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Critiques de Jesse Byock (3)
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L'Islande des Vikings

Curieusement, l’Islande médiévale fait figure d’utopie pour deux catégories de personnes : les anarchistes et les ultralibéraux. La raison en est simple : de sa colonisation à partir de 850 jusqu’à 1264, date de sa soumission au roi de Norvège, le pays a vécu sans pratiquement aucune forme d’état organisé. Alors que partout ailleurs en Europe triomphait le modèle du féodalisme, l’Islande n’avait ni roi ni nobles ni administration !



A cela une raison simple : sa pauvreté. L’île n’a pratiquement aucune ressource minérale ; ses forêts furent vites abattues et ne se reconstituèrent jamais, ce qui limitait drastiquement les capacités nautiques, et donc la pêche. Sa principale richesse était donc la terre, utilisée pour l’élevage extensif et morcelée en quelques milliers de fermes. Il n’y avait pas de centres urbains ni même de villages, la production agricole étant trop faible pour dégager un excédent. L’île n’intéressait donc personne, et ne fut jamais attaquée, sauf par des esclavagistes arabes au XVIIème siècle. Elle n’avait donc pas besoin d’armée, pas d’infrastructures à entretenir, très peu de commerce ou d’artisanat.



Ses structures politiques se limitèrent alors au minimum : pas d’exécutif, et des pouvoirs législatifs et juridiques détenus par des assemblées (les ‘things’) de district, puis au niveau national une sorte de cour suprême, l’Althing, qui constitue le plus vieux parlement du monde. Tous les hommes pouvaient y siéger, en théorie à égalité, et y réclamer justice. Assez idyllique sur le papier, non ?



La réalité était beaucoup plus complexe. Dans les faits, la société se divisait en deux catégories : ceux qui avaient des terres et ceux qui n’en avaient pas. Le livre parle peu de la deuxième catégorie, valets de fermes, métayers, vagabonds... Seule la première comptait vraiment. Les paysans propriétaires (les ‘bendrs’) étaient le fondement de la vie publique. Les plus puissants d’entre eux pouvaient même acheter un titre de représentant officiel : les ‘godis’. Si la soixantaine de godis existants étaient les principaux acteurs de la vie politique islandaise, leur position n’est pas évidente à comprendre. Le titre de godi pouvait s’acheter, se vendre, se léguer et être co-détenu. Les paysans choisissaient eux-mêmes de quel godi ils voulaient dépendre, sans aucune considération pour la géographie – on pouvait tout à fait habiter dans le nord-ouest et choisir un chef du sud-est. Un godi n’était pas obligé de défendre ses affiliés, pas plus que ces derniers de le soutenir : tout se faisait au bon vouloir, et généralement contre compensation.



Mais alors à quoi servaient les godis, et pourquoi en avoir un ? Simple : en cas de conflit avec un voisin, sans le soutien d’un godi puissant, les chances d’obtenir justice étaient à peu près nulles. Peu importait que les lois soient de votre côté ou non. Mais qu’est-ce qui empêchait les godis de tout s’accaparer alors ? D’une, la difficulté à gérer de grands domaines dans un pays comme l’Islande. De deux, la rivalité entre eux. Quand l’un d’entre eux dépassait les bornes, le fauteur de trouble finissait souvent assassiné par celui qu’il essayait de dépouiller, avec l’accord tacite des autres chefs inquiets de voir un rival trop monter en puissance. En cas de procès par la famille de l’assassiné, l’assassin était garanti de s’en tirer sans problème.



C’est que pour les Islandais anciens, la justice n’avait aucun rapport avec notre concept philosophique d’idéal absolu. L’objectif premier de l’Althing était bien plus simple : éviter le déchainement de longues et interminables vendettas, qui auraient mis en péril une communauté fragile. Les lois n’étaient pas un code que tout un chacun était censé respecter, plutôt des arguments dans les querelles. Les arbitrages et conciliations jouaient un rôle primordial ; les refuser était particulièrement dangereux, même pour un grand chef ; s’en dédire après coup quasiment le pire crime possible.



La tradition des sagas islandaises est l’une des plus riches du monde nordique, mais contrairement à celle de leurs voisins danois ou norvégiens, elles ne parlent donc pas de guerre et de pillage : elles racontent d’interminables conflits et chicanes juridiques pour quelques maigres pâturages ! Avec de temps en temps un assassinat ou deux, mais pratiquement jamais plus. Et d’après les extraits, elles ont tout de même l’air passionnantes !



Un petit mot sur la place des femmes : elles étaient soumises aux mêmes sanctions que les hommes… Mais ne pouvaient pas intenter d’action en justice ni siéger dans les assemblées, alors même qu’elles pouvaient être propriétaires de terres. N’étant pas justiciables, tuer une femme était considéré comme inadmissible, et le cas semble avoir été exceptionnellement rare – pour autant qu’on sache.



Mais ce système eut une fin. Peu à peu, six familles en perpétuelle rivalité parvinrent à accaparer le gros des ressources et des vassalités, et les conflits entre elles devinrent de plus en plus violents. Finalement le roi de Norvège, après avoir discrètement attisé les querelles, se présenta comme seul recours pour obtenir la paix, et le pays décida de faire sa soumission. Ce système unique disparut rapidement, et l’Islande devint une province européenne comme les autres.



Un livre clair et passionnant pour nous plonger dans un monde à la fois étrangement complexe et étonnamment simple.
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L'Islande des Vikings

Entre le IXe et le XIIIe siècle, l'Islande s'affirma comme le premier état de l'Europe occidentale à fonctionner sur le principe d'une société autogérée : démocratie directe, partage des biens et des richesses, justice sociale, égalitarisme. Un état libre, un exception dans l'espace médiéval.

C'est ce que révèle le livre de Jesse Byock (ci-dessous), un ouvrage plein d'érudition mais qui se laisse aisément lire.

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L'Islande des Vikings

Entre le IXe et le XIIIe siècle, l'Islande s'affirma comme le premier état de l'Europe occidentale à fonctionner sur le principe d'une société autogérée : démocratie directe, partage des biens et des richesses, justice sociale, égalitarisme. Un état libre, un exception dans l'espace médiéval.

C'est ce que révèle le livre de Jesse Byock (ci-dessous), un ouvrage plein d'érudition mais qui se laisse aisément lire.

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