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Citation de SZRAMOWO


C’est en Versailles que, l’été, par la petite route qui longeait et surplombait la mer, nous allions à la pointe du Hoc. La Versailles était une version régalienne de la Simca Vedette, dont l’avant ressemblait à une mâchoire de requin et dont l’arrière était prolongé par deux ailerons. Cette grosse voiture noire aux roues bicolores, qui semblait plus l’embarrasser que l’avantager, mon grand-père paternel la conduisait très lentement, jusqu’à la faire hoqueter. À force de freiner, il réussissait même à caler en descendant. Dans les rues de Paris, il l’utilisait le moins possible. Si l’urgence lui commandait de la sortir, il se mettait au volant, mais à contrecœur et avec une inquiétude disproportionnée. Il emmena ainsi ma mère, enceinte d’Olivier et de moi, à la maternité de la rue de Marignan avec une telle prudence et de si longs atermoiements que, malgré les suppliques répétées de sa passagère – « Père, je vous en prie, dépêchez-vous ! » –, elle faillit accoucher en chemin. (En ce temps-là, l’affection était protocolaire ; on donnait du « Père » à son beau-père et du « Mère » à sa belle-mère.)
À Saint-Laurent-sur-Mer, dans le Bessin normand, où la maison de famille, acquise cinq ans après le débarquement allié et baptisée La Caravelle, était postée à l’entrée du village, au milieu d’un tournant, le temps était moins compté et la circulation automobile, inexistante. Et pourtant, le professeur Raymond Garcin persistait à se méfier, comme d’un animal carnivore aux réactions imprévisibles, de son imposante et rugissante Versailles.
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