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Citation de enkidu_


Un autre aspect de l'œuvre de Max Weber doit être rappelé. À l'opposé des thèses selon lesquelles la modernité ne peut naître que d'une laïcisation de la pensée, il met l'accent sur ce qui, dans la religion, favorise les conduites rationnelles, et se montre « sensible aux potentialités rationalisatrices des religions de la transcendance » (Philippe Raynaud). Sur de telles bases, on en vient assez aisément à attribuer au christianisme un rôle majeur dans la formation de la rationalité occidentale et dans l'expansion européenne. Max Weber ne voit-il pas dans la nouveauté radicale de la temporalité chrétienne l'une des clés de l'expérience unique de l'Occident et de son destin hégémonique ? Quant à l'analyse méthodiquement menée par Marcel Gauchet, elle inscrit au cœur de la dynamique occidentale un phénomène justement situé durant le Moyen Age : la « libération de la dynamique originelle de la transcendance » (entendons par là la logique qui sépare l'humain et le divin, la nature et la surnature, le visible et l'invisible) . Or, c'est en nouant ces ordres de réalité que l'Incarnation en signale l'écart irrémédiable. Et tandis que les religions antérieures se proposaient de régenter l'ici-bas, l'investissement sur l'au-delà qui caractérise le christianisme tend, en dépit des effets contraires induits par l'institutionnalisation de l’Église, à libérer en partie le monde du poids de la religion et à préparer l'acceptation et l'amour des réalités terrestres. Ainsi, à mesure qu'il assume la dynamique de la transcendance - à mesure, si l'on veut, que Dieu se retire du monde -, le christianisme amplifie la possibilité d'une objectivation du réel et d, une connaissance rationnelle de celui-ci. À terme, la dynamique de la transcendance produit une rupture entre l'être et le devoir-être, qui rend capable de s,opposer au monde, pour l'affronter et le transformer.

Pour Marcel Gauchet, le christianisme serait ainsi « la religion de la fin de la religion », et la modernité résulterait non pas de son affaiblissement mais de la radicalisation de ses potentialités. (pp. 766-767)
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