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3.21/5 (sur 12 notes)

Nationalité : Belgique
Né(e) : 1988
Biographie :

Jérémie Brugidou est né en 1988 et vit à Bruxelles, Ici, la Béringie est son premier roman. Il est un artiste-chercheur para-disciplinaire, réalisateur et écrivain. Il a réalisé plusieurs films (BX46 en 2014 et Le chant de la nuit en 2017, avec Fabien Clouette).

Source : https://trames.xyz/auteur/brugidou-jeremie
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Dans cet épisode d'Effractions : le podcast, Sylvie Crasquin, directrice de recherche au CNRS et spécialiste des grandes crises de la biodiversité au cours des temps géologiques, parle du livre Ici la Béringie, de Jeremie Brugidou. Dans ce roman, l'auteur se penche sur cette terre immergée sous le détroit de Béring et probablement habitée pendant des millénaires avant d'être recouverte par la mer. Cet épisode a été préparé par Monika Prochniewicz Lecture par Caroline Girard Réalisation : Michel Bourzeix et Gilles d'Eggis Musique : Thomas Boulard Extrait lu : Jeremie Brugidou, Ici la Béringie, © Editions de l'Ogre, 2021 Ce podcast a été enregistré dans les studios du Centre Pompidou. Retrouvez sur notre webmagazine Balises le dossier "Effractions : le podcast" en lien avec l'ensemble des podcasts du festival Effractions : https://balises.bpi.fr/dossier/effractions-le-podcast/ Suivre la bibliothèque : SITE http://www.bpi.fr/bpi BALISES http://balises.bpi.fr FACEBOOK https://www.facebook.com/bpi.pompidou TWITTER https://twitter.com/bpi_pompidou

