AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Joe Meno (90)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Le blues de la harpie

Quand la rédemption tarde à pointer le bout de son nez dans l'Amérique profonde...

*

Les éditions Agullo à l'honneur ce mois-ci pour le challenge #varionsleseditions

Un choix facile puisque ce roman était déjà bien plébiscité au courant de l'année au #picaboriverbookclub

*

Que dire de plus que ce qui a déjà été dit et évoqué? Mes impressions à chaud pardi !

Mon avis est assez mitigé. On parle de remords et de rédemption pour deux ex-prisonniers ayant purgé leur peine. Le héros, Luce, revient dans sa ville natale et compte sur une seconde chance. Tandis que Junior, son ami, ressasse continuellement son crime et baisse les bras.

Une noirceur colle dans chaque acte, chaque dialogue de ce récit. Une ambiance glauque et moite plane sur chaque être vivant. J'ai eu l'impression de me retrouver dans un de ces films de vaudou de la Nouvelle-Orleans.

L'auteur nous plonge dans des eaux troubles marécageuses, presque un tourbillon de violence et de désespoir qui empêche de ressortir happer l'air frais. Sans nous prévenir, on assiste à des actes de pure violence, qui sont comme des semonces de tonnerre. Il faut s'accrocher pour s'empêcher de crier à l'injustice. Oui, il n'y a pas de justice dans ce petit coin paumé de l'Illinois. Nulle alternative de lueur d'espoir. Ah peut-être une once d'amour, voire de tendresse? Avec les oiseaux peut-être.

*

A la fin de ma lecture, j'ai eu un coup de blues (vous avez vu, j'ai fait le lien avec le titre :). Je me suis tellement attaché à ces deux personnages que le moindre mal fait à leur encontre m'a donné envie de pleurer. Quelle hostilité, quelle cruauté!

Peu de réponses sont apportées finalement quant à la possibilité d'une réhabilitation saine. Je suis restée coincée dans cette ville, entre étouffement et inconfort . Alors je conseille cette lecture en milieu ouvert (un jardin ensoleillé par exemple) sinon vous allez basculer dans ce maelstrom poisseux mais néanmoins poétique.
Commenter  J’apprécie          630
Prodiges et miracles

Jim Falls, vétéran de la guerre de Corée, élève des poulets et Quentin, son petit-fils, dans une ferme perdue au cœur de l'Indiana. Les dettes s'accumulent ; la faillite est proche... Jusqu'au jour où une camionnette livre un van et la jument blanche qui est à l'intérieur ; une erreur dans un testament, mais l'animal est bel et bien la propriété du vieil homme. Le cheval se révèle très doué pour la course, et les gains viennent renflouer les caisses de la ferme. Mais ils attirent également l'attention de petits malfrats, qui s'emparent de la jument. Une course poursuite pour récupérer le cheval s'engage alors dans cette Amérique rurale qui semble abandonnée de tous.



Au travers des mésaventures de Jim, fermier vieillisant, et de Quentin, adolescent en perte de repère, Joe Nemo nous conte une Amérique qui n'est ni celle des grandes métropoles, ni celle des villégiatures de riches, une Amérique de petites gens, petits fermiers, petits jobs, petits truands. Tout y est petit, sauf les terres environnantes, qui paraissent immenses comparées au destin de leurs occupants.

La première partie du roman est lente, aussi désespérément lente que la vie des autochtones. La seconde partie est plus intensément vivante, au rythme de la poursuite engagée par Jim et Quentin et des multiples changements de propriétaires du cheval.

