Critiques de Jessica L. Nelson (75)
Ma foi, je crois que j’ai choisi la bonne formule et qu’à défaut d’avoir de l’auteur du Diable au corps une image absolument détestable, j’ai, grâce à la lecture de sa biographie romancée par Jessica L. Nelson, mieux compris le poète maudit qu’était Raymond Radiguet.
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Commençons, comme moi dans cette expérience, par le texte classique. Y figure une romance entre François, âgé de 16 ans et Marthe plus âgée que lui et fiancée à un soldat alors sur le front (nous sommes en 1917). François est un ado insupportable, ce qui m’a rendu cette lecture difficile. Il trompe ses parents, manipule son amante, il est arriviste et pourrait illustrer de son portrait la définition de la misogynie. En résumé, il n’a de respect pour personne si ce n’est lui-même.
Un texte certes bien écrit mais aux propos vieillis et indigestes.
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J’étais pourtant décidée à lire l’œuvre de Jessica L. Nelson m’indignant déjà : « comment une femme pouvait elle consacrer tant de temps à l’étude d’un type pareil ? »
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Le premier tiers du roman me confortait puisqu’il s’agit de l’historie de Raymond et d’Alice dont on voit tout de suite qu’elle a très très largement servi les portraits de François et de Marthe. Puis le texte s’étend sur la psychologie de Radiguet, ses traumatismes et ses angoisses et surtout son besoin de réussir, vite. Car, déjà adulte dans un corps d’enfant, il devine qu’il ne vieillira pas. Il le sait et aussi incroyable que cela puisse paraître, son court avenir lui donnera raison. C’est donc avec une rage de vivre certaine et urgente que Radiguet a voulu grandir puis vieillir, faisant fi de certaines conventions, ne s’encombrant pas de bons sentiments et tirant le maximum de toutes ses relations. Il deviendra ainsi le protégé de Max Jacob et surtout de Jean Cocteau grâce à qui il sera édité pour son Diable chez Grasset à 18 ans seulement.
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Alors bien sûr, sa conduite reste moralement discutable. Même au beau milieu des années folles. La précocité et la lucidité n’excusent rien d’autant qu’on perçoit bien que Radiguet œuvrait en pleine conscience … son texte s’est d’ailleurs longtemps intitulé « L’Âge ingrat ». Ange déchu ou génie condamné aux enfers, il faut sans doute plaindre Radiguet d’avoir menée une si courte et si mauvaise vie.
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Avec Brillant comme une larme, on plonge dans le Paris mondain de la Première Guerre Mondiale pour suivre la vie de Raymond Radiguet, jeune écrivain, qui deviendra l’auteur du Diable au Corps.
Radiguet brûle la vie par les deux bouts. Assoiffé de réussite, il n’hésite pas à user de ses charmes pour arriver à ses fins, faisant tourner la tête et le cœur de ses prétendants, hommes et femmes.
Cette œuvre est magnifiquement documentée. Biographie, roman, un peu les deux ? au final, peu importe, Radiguet émeut, fascine, transporte.
Les descriptions sont si fines que, le temps de la lecture, j’ai réussi à oublier que je vivais, moi, dans une réalité qui se déroule un siècle plus tard.
Une très belle œuvre, à découvrir, que l’on connaisse ou non Radiguet, tant le côté romancé est plaisant.
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Passionnant roman biographique ou biographie romancée sur Raymond Radiguet (1903-1923), météore de la littérature française au sortir de la première guerre mondiale, auteur du "Diable au corps" écrit à 19 ans, emporté par la fièvre typhoïde à 20 ans.
On suit Radiguet de 1917 à 1923, de son histoire d'amour avec Alice, alors qu'il n'a que 14 ans, l'institutrice de 10 ans son aînée, mariée à un poilu qui sera Marthe dans "Le diable au corps" à sa profonde amitié avec Cocteau à travers le Paris du début des Années Folles.
