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Citation de enzo92320


[Horloge biologique et rythme circadien]

Les horloges internes s’ajustent constamment aux signaux circadiens – en particulier les cycles lumière/obscurité et les changements de température chaud/froid. Pour rester en bonne santé, il est essentiel que l’organisme soit capable d’anticiper les transformations de l’environnement extérieur et d’y réagir. Durant la phase d’activité, notamment pendant la recherche d’aliments comestibles ou la chasse, l’organisme doit réagir rapidement, pour fuir comme pour combattre. La digestion, les fonctions du système immunitaire et la régénération ont lieu pendant les cycles de repos et de sommeil : leur programmation et leur déploiement dans le temps sont donc entièrement différents. Et il y a aussi toutes les autres activités internes qui s’ajustent en permanence aux changements de l’environnement extérieur au fil d’un jour circadien, et qui ont besoin d’une gestion temporelle et d’une synchronisation permanentes : le rythme cardiaque, les niveaux hormonaux, etc.

Il existe de nombreuses preuves du lien entre maladies humaines et désynchronisation des horloges biologiques. Pensons, par exemple, à la lumière artificielle. Pendant deux cent mille ans, les humains et les autres êtres vivants n’ont connu que la lumière naturelle, émise directement par le Soleil et indirectement par la réflexion de ses rayons sur la Lune. Aujourd’hui, l’éclairage électrique a créé à toute heure de la nuit un jour artificiel. Il interrompt le sommeil de millions de personnes et perturbe des millions d’autres qui travaillent de nuit.

Des générations entières, qui vivent en milieu urbain densément peuplé et partiellement illuminé vingt-quatre heures sur vingt-quatre, n’ont jamais connu l’univers éclairé par les étoiles et les neuf galaxies visibles à l’œil nu sur un ciel obscur. C’est triste, mais les nouveaux produits attractifs proposés par les voyagistes aux touristes sont des vols vers une poignée de « réserves naturelles de ciel noir » : les rares endroits inhabités sur Terre où ils pourront s’émerveiller de l’univers.

Ces dernières années, de nouvelles études ont montré que la lumière artificielle, la nuit, dérègle nos horloges biologiques en inhibant la sécrétion de mélatonine par la glande pinéale. On soupçonne même que cette inhibition accroît les risques de cancer du sein et de la prostate.

Certaines recherches prouvent que le déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité chez l’adulte s’accompagne de troubles du sommeil, qui peuvent aggraver la maladie. Une série de travaux ont montré que les travailleurs de nuit ont tendance à souffrir davantage de cardiopathies, de diabètes, de maladies infectieuses et de cancers. De nombreuses études suggèrent un autre lien tout aussi inquiétant : la perturbation du rythme circadien joue un rôle dans le déclenchement de maladies mentales graves, notamment la schizophrénie et le trouble affectif bipolaire.

[…]

En plus des rythmes circadien, lunaire, tidal (celui des marées) et circannuel, les scientifiques ont découvert des rythmes ultradiens. Ils apparaissent à l’intérieur d’un cycle de vingt-quatre heures et sont de durée variable – par exemple, un battement cardiaque dure moins d’une seconde. Nous savons maintenant que, chez les espèces animales – moins chez les végétales –, des centaines de processus qui maintiennent le modèle dissipatif du corps sont totalement dépendants d’horloges biologiques endogènes opérant dans chaque cellule, toutes synchronisées dans une symphonie élaborée que nous appelons un « être » et que nous devrions appeler, pour être exact, un « devenant ».

David Lloyd, microbiologiste à l’École de biosciences de Cardiff (Royaume-Uni), résume ainsi l’état de nos connaissances scientifiques sur le rôle primordial que jouent nos horloges endogènes : « Un chronométrage interne strict est inhérent au contrôle coordonné de chacune de nos fonctions biochimiques, physiologiques et comportementales, ainsi qu’à nos humeurs et à notre vitalité. »

Les horloges ultradiennes les plus courantes sont les horloges circhorales (proches d’une heure). Le rythme de base activité/repos de notre espèce a été très bien étudié : il est d’à peu près quatre-vingt-dix minutes. Il y a un demi-siècle, un psychologue américain enseignant à l’université de Chicago, Nathaniel Kleitman, a découvert que les êtres humains ont un cycle temporel réglé sur une activité concentrée de cette durée, après quoi s’installe une phase de repos.

Les rythmes ultradiens programment les routines journalières des modèles d’activité de chaque espèce, notamment « en synchronisant des processus compatibles et en empêchant l’activation simultanée de processus incompatibles ; en préparant les systèmes biologiques à répondre à des stimuli tels que la communication de cellule à cellule ; en maintenant l’intégrité et la réactivité des neurones ; en interagissant avec les rythmes circadiens ».

Les rythmes ultradiens orchestrent, entre autres, le profil temporel du cycle ovarien et synchronisent l’activité reproductive avec les changements de l’environnement externe et interne. Ils alertent un organisme de la menace d’un prédateur en augmentant la température du corps et en coordonnant les phases de réaction et de réponse.

Un des rôles les plus importants des horloges biologiques est la synchronisation de toutes les fonctions qui doivent se dérouler sur une période de vingt-quatre heures. L’espace dans une cellule, ou même un organe, est très limité, par exemple. Il faut donc compartimenter les moments dans un « emploi du temps », une programmation temporelle, pour que les activités se déroulent dans le bon ordre et que chacune puisse disposer du temps qui lui est nécessaire. Maximilian Moser, de l’Institut de psychologie de l’université médicale de Graz, insiste sur le rôle central que joue la programmation temporelle dans le maintien des modèles d’activité d’un organisme :

La compartimentation du temps permet à des événements opposés de se produire dans la même unité d’espace : il y a des polarités dans l’univers de notre corps, elles ne peuvent pas advenir simultanément. Systole et diastole, inspiration et expiration, activité et détente, état de veille et sommeil, réduction et oxydation ne peuvent pas s’effectuer […] en même temps au même endroit.

Une cellule en bonne santé reste synchronisée à ses horloges biologiques et à ses processus métaboliques : voilà la leçon. Autrement dit, la cellule respecte l’emploi du temps qui lui est alloué par les horloges ultradiennes et circadiennes pour accomplir chacune de ses fonctions métaboliques. Bref, au niveau de la dynamique interne de chaque organisme, la temporalité est programmée pour chaque fonction sur un cycle circadien de vingt-quatre heures afin d’assurer le bon fonctionnement de l’ensemble.

Nous sommes donc de plus en plus détachés et coupés du rythme circadien du jour et de la nuit, grâce auquel notre espèce a pu sécuriser son modèle d’existence.
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