Un thème de roman et une histoire que j'aurais adoré lire sous la plume d'Erskine Caldwell. Hélas, Joe Meno n'a pas les qualités d'écriture de son aîné. Le texte et la course poursuite s'égarent alors dans les lourdeurs de l'Amérique profonde. Dommage.
Lien : http://michelgiraud.fr/2020/..
Commenter  J’apprécie          370
La crête des damnés

Après mes lectures enthousiastes du Blues de la harpie puis de Prodiges et miracles, j'avais déjà entrevu la capacité de Joe Meno à évoluer de style, d'un livre à l'autre. Avec La crête des damnés -traduit par Estelle Flory-, Meno nous embarque dans un nouvel univers littéraire, avec toutefois moins d'enthousiasme de mon côté. Et donc comme d'hab', quand j'aime moins, je fais court.



Une chose est sûre, Joe Meno reste un excellent portraitiste sur le motif. Avec Brian, adolescent invisible, on parcourt les banlieues du Chicago des années 80-90 et on ressent peu à peu l'humeur de l'époque : le lycée qui n'en finit pas sans espoir d'université au bout ; les clivages raciaux qui persistent, moins affichés mais toujours larvés ; les familles déstructurées qui éclatent dans l'indifférence ; les petits jobs qui permettent de subsister… Et la musique, celle du rock dur et du punk qui émerge alors et qui permet d'exulter sa rage. Celle des Ramones, des Clash, des Guns N' Roses, d'AC/DC ou de Motörhead. Avec au passage, quelques réminiscences personnelles pas désagréables…



Pas suffisant cependant pour suivre Meno dans son exploration intime des tourments de Brian, qui n'en finit pas de ne pas réussir à grandir. De glandouille en baston, de galoche en baisouille, de reniements en désillusions, mon intérêt du début a décru au fil des 350 pages pour virer à une forme d'ennui. Dommage car l'écriture reste léchée, et je ne doute pas que je me rabibocherai rapidos avec Meno. Dès son prochain livre, promis !
Commenter  J’apprécie          372
La crête des damnés

Chicago, années 90, Brian Oswald est l'archétype du lycéen insignifiant comme il en existe dans toutes les villes du monde et à toutes les époques. On le croise sans le voir, pour un peu il serait invisible, fondu qu'il est dans la masse de ses congénères tous aussi incolores que lui.

Sauf que dans cet agrégat, chacun aimerait bien être vu, repéré, qu'on se souvienne de lui, en bien ou en mal aucune importance, tout plutôt que d'être ces fantômes qui peuplent les couloirs du lycée, les centres commerciaux et les salles de jeux...

Mais pour Brian, lui dont les hormones ne laissent aucun répit, qui voudrait bien être un mauvais garçon mais que l'hypersensibilité dont il est doté – option rare chez ses camarades – empêche de vraiment accéder à ce statut de macho-man pour qui les filles les plus en vue du lycée n'en finiraient soi-disant plus de se pâmer. Pour Brian donc, comment se faire remarquer quand on n'a rien d'autre qu'un petit corps de rat anémié et une intelligence à peine moyenne à mettre en avant ? Eh bien, fastoche : on mise tout sur son look, on fait des efforts, on se teint les cheveux ou on se les rase et on tente de se la jouer cool même s'il faut pour cela composer à chaque instant.

Sans compter qu'en plus, Brian, des raisons d'allumer le gaz, il en manque pas : musicien dans la fanfare de son école (alors qu'en fait, y'a pas de honte. Otto Pizcok du génial Punk Rock & Mobile Homes en faisait lui aussi partie, c'est dire si finalement c'est même assez glorieux), binoclard, amoureux de sa meilleure amie – grosse costaude bagarreuse – qui ne le voit pas autrement que comme une fille (ou une « fiotte » dans ses mauvais jours) et des parents en instance de divorce. En somme, il ne se prépare pas exactement des lendemains qui chantent. Pour le dire en clair : Brian est un loser de l'espèce transparente alors qu'il se rêve en charismatique leader d'un groupe de rock internationalement reconnu... Autant dire qu'il y a du chemin et qu'il va devoir le faire à pied.