Jessica L. Nelson n'essaye pas de faire de Radiguet un héros, un mythe, un dieu; elle le dépeint tel qu'il était avec ses défauts, son égoïsme, sa soif d'être reconnu à tout prix et sa volonté de laisser une trace en littérature; il est lâche et inconstant avec les nombreuses femmes qu'il séduit et qu'il abandonne.
Et pourtant, nous sommes attirés par cet adolescent hors norme, brillant, d'une intelligence remarquable, rongé par ses démons et ses excès de toute sorte : alcool, femmes, drogue, fêtes nocturnes sans fin. On ressent sa fièvre d'écrire , l'accouchement difficile de ses textes; on découvre le processus de l'écriture chez lui mais aussi chez Cocteau. Radiguet est un insatisfait perpétuel, toujours à la recherche de plus, de plus haut, de plus loin.
Nous entrons, avec Radiguet dans le Paris d'après-guerre, qui attire les artistes du monde entier, bouillonnant , exubérant, innovateur et nous faisons la connaissance de Picasso, Apollinaire, Aragon, Breton, Modigliani, Max Jacob et d'autres.
J'ai aimé découvrir plus intimement cet auteur que j'avais lu adolescente et que j'ai envie de relire maintenant que je le connais mieux; j'ai aussi aimé évoluer avec Radiguet dans ce Paris du début des Années Folles au plus près de celles et ceux qui ont marqué de leur empreinte artistique cette période féconde. Un petit bémol au sujet des deux séances de spiritisme à quelques mois de la mort de Radiguet que j'ai trouvé totalement incongrues.
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Jessica Nelson parvient avec sensibilité et une délicatesse exquise à ressusciter le météore du génie littéraire que fut Raymond Radiguet.
Son talent romanesque nous transpose au cœur des tourments qui agitent et torturent le jeune prodige, et finiront par l’emporter.
Un livre qui nous tient et ne nous lâche pas...
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Je termine avec délectation cette biographie romancée à la plume élégante et évocatrice après avoir relu Le Diable au corps, que j'ai trouvé d'une puissance troublante, alors même que le narrateur m'était antipathique et le style dépouillé. Qu'il s'exprime avec autant de recul à même pas 20 ans est impressionnant : "Ces escarmouches peinaient Marthe ; assez intelligente et assez amoureuse pour se rendre compte que le bonheur ne réside pas dans la considération des voisins, elle était comme ses poètes qui savent que la vraie poésie est chose "maudite", mais qui, malgré leur certitude, souffrent parfois de ne pas obtenir les suffrages qu'ils méprisent."
Pendant la 1re partie de Brillant comme une larme, j'avais l'impression de relire une 2e fois le chef-d'oeuvre de Radiguet, puisqu'il s'est inspiré de sa liaison aussi brève qu'intense avec Alice pour dépeindre celle que le narrateur du roman entretient avec une certaine Marthe, institutrice et peintre amateur. Beau parleur et manipulateur, "Ray" n'aime rien tant que ce qui lui résiste ; sûr de son talent et très audacieux pour son jeune âge, il ne craint pas de se réclamer d'Apollinaire, quitte à passer pour pédant...Il sait s'entourer de personnes influentes et frapper aux bonnes portes, jouer de son orientation sexuelle. S'il agace les surréalistes Breton et Aragon, il subjugue Picasso et Cocteau, secrètement amoureux, qui le prendra sous son aile, l'emmenant dans le Sud pour l'éloigner des plaisirs nocifs de la capitale et le forcer à travailler.
A travers la restitution de ce Paris des Années folles où les artistes décadents se tirent la bourre entre Montparnasse et Montmartre, l'on assiste à la trajectoire d'un génie fauché en pleine gloire, qui court de jupon en pige, de bal parisien en guinguette sur la Marne, faisant tourner les cœurs et les têtes à un rythme dont il sera le premier à souffrir, puisqu'il se tuera à la correction de son 2e roman, Le Bal du conte d'Orgel, alors que sa santé décline déjà.
