiez là avec votre famille ?
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Mais il y avait eu quelque chose dans ses yeux quand il s’était incliné devant elle, quelque chose de doux et de discret, semblable au souffle de la mer qui se retire. Cela éveillait quelque chose en elle.
Quand nous avons fini le pain, nous mangeons la viande et le riz avec nos doigts. Le plat a le goût du rire, des couvertures chaudes, des chaussettes sèches et des histoires du soir.
Chaque dépense, désormais, est comme une pluie de sauterelles venue grignoter le peu qui nous reste.
Les djinns sont aussi réels que toi et moi. Mais la plupart d'entre eux ont été enfermés dans des geôles exigües, il y a fort longtemps de ça. En attendant qu'on les libère, ils veillent sur le savoir du monde ancien.
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Ash-Sham * se trouvait au cœur d’une vaste plaine irriguée nommée la Ghouta, couverte de champs verdoyants, de vergers et de hameaux. Aux yeux des habitants de la région, elle était ce qu’il y avait de plus proche sur Terre du paradis. Une vallée pleine d’arbres fruitiers et de rivières, nommée l’oued al-Banafsaj - la vallée des violettes - s’étendait sur vingt kilomètres depuis la porte occidentale d’ash-Sham.
* Damas
Quand j'étais petite, elle (Mama) ne parlait arabe qu'avec Baba. Désormais, elle le parle avec tout le monde et ne passe à l'anglais qu'avec moi. Ca me donne l'impression de ne pas être à ma place dans ce pays.
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- On revient toujours sur les lieux de la mort. C'est comme si quelqu'un qui meurt ouvrait une porte et qu'on ne pouvait pas s'empêcher d'aller jeter un coup d'œil de l'autre côté.
- Peut-être que le plus important, ce n'est pas ce qui se trouve derrière, mais ce qui ne s'y trouve pas, murmure Youssouf.
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Houda et elle dégagent la même odeur - le gris vert du cumin et du fer. Sitt Shadid rit et se balance d’avant en arrière. Elle chante de vieilles mélodies arabes, et Oum Youssouf l’accompagne de sa voix rouge rubis. Les notes de Sitt Shadid sont de chauds tourbillons bruns comme la cannelle et roses comme le bois de hêtre : toute la pièce bourdonne avec eux. Mes yeux se ferment, mon menton retombe sur ma poitrine. J’écoute jusqu’à ce que je n’entende plus les chansons ; je ne vois plus que leurs couleurs, la façon dont les notes se serrent les unes contre les autres, beaucoup plus que dans la musique occidentale.