Blindé de références musicales de premières volées, on pogote avec les Ramones et Glenn Danzig, en passant par The Descendents ou Chet Baker (du lourd, quoi), La Crête des Damnés est une chronique sur la fin de l'adolescence et la difficulté d'entrer dans l'âge adulte (pour quoi faire ?!) à l'heure des choix et des responsabilités. Un livre sur la musique, le racisme, la place qu'on cherche à se faire dans le monde et les k7 audio sur lesquelles on se créait des compils « trop chanmées », le tout parfaitement ficelé grâce à Brian, chouettard personnage-fil-rouge attachant qui nous rappelle que l'adolescence, ce ne sont pas que des baltringues aux voix qui muent et aux faces de calculette, c'est aussi l'innocence, la quête de soi, la tendresse et les Clash !

Commenter  J’apprécie          332
Le blues de la harpie

Ça n’est pas la harpie créature mythologique monstrueuse mi-femme mi-oiseau qui a ici le blues. Encore que des femmes et des oiseaux, on en croise quelques spécimens dans Le blues de La Harpie de Joe Meno, traduit par Morgane Saysana.



Luce et Junior, deux ex-taulards fraîchement libérés, se retrouvent dans leur ville natale de La Harpie, Illinois, en liberté conditionnelle. Personne ne les espère, personne ne les attend. Mais où aller d’autre ? Une seule envie : oublier, repartir, se réhabiliter. Pas besoin d’aller plus loin dans le pitch, vous aurez bien entendu compris que rien ne se passera comme cela…



Un énième livre américain sur l’impossible rédemption donc… Sauf qu’ici, Meno nous la raconte magistralement ! Sa façon de montrer l’incroyable contraste entre le remords dévastateur des erreurs passées et cette quête d’espérance d'un hypothétique répit, ou entre l’attention voire l’amour qu’ils sont prêts à donner à leur prochain et la violence qu’ils se prennent en retour, offre ici une atmosphère profonde.



L’écriture de Meno est tour à tour sèche, violente, puis douce ou poétique, au gré des états d’âme de ces deux êtres en désespérance dans un village typique de l’Amérique qui ne souhaite juste que rien ne bouge et que nul ne vienne perturber l’ordre des choses bien établies.



Prodiges et miracles m’avait séduit ; Le blues de La Harpie m’a définitivement conquis. Vivement le prochain.

Commenter  J’apprécie          250
Prodiges et miracles

Sale temps dans l'Indiana !



Jim Falls, le grand-père, le patron, veuf, octogénaire et vétéran de la guerre de Corée, survit plus qu'il ne vit dans sa ferme déclinante dédiée à l'élevage de poulets, entre factures impayées, avenir incertain et pensées métaphysico-noires.



Quentin, son petit-fils métisse, se languit le long d'un été sans fin à la ferme, entre coup de mains au patron et séances de jeu vidéo et casque de musique sur la tête enfermé dans sa chambre, en attendant un énième retour de sa mère junkie, un début de courage pour enfin emmener ses désirs de fugue plus loin que la grange, ou l'étincelle qui donnera enfin un sens à sa vie qui n'en a jamais eu.



Jusqu'à ce que le destin, ou le ciel, ou le diable tentateur, qui sait… leur livre un matin un pur sang exceptionnel à la robe immaculée qui va, le temps de quelques jours, redonner confiance, espoir et perspectives à cette petite communauté familiale. Sauf que deux frangins du coin accros à la meth la dérobe un soir, forçant Jim et Quentin à partir à leurs trousses vers le grand sud dans un périple vengeur et sanglant.



