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Citation de Charybde2


L’itinéraire labyrinthique intrigua Johan, qui se posait des questions sur l’équilibre mental du préposé à la signalisation. Sens uniques ou interdits se succédaient sans faiblir, au point que Reuleville, un instant agacé, finit par s’isoler dans une impasse. Le panneau qui la signalait était à moitié recouvert par les feuilles d’une glycine indomptée, qui débordait d’une murette de clôture. Un sourire contrit servit d’excuse à l’officier de gendarmerie. Au cours de ce trajet pour le moins sinueux, ils ne croisèrent que peu de véhicules. L’espace paraissait plutôt dévolu aux piétons, qui eux ne manquaient pas, emmitouflés et encapuchonnés pour se protéger du froid et du vent qui gagnaient sur les hauteurs. Une fois le véhicule garé aux abords d’une grande place, dont l’esplanade semblait faite d’un marbre doré, à peine taché par les intempéries et les oiseaux, ils firent route vers le cœur de la vieille ville. Johan admira en s’éloignant les magnifiques bâtisses collées les unes aux autres qui bordaient la place, toutes installées avec autorité sur d’antiques arcades. Il releva l’épaisseur considérable de ces dernières : leurs assises dépassaient le mètre en certains endroits. Certaines maisons se penchaient de façon croquignolette, comme si elles étaient prises d’une ivresse passagère et sans incidence, sachant pouvoir compter sur la solidité des galeries. Une force sourdait de cet endroit, qui partait du tréfonds de la terre pour rejoindre le dôme du ciel.
Ils s’engagèrent dans une venelle que Johan n’aurait pas remarquée sans Reuleville. Elle grimpait un peu, et il trébucha sur un pavé bosselé ; une faute due à la curiosité : la rue étroite recelait de petits trésors d’architecture figurative. Alors que Johan s’attendait aux représentations classiques de goules, de stryges et autres démons ancestraux dans un tel sanctuaire médiéval, il ne vit aux frontispices des portes, aux bords des fenêtres ou au bout des faîtières que d’élégantes statuettes, visages épanouis d’enfants ou de femmes jeunes, comme nettoyés et brossés de la veille, débarrassés des mouchetures noirâtres du temps. Quelques commerces s’égaillaient dans le passage, un pharmacien, un bouquiniste, une crêperie, un serrurier. Des choses banales dans un endroit paisible. Reuleville marchait assez vite ; quelques mètres les séparaient. Johan pressa le pas pour le rejoindre quand il tourna sur sa gauche. Le gendarme, sans se tourner, lui montra du doigt le panonceau indiquant le nom de la ruelle qu’ils empruntaient à présent : la rue des Paillons.
– On arrive, dit-il simplement.
Johan ne répondit rien. Cette fois, la rue, dallée de lourds pavés à l’instar de toutes les autres, descendait franchement. Aucune maison ne paraissait avoir la même hauteur : certaines, petites et fines, se blottissaient au milieu d’opulentes dont les toits pointus et à multiples déclivités dessinaient des arabesques dans le jour mourant. Les réverbères anciens, bien que disposés à des intervalles peu réguliers, éclairaient avec netteté la rue pentue et la plaque étrange devant laquelle Johan et le capitaine Reuleville s’arrêtèrent.
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