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Brillant comme une larme est le premier livre que je lis de Jessica L. Nelson.
Cette biographie romancée de Raymond Radiguet restitue parfaitement l'atmosphère de l'entre-deux guerres, les folles soirées parisiennes au Boeuf sur le toit, les spectacles du cirque Medrano ou encore les bals qui lui inspireront Le Bal du Comte D'Orgel.
On ressent l'urgence de vivre de ce jeune "prodige" de la littérature qui pressentait que sa vie serait courte et qu'il aurait peu de temps pour laisser sa trace dans le monde culturel et intellectuel Parisien.
Monde dans lequel il croise bon nombre de personnalités comme Picasso, Modigliani, Coco Chanel ou Georges Auric et bien d'autres encore.
Mais la rencontre qui, sans conteste, marquera le plus la vie du jeune auteur est celle de Jean Cocteau qui, fortement épris de Raymond, le prendra sous son aile et l'éloignera du tumulte de la capitale pour qu'il puisse se consacrer à l'écriture et notamment à celle du Diable au corps. Roman largement inspiré par l'histoire d'Amour qu'a vécu Raymond, alors âgé de 14 ans, avec Alice de 10 ans son ainée et mariée à un poilu ... Histoire au combien sulfureuse !
Si Radiguet est décrit comme un jeune homme qui ne laisse pas indifférent, soit on le déteste soit on est conquis, je l'ai pour ma part trouvé assez désagréable, opportuniste et très imbu de sa personne, "un sale gosse qui se prend pour un génie".
Mais j'ai trouvé l'écriture élégante et plaisante. La lecture est fluide et très rythmée grâce à des phrases courtes, à l'image de l'étoile filante que fut Raymond Radiguet.
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Ce livre est une belle surprise. Une biographie romancée de l'ecrivain Raymond Radiguet. C'est un écrivain que je n'ai jamais lu et que je ne connais pas bien. C'est donc avec grand plaisir que j'ai découvert la vie de ce jeune génie.
La vie de cet écrivain se prête parfaitement à un roman et il faut avouer que ce livre est maîtrisé de bout en bout par Jessica Nelson. Le style est agréable à suivre, c'est bien rythmé, parfaitement documenté et c'est une bonne première approche / découverte de cet écrivain qui est proposé là. On y croise bien sur aussi les personnages célèbres qui ont accompagné l'ecrivain pendant sa courte vie (Jean Cocteau, Picasso, Modigliani, Jean Hugo...).
Au-delà de la vie de l'ecrivain, ce livre est aussi une plongée dans la société française pendant les années qui verront la fin du premier conflit mondial et la période d'après-guerre.
Un roman très intéressant donc, bien écrit. On en apprend pas mal sur ce jeune prodige de la littérature et sur les différentes phases de sa vie. Cela donne envie de se (re)plonger dans l'œuvre de Raymond Radiguet avec ces éclairages en tête. Une surprise que je recommande sans hesiter.
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Un roman biographique qui nous parle d'un jeune homme pressé. Il commence à écrire très jeune, a une liaison avec une femme mariée à 14 ans, rencontre l'élite culturelle et intellectuelle de l'après-guerre de 14-18, Coco Chanel, Max Jacob, Picasso, André Breton, jean Cocteau etc. Persuadé qu'il ne dispose que de très peu de temps, il avance, fonce, se compromettre, brûle de mille feuxet y laissera la vie.
Un bon livre, soit romancé, sur un personnage étonnant, pas vraiment sympathique et dont le but ultime est de passer à la postérité. C'est également le portrait d'une époque, celle où les intellectuels ont de l'importance, où la vie renaît après des années de guerre. Radiguet, poète, va s'inspirer de sa vie pour écrire son premier roman Le diable au corps et de ses relations pour le deuxième Le Bal du comte d'Orgel. A découvrir, d'autant que l'écriture est très plaisante. J'en ai profité pour relire ses livres.