Joe Meno – traduit par Morgane Saysana - signe avec Prodiges et miracles un road trip bien noir, aux accents souvent poétiques, sociétaux et un brin philosophiques. Poétiques lorsqu'il décrit admirablement ces terres perdues du Midwest américain ; sociétaux lorsqu'il évoque leurs habitants, enfants oubliés de l'Amérique moderne ; philosophiques par son fil rouge métaphorique sur l'espoir, le divin, la rédemption, la succession, le racisme…



L'ensemble est plaisant, notamment pour la relation entre le grand-père et son petit-fils, très bien creusée, les rendant vite tous les deux très attachants. L'histoire est certes un peu décousue parfois, alternant les rythmes enlevés et quelques longueurs, mais aussi plusieurs « histoires dans l'histoire » sans que chacune aille toujours au bout. Mais l'écriture est belle, très belle, et permet à Joe Meno de jolies pages sur l'amour de la terre, l'angoisse de l'avenir ou la difficulté de la transmission lorsque la fin de vie s'annonce.

Commenter  J’apprécie          230
La crête des damnés

Ce roman de Joe Meno sera une petite déception.

Brian, ado mal dans sa peau, bourré d'acné, loser dont la moustache n'arrive même pas à pousser est amoureux en cachette de sa meilleure amie.

On va suivre ses pérégrinations ; il est beaucoup question d'érections, de fantasmes, de besoin de se faire remarquer, d’être mal dans sa peau, de bagarres et de frustration.

Au delà de cette étape difficile dans la vie d'un jeune homme, sont abordés les relations avec les parents, la question raciale, l'ennuie, le rock, le divorce et la difficulté à déclarer son amour.

C'est bien écrit, on se laisse embarquer jusqu'à la moitié du roman puis cela tourne en rond, cela s'enlise et on finit par s'ennuyer.

Un avis mitigé au final.
Commenter  J’apprécie          220
Prodiges et miracles

Un cheval de course peut changer la vie misérable de Jim Falls, 95 ans et de son petit-fils Quentin... Hélas, tout ne va pas se passer comme prévu...



Pauvreté et misère jonchent le sol de ce petit coin de l'Amérique, une Amérique rurale, profonde. Les personnages sont aussi abattus que cette ville désolée qui se meurt à petit feu. Ça pue la violence, la drogue, l'alcool et le sang. Mais, dans toute cette noirceur, une lueur d'espoir, de l'Amour, une affection entre un grand-père et son petit-fils. L'écriture est presque poétique, belle et pourtant elle nous décrit tant de noirceurs. (...)



Ma page Facebook au chapitre d'Elodie
Lien : http://auchapitre.canalblog...
Commenter  J’apprécie          210
La crête des damnés

Ok, on va pas trop se mentir, le roman dont il est question n’a pas grand chose à voir avec la littérature noire. Pas le moindre crime, même pas le frémissement d’un fait divers ou l’évocation d’une dérive sociale dans cet ouvrage abordant la délicate période d’un adolescent en quête de liberté et d’émancipation au cœur d’une banlieue de South Chicago à la fin de l’année 1990. Tout juste pourra-t-on dire que son auteur, Jo Meno a écrit deux superbes romans noirs aux entournures à la fois poignantes et poétiques, Le Blues De La Harpie (Agullo/Noir 2016) et Prodiges Et Miracles (Agullo/Noir 2018) avant de nous livrer son dernier opus, La Crête Des Damnés, évoquant le thème universel du passage de l’enfance au monde adulte, sur fond d’une bande sonore endiablée où l’on trouvera quelques classiques de groupes punks comme The Clash, The Ramones ou The Misfit, ou de hard rock comme Guns N’Roses, AC/DC ou plus surprenant, un morceau de Chet Backer interprétant Time After Time, un standard de jazz. Une compilation loin d’être exhaustive ne nécessitant pas forcément d’approfondir vos connaissances dans le domaine de la musique punk ou rock, puisqu’il y est surtout question de ces rapports complexes entre adolescents en quête d’amour et d’identité tout en rejetant le conformisme de modèles sociaux dans lesquels ils ne se reconnaissent plus.



