Tout en peignant les beaux cheveux de l'impératrice douairière, Liu le coiffeur racontait lentement, sans se presser. Une dame lui passait les instruments. Liu pouvait parler longtemps devant l'impératrice, mais il n'abusait pas de ce privilège pour dire des commérages. Il ne pensait qu'à une chose, servir, et il était en bons termes avec tout le monde. Moi, je le respectais beaucoup. Quand j'ai quitté pour la deuxième fois le palais, il était déjà vieux. Je me souviens de l'avoir attendu sur le toit du palais de l'Est et je lui avais fait la politesse de m'agenouiller et de le saluer en l'appelant "mon cher père". Il m'avait répondu "ma petite Rong". Il était déjà vieux et presque bossu. J'appris, peu de temps après mon départ, qu'il était mort dans le palais. Je le revoyais courbé par ses années de service, et je pleurais.
C'était un jeu courant dans le palais, qui se pratiquait par tous temps, en hiver ou au printemps, plutôt vers le soir, devant le palais des Corps harmonieux. Parfois, les tantes nous aidaient à confectionner des volants et jouaient avec nous. Les moments les plus excitants, c'était quand la vieille impératrice douairière nous regardait jouer. Alors toutes les tantes se mêlaient à nous, histoire de lui plaire. Nous nous regroupions et jouions ensemble avec un seul volant. Le volant semblait ne jamais quitter les pieds qui le lançaient et le relançaient ! A peine frôlait-il le sol. Les tantes en profitaient pour montrer leurs prouesses à l'impératrice douairière. C'était à qui jouerait le mieux ! Elles semblaient flotter en l'air, tournoyant devant le palais à la poursuite du volant qui jamais ne touchait terre.