Ce matelot était de Blanes, comme tout l'équipage. Il devait avoir près de quarante ans, était grand, sec, blond, l'oeil rusé. On l'appelait Vado Sept-Pièces parce qu'il semblait fait de morceaux mal ajustés. Quand il marchait, ses bras pendaient, ballants, sa tête allait d'un côté à l'autre, et ses articulations jouaient comme des charnières trop lâches. On eût vraiment dit qu'il était désarticulé. Faute de hanches, sa ceinture de laine glissait continuellement en spirale jusqu'aux cuisses ; la visière de sa casquette virait constamment sur son front, allant d'une oreille à l'autre. Ce détail, je te l'ai fait remarquer, que les marins avaient en général une allure ferme et assurée, n'était pas vrai quant à Vado. Pour lui, c'était tout le contraire ; il ne cherchait pas à résister aux coups de mer ; il pliait, se conformait à tous les mouvements, se moulait sur toutes les ondulations. Avec cela, bon travailleur adroit dans le métier, actif à la manœuvre et leste comme pas un pour grimper aux mâts et aux antennes, avec l'agilité d'un écureuil.