Tout ce qui compte pour Brian Oswald, lycéen d’un établissement catholique de South Chicago, c’est d’inviter sa meilleure amie Gretchen, dont il est secrètement amoureux, au bal de promo. Mais comment un adolescent boutonneux et binoclard peut-il s’y prendre afin séduire cette fille un peu enrobée, au look punk destroy, qui n’hésite pas à mettre son poing dans la gueule de toutes personnes qui la contrarie ? C’est d’autant plus difficile que Gretchen en pince pour Tony Degan, un abruti de suprémaciste blanc âgé de 26 ans qui rôde autour du bahut afin de séduire les filles. Sans bagnole, plutôt insignifiant pour ne pas dire looser, Brian va tenter tant bien mal de surmonter toutes ces difficultés et se lancer dans la création de la plus belle compilation cassette-audio de tous les temps afin d’éblouir celle qu’il aime. Parce qu’en 1990, lorsque l’on a à peine 17 ans et des rêves de star du rock plein la tête, tout ce qui compte c’est la musique qui peut vous conduire sur le champs encore inexploré de l’amour. Mais rien n’est gagné d'avance et Brian ne le sait que trop bien.



Roman ultra référencé, rendant hommage à cette période des années ’90 et plus particulièrement à la culture punk, sans que cela soit trop ostentatoire, on appréciera l’énorme travail de traduction d’Estelle Flory pour restituer cette ambiance ainsi que la multitude de références d’une époque imprégnée de culture underground dont on peut prendre la pleine mesure à la lecture de la biographie Joe Meno, natif de Chicago, tout comme Brian Oswald, personnage central de La Crête des Damnés affichant sans aucun doute les mêmes passions que son auteur. Rédigé à la première personne, dans un style parlé plein de spontanéité avec ce langage familier qui le caractérise, on découvre ainsi le quotidien presque banal d’un jeune homme évoluant dans une morne banlieue de Chicago. Mais c’est au travers de ces petits riens ou de ces micros événements qui ponctuent la vie de Brian que Joe Meno parvient à transcender ce quotidien insignifiant pour en restituer les enjeux essentiels avec un texte lumineux, bourré d’énergie au détours des scènes truculentes pleines d’humour et d’autodérision. Il y est donc surtout question de rapports humains finement restitués que ce soit lors de ces moments passés avec l’inénarrable Gretchen, cette fille complètement déjantée dont on découvre, au fil du récit, toute la vulnérabilité qu’elle dissimule derrière un look destroy faisant office de bouclier ou lors de ces instants poignants où le naufrage d’un mariage s’achève avec les adieux d’un père laissant à son fils ses rangers auxquelles il tenait tant. Roman d'apprentissage pour un jeune homme en quête de repères et d'émancipation, La Crête Des Damnés n'a pas pour vocation de nous révéler les grands secrets de la vie ou de nous entraîner sur une vague de révolte insensée, bien au contraire, puisque Brian ne désire finalement rien d'autre, parfois en dépit de grandes contradictions, que de s'intégrer dans l'environnement dans lequel il évolue tout en relevant tout de même quelques dysfonctionnements qui le heurte à l'instar de cette discrimination raciale qui règne dans son quartier et dans son lycée.



Fragment à la fois drôle et émouvant de l'existence d’un adolescent en proie aux doutes sur une douloureuse quête d'amour et dont l'épilogue reste ouvert sur l’incertitude d’une vie qu’il reste à construire, La Crête Des Damnés nous permet ainsi de nous remémorer avec une belle nostalgie ces instants décisifs lors de l’élaboration d’une compilation enregistrée sur une cassette-audio destinée à l’être aimé tout en se réappropriant les souvenirs d’une scène musicale à la fois riche et variée qui ne cessera jamais de nous bousculer. Un roman essentiel.



Joe Meno : La Crête Des Damnés (Hairstyles Of The Damned). Editions Agullo 2019. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Estelle Flory.



A lire en écoutant : The Magnificent Seven de The Clash. Album : Sandinista ! 2013 Sony Music Entertainment UK Limited.
Lien : http://monromannoiretbienser..
Commenter  J’apprécie          150
Prodiges et miracles

Brutal et poétique.