Le film de Claude Autant-Lara Le diable au corps est également très bon.
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La biographie romancée est un exercice difficile, mais ici l'auteur saute l'obstacle brillamment. On se laisse emporter par son jeune impétueux qui brule la vie de tous ses feux. Certes, il y a quelques pages "classiques" mais l'ensemble mérite le détour même si vous ne connaissez pas ou mal Radiguet !
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Très bien, vie très courte.
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Échanges futiles entre les personnages je n’ai pas trouvé le fil qui habituellement me tire jusqu’à la fin d’un ouvrage. Désolée car il a fait presque l’unanimité mais bon il y a tellement d’ouvrages passionnants que je préfère vite passer à autre chose
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Un livre que j'ai lu grâce à son titre. Brillant comme une larme. Cocteau avait le sens de la formule. On le retrouve tout au long de cette biographie romancée ou roman biographique de la comète Radiguet. J'avais lu celui-ci à peu près à l'âge où il avait écrit ses romans et c'est peu dire que je les avais aimés. Avec une préférence plus nette pour le Bal du comte d'Orgel car j'estimais alors que Radiguet avait choisi la facilité avec sa fin du Diable.
Pour en revenir à ce livre, j'ai beaucoup aimé les dialogues, empreints de citations. L'auteure nous plonge dans l'intelligentsia du début de l'Entre-Deux-Guerres à laquelle le très jeune Raymond essaie de s'intégrer. Elle ne cache rien de ses ambitions et de sa détermination, ni de ses failles sur lesquelles elle ne s'attarde pas (l'opium, l'alcool). Elle évoque ses cauchemars qui semblent tourner autour de Marguerite, sa bonne, qui l'a visiblement traumatisé enfin alors qu'il venait de perdre sa soeur. Elle aurait peut-être pu développer cet aspect-là dans ce roman, mais sans doute a-t-elle voulu laisser une part de mystère à son personnage. Elle aborde aussi longuement sa liaison fondatrice avec Alice et sa famille : une mère trop occupée avec sa ribambelle d'enfants et ses grossesses et un père caricaturiste et amateur de femmes, très fier de la précocité de son aîné. Des parents dépassés en quelque sorte.
Le rôle fondamental de Jean Cocteau est aussi décrit: amoureux en vain de ce garçon à femmes, il est le seul à avoir suffisamment d'influence pour repousser de temps à autre ses démons.
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Jessica L. Nelson a l’art de nous intriguer par les titres de ses livres.
Le précédent : « Debout sur mes paupières » est une citation d’Eluard.
Cette fois « Brillant comme une larme » est une phrase empruntée à Cocteau.
« Le titre d’un roman est fondamental. Il est le pont établi avec le lecteur » !(1)
L’écrivaine ressuscite l’écrivain Radiguet ( 1903-1923), qui a eu un parcours de comète dans le milieu littéraire. La photo de la couverture le montre rayonnant entouré des habitués du Magic City.
Le prologue daté d’avril 1923 commence par une séance de spiritisme en compagnie de Jean et Valentine Hugo, de Georges Auric, du dandy de la capitale Jean Cocteau et de Raymond Radiguet, soucieux de savoir s’il va décrocher un prix pour « Le Diable ».
Jesssica L. Nelson concentre son récit sur Radiguet qui, lui, aimerait revenir à avril 1917, date de sa rencontre avec Alice, alors qu’il n’a que 14 ans.
Elle relate l’éducation sentimentale, le parcours initiatique fougueux du jeune Ray qui brûle de désir pour sa voisine institutrice qui l’a hypnotisé.
Pour la séduire, il s’est fait passer pour un jeune homme de 17 ans.
Idylle compliquée, chaotique, puisqu’Alice est fiancée à un poilu.