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Citations et extraits (7) Ajouter une citation
Agenouillée avec les autres sur une terre surprise de sa mise à jour soudaine, je marche indélicatement sur des rêves.
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Le ravitaillement se fait attendre depuis une semaine. Myza garde ce sourire inimitable qui est pour Hushkins la matérialisation de la confiance. Hushkins propose aux deux camarades un nouveau camp de base pour la suite des recherches, quand le ravitaillement sera arrivé, de l’autre côté du lac à l’intérieur des terres, sur un plateau plus exposé au vent. Il faut bien éliminer l’hypothèse d’une propagation éolienne. Ce sera sans doute moins confortable. Myza sourit. Les précautions des Blancs lui ont toujours inspiré un sourire ironique. Il se souvient des têtes indigènes fichées sur leurs propres harpons tout le long de la péninsule devenue base militaire soviétique. La décision était tombée sous la forme d’un colis jeté depuis un avion. Ils avaient une semaine pour se déplacer. Où ? Personne n’y avait songé. Les chasseurs de la côte n’y avaient pas accordé d’importance et, de plus, la saison battait son plein. Une semaine plus tard, une frégate militaire ramenait de sa chasse un filet de têtes indigènes et les soldats avaient pris soin de les empaler sur des harpons plantés tous les neuf mètres le long de la frontière de la nouvelle base. Leurs cheveux battaient au vent.
Myza, ça lui est égal, il aime ces terres, avec ou sans vent, et cette expédition est la seule possibilité pour lui d’y revenir. Il a quelque chose à y retrouver. Depuis la grande confiscation par les étrangers russes et américains, seules les expéditions scientifiques ont accès au lieu. Étudier puis civiliser l’extrémité du territoire, achever le travail inabouti des missionnaires orthodoxes, favoriser les échanges. Le commerce des peaux et de l’ivoire a englouti les autres habitants de la péninsule, comme les isatis, ces renards bleus des banquises ; fourrures de phoque, d’ours blanc ou de renne, peaux de zibeline et de glouton, défenses de morse sculptées ou non, sans parler de l’huile et des fanons de baleine. Appétit vorace des visiteurs étrangers et flots de mauvaises eaux-de-vie. Le XIXe siècle avait vu la grande baleine boréale et les camarades morses chassés jusqu’à quasi-extinction. Il n’y a pas si longtemps, on rencontrait sur les côtes du Kamchatka, rapportés par les courants, à peine plus de carcasses de morses décapités que d’humains boréaux massacrés. Le bruit de la dékoulakisation se répand maintenant sur les steppes et pourrait bien à nouveau tout faire basculer. Il lui semble entendre les porte-voix : « Le pouvoir aux pauvres vers l’avenir radieux et unique du communisme soviétique. » Il faut profiter de la moindre fenêtre de vent avant le rétrécissement définitif du monde. Et puis, un autre projet est en cours, qui fait sourire Myza.
Sigafoos, ancien braconnier à l’ouest, trappeur et homme des bois, diplômé de l’université de Seneca, suit Hushkins depuis qu’il a fini son doctorat sous sa direction. Il lui doit toutes ses découvertes botaniques. Sur les recommandations de Hushkins, il a effectué le tout premier prélèvement de colonne de glace dans un lac des terres confisquées d’Alaska et y a découvert une véritable frise chronologique à unité pollen. Mais pour la première fois, il émet un doute. S’ils cherchent des traces de pollens, pourquoi aller fouiller les plaines balayées? Il entrevoit déjà sur les plaines plus exposées des pollens disséminés au vent frappant les tiges sèches. Il voit se profiler les énormes lacunes dans le registre phylochromatique de son carnet. Il voit la fébrilité du chef. Pour le convaincre, Hushkins lui parle des mousses, lichens et couverts de roche qu’il a recensés en Alaska sur les falaises les plus exposées. Des structures et des motifs végétaux officiellement endémiques, mais qu’il espère retrouver également ici, sur cet autre côté de la mer de Béring. On perd l’itinéraire précis des pollens, mais on trouvera le réseau des mousses. Sigafoos sent bien que Hushkins les emmène sur une voie dont il dissimule le cap, il voit bien le regard embrumé du vieux maître et, pour la première fois, sent l’issue incertaine de cette expédition. Mais Myza trace déjà l’itinéraire jusqu’aux lichens.
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Ce sol, cette Beringie, je le vois veinée de forces vives et brutes qui font trembler la terre et hurler la foret, je vois des âmes gigantesques au pas délicat et dont l'écho nous parviens avec un temps de latence. Et je sens que c'est dans cette latence que je plonge. La latence provoquée par ma propre presence ici. Au fond de cette fosse, au fondu canyon de la Jeanne de nui, se niche peut-etre la solution à mon énigme.
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Tu dois trouver l’histoire qui raconte la fin, Sélhézé, tu pues le rêve. Au camp, on voit bien que tu ne te rembrunis toujours pas. Les Qui-Collectent reviennent des autres directions et sentent le bois sec. Tu ne peux pas rester éternellement sans lieu au sein du camp. Les lois stabilisant l’interdépendance des collectifs sont sévères. En dehors des phases de transition, nul ne peut être sans lieu sans en subir les conséquences sociales. Ta présence est une nouvelle liminalité qui brise l’équilibre strict des échanges. Si tu ne peux tenir ton lieu dans le circuit des paroles, des corps et des dons, il faudra encore t’éloigner. L’agile-peintre comprend ton craquèlement, elle t’apprend la gravure de la métamorphose ; une spirale dans le coin supérieur d’une forme elliptique. Elle te confie secrètement un outil de pierre noire, plus dur que l’obsidienne et le jade, taillé en pointe, pour établir le contact. Tu sauras t’en servir.
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Le campement a été installé sur la plage voisine, sur un des escarpements créés par les nombreux reflux de la mer de Béring au cours des derniers soixante millions d’années. Depuis la fameuse expédition Hushkins, cet endroit éveille les fantasmes scientifiques. Dès que les relations internationales l’ont permis, le terrain a très vite été enseveli sous les activités et les discours scientifico-entrepreneuriaux. Ces derniers temps, leur accumulation accélérée laisse entrevoir une sale tournure. Le désastre à venir sera sans doute aussi fracassant que l’a été la découverte de ces lieux. J’imagine une fin tragique à l’image de celle de l’expédition Hushkins, qui a involontairement ouvert la voie à toute cette machinerie d’extraction.
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Malgré le ressac, le ferry manœuvre élégamment au plus proche de la grève d’Ouelen. Le sable froid reçoit mes pieds et le vent de la toundra sibérienne m’accueille. Sur la jetée, William me tend immédiatement le carnet. La couverture épaisse et gondolée est auréolée de traces de sel. Sensation mêlée de douceur et de rugosité, je passe ma paume tout autour. Impression de caresser une vieille bête aux poils cristallisés par la mer. Je ne l’ouvre pas tout de suite. William m’a contactée il y a quelques mois pour rejoindre cette mission de sauvetage archéologique et diriger les fouilles de l' »arche aux baleines ». C’était l’occasion de retrouver Naomi et d’explorer une piste plus personnelle. Le carnet avait été remis à William dans une enveloppe à mon nom par l’un des locaux engagés sur le terrain de fouilles. C’est ce qui a précipité mon départ. J’ai tout de suite su que c’était un message de mon frère, même si William m’expliquait au téléphone qu’il s’agissait visiblement d’un carnet authentique, jusque-là perdu, d’une expédition scientifique qui s’était déroulée ici il y a environ un siècle.
Demain, je dois rencontrer les rangers de l’immense parc de conservation qui jouxte la zone de fouilles pour évoquer les « fuites » d’ivoire de mammouth. L’augmentation brutale de la fonte du permafrost avait pris tout le monde de court. D’anciens vestiges biologiques très bien conservés avaient émergé dans le Grand Nord et provoqué une ruée vers les ossements. On retrouvait mammouths, dents de sabre, saïgas, tous les classiques. Parfois, on découvrait aussi des structures préhistoriques comme l’arche aux baleines et alors, dans l’urgence, on faisait appel à moi. Naomi m’avait parlé du trafic important de parties animales décongelées qui transitait par les bateaux de pêche du détroit. Ça provoque parfois certains accrochages avec les orques qui migrent et qu’elle observe en ce moment. Après des mois de séparation, je la rejoins enfin.
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Enfoncer les doigts dans le sable. Humer les tiges de jonc humides. Réveiller les paumes au lichen. Relier les deux monde. Au pied des volcans, les plages pareilles aux jours se chevauchent et dessinent une carte du temps. Un battement par siècle.
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