Après la rupture, « le casanova en culottes courtes » cumule les conquêtes et les nuits blanches. Se succèdent Irène, Béatrice, Mary, et Bronia , sa dernière fiancée qui ne supporte plus de le voir accaparé par la correction des épreuves du prochain roman.
En parallèle, l’auteure dresse le portrait du jeune prodige, « ce banlieusard » de Saint- Maur, désireux de ne pas rester « un grouillot de presse », et multipliant les contacts avec des gens influents afin de se faire publier ( Auric, Doucet).
Il étudie à la Colarossi, montre une érudition qui donne le tournis et lui permet de s’introduire dans le milieu parisien. Il est doté d’une intelligence hors du commun, a pour maître Apollinaire.
On assiste à la naissance de l’écrivain: parmi ses projets : «La règle du jeu », Denise, l’Âge ingrat ». Ce dernier inspiré par « le fantôme de sa vie d’avant ».
Il soumet des bribes de ses ébauches à Cocteau qui lui prodigue conseils et encouragements. Sa consécration sera d’être publié chez Grasset.
L’écrivaine développe une réflexion sur la création : « Le roman est un mensonge qui dit toujours la vérité », et « un écrivain ne se repose jamais ».
Quant à Picasso, il a du fil à retordre, face à ce « modèle agité, déroutant ». Il est fasciné par son « visage à la beauté égyptienne, aux lèvres charnues ». Il trouve « le roi de l’esquive » « gonflé » de « se jouer des ardeurs des homosexuels dont il s’est entouré ».
La biographe nous plonge dans l’atmosphère de l’époque, dépeint une fresque d’un « Paris assoiffé de divertissements », où l’on boit, danse, se déguise, s’amuse. On fréquente « Le bœuf sur le toit », les ateliers d’artistes.
Période où les intellectuels fréquentent les cafés littéraires, comme « la Closerie des Lilas », que l’écrivaine connaît bien pour faire partie du jury du Prix décerné par cette institution. Cocteau, lui, lance la mode « des dîners du samedi » où se retrouvent artistes et écrivains. Paris n’est-il pas une fête ?
Radigo , « Monsieur Bébé », a pris goût aux « pérégrinations des Samedistes », tantôt au cirque Medrano pour applaudir les clowns Fratellini, tantôt à la foire de Montmartre. Le talent est à toutes les portes.C’est dans une foule exubérante qu’il se glisse et slalome lors d’un bal organisé dans un château à Robinson, terreau pour son roman « Le bal du comte d’Orgel ».
La romancière évoque aussi la banlieue de l’ado de Saint- Maur qui a subi
la grande crue de 1910, traumatisant les habitants dont la mère de Radiguet. Paris avait les pieds dans l’eau, la Marne était sortie de son lit.
Si Paris est « une fête », Paris est aussi « un tombeau ». Moment plus tragique, le 27 janvier 1920, Modigliani est conduit à sa dernière demeure au Père -Lachaise, alors que sa compagne Jeanne Hébuterne attend un enfant.
Jessica L. Nelson décrypte la relation que « Radigo » entretient avec ses parents, des parents choqués par les rumeurs de sa liaison avec l’institutrice Alice. Que penser d’une jeune femme fiancée se permettant des écarts ?
Ils s’inquiètent de le voir s’émanciper à 16 ans, en s’installant dans un hôtel du centre de la capitale.
Puis, ils désapprouvent sa fréquentation de Cocteau, le mettent en garde contre le risque d’être entraîné dans la prostitution, subodorant qu’il est sa muse.
Pourtant Raymond va être entretenu par son mentor, acceptant des séjours sur la côte Méditerranéenne et dans le bassin d’Arcachon, lieux d’inspiration. Ils écriront même à quatre mains !
La romancière scrute l’attirance de l’un et la résistance de l’autre lorsque le maître et son protégé se retrouvent en tête à tête. Mais Cocteau « se montre d’une tendresse respectueuse et constante, toujours attentionné. Il en aimerait davantage mais ne demande rien ». Une complicité unique les lie. Il n’en sera que plus dévasté et taraudé de culpabilité lorsque Raymond est emporté par la typhoïde. Mais aurait-il pu éviter à Raymond de se détruire par tous les breuvages, cocktails , opium, consommés et de s’épuiser dans toutes ces soirées ?
En nous faisant entendre la voix d’outre- tombe de Raymond, que seul Cocteau perçoit, la biographe suscite une vive émotion.
Jessica L. Nelson restitue /retrace, avec beaucoup de passion, à la fois la vie sentimentale et intellectuelle de l’auteur du « Diable au corps », dans une écriture parfois fiévreuse, lascive et même érotique.
« Écrire n’est-il pas un acte d’amour » ?
Elle met en lumière avec intensité sa « vie de météorite » qui rêvait de postérité.
Une citation de Cocteau clôt cette biographie romancée, «pure merveille »(2) : « Le vrai tombeau des morts, c’est le coeur des vivants ».
NB :
Pour ceux qui ne connaissent pas l’écrivaine Jessica L. Nelson, elle est la cofondatrice des éditions des Saints Pères qui publie les fac-similés, copies parfaites des manuscrits des plus grands chefs -d’oeuvre. Ayez la curiosité de consulter leur site. Parmi les plus récentes publications, on trouve l’histoire originale de Peter Pan, des dessins de Cocteau.
Quant au libraire Gérard Collard qui a fait de ce magnifique roman son coup de coeur, il a un lien géographique avec Radiguet puisque « La Griffe noire » , implantée à Saint-Maur, est certainement hantée par le fantôme de l’étoile filante.
(1) : Citation de Jessica L. Nelson
(2) « Une pure merveille », expression de Gérard Collard dans une vidéo pour marquer son admiration pour ce roman.
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Ce roman est celui de la vie courte et singulière de Raymond Radiguet
Avec cette histoire, Jessica Nelson nous entraîne dans la période de l’après 1ère guerre mondiale et nous décrit les bouillonnants quartiers artistiques parisiens.
Avec une écriture limpide et très vivante, l’auteure nous livre une histoire passionnante en faisant intervenir nombre d’artistes, écrivains, musiciens, tout le Paris artistique de l’époque.
On imagine bien que dans ces années 20, au sortir de quatre années épouvantables de guerre, le « lâcher-prise » était répandu, que les fêtes se réinventaient, les intellectuels renaissaient. C’est ainsi qu’ est né le « dadaïsme ». En peinture, on défendait déjà le « cubisme », tel le poète et critique d’art André Salmon
Dans ce roman, on trouve aussi Modigliani et sa vie de couple tumultueuse et aussi Picasso, ici portraitiste. Picasso était curieux de découvrir ce qui se cachait derrière ce jeune homme dont tout Paris parlait, certain(e)s avec enthousiasme, d’autres très critiques.
On imagine bien qu’un jeune homme ambitieux, qui ne manque pas d’audace, et qui se targue de devenir écrivain à moins de vingt ans ne fait pas l’unanimité dans le milieu intellectuel / artistique.
Ce livre est un rappel de ce qu’a pu être Paris dans les années 20.
Je crois aussi qu’on ne pouvait pas écrire un roman sur Raymond Radiguet sans parler de Jean Cocteau, qui fut son ami, son mentor, celui qui, avec sa grande sensibilité a contribué à la naissance de l’écrivain Radiguet, et qui, sans doute, s’en est voulu de son inefficacité à l’empêcher de sombrer dans les tréfonds de l’alcool et de l’opium.
Ce roman nous compte admirablement la vie d’un personnage hors du commun qui, sur sa vie éphémère d’écrivain, a atteint un de ces objectifs, c’est d’être passé à la postérité .
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