Décidemment les belles lectures en littérature américaine s’enchainent pour moi.

Séduite par la plume de Joe Meno que j’avais découvert avec « Le blues de la harpie » l’an passé, je suis désormais totalement conquise par cet auteur.

Si j’aime les romans noirs, je sais que ceux qui me chamboulent ont un petit truc en plus.

Finalement le noir pour le noir, ne m’intéresse pas tant que ça.

Ici, il y a de la mélancolie, de la poésie, de la lumière et beaucoup d’amour.



Eté 95, Jim Falls, agriculteur veuf de 70 ans, se bat pour élever son petit-fils métis, Quentin, 16 ans.

La mère du gamin, droguée et irresponsable, rarement à la maison, disparait pour revenir toujours plus défaillante.

Au fond de l'Indiana dans sa ferme au bord de la faillite, la communication avec cet ado étrange est difficile pour Jim.

Quentin ne s’intéresse qu’aux reptiles qu’il a choisi comme animaux de compagnie, aux jeux vidéo et à la colle qu’il renifle occasionnellement.

Au milieu de cette vie familiale sombre et de cette situation financière catastrophique, un miracle va se produire.

Ce miracle surgit sous la forme d’un cheval de course que Jim reçoit en héritage suite à une erreur dans une succession.

C’est une erreur, mais le cheval leur appartient bel et bien.

L'atmosphère de la ferme insidieusement change comme si cet animal blanc était l’archange Gabriel, messager céleste, envoyé par on ne sait qui.

Mais dans cette Amérique rurale, ce cheval hors norme se fait vite remarquer ; la bête est volée.

Commence alors pour Jim et Quentin un road-trip à travers le cœur sombre du pays pour tenter de retrouver l’animal.

Tout au long de ce voyage insensé et dangereux, Jim et Quentin vont croiser des personnages perdus, des paumés, des drogués, des brutes.

Ils vont continuer à se découvrir et tenter de trouver les mots.



Si le suspense, la noirceur et la violence sont bien présents tout au long du livre, la lumière reste toujours tapie dans un coin.

Cet auteur a l'esprit et l'âme d'un poète.

C’est un livre remarquable: une méditation mélancolique et chargée de symboles sur le cœur de l’Amérique mourante, sur l’amour entre un grand-père et son petit-fils, sur un cheval « magique ».

Je suis restée accrochée de bout en bout, à nouveau frappée par cette écriture très cinématographique, limite magnétique.



Le talentueux Joe Meno a écrit une histoire ou le pire et le meilleur de l’homme se mélangent, imbibée d’amour pudique, de loyauté et de courage.

Vous l’aurez compris, j’attends d’ores et déjà le prochain roman de l’auteur.



Traduit par Morgane Saysana
Commenter  J’apprécie          153
Prodiges et miracles

Ce livre est celui de la dégénérescence, de la décrépitude, de la déliquescence. Joe Meno nous décrit une zone rurale du fin fond de l’Amérique qui essaye de survivre mais qui se retrouve de plus en plus en marge. Chaque jour est un combat, perdu d’avance. L’exploitation ne permet plus de vivre. Les factures s’accumulent. Tout part à vau-l’eau. La loge maçonnique de la ville voisine a, un temps, porté l’espoir, mais même elle est sur le point de fermer, faute de combattants. Et les vieilles espérances sont toutes déçues, l’une après l’autre.



Il ne lui reste, pour trouver une raison de se battre, que ses souvenirs d’ancien combattant en Corée. Sa fille est une fille sans avenir : après une longue disparition, elle est revenue un beau jour, son fils métis sous le bras. Le père du petit ? Jamais vu, et, de toute façon, elle n’est même pas capable de dire avec certitude qui il est…



Quentin, le garçon, navigue entre sa musique et ses jeux vidéos. Il sniffe de la colle, pour passer le temps. Et il se passionne pour les reptiles. De l’espoir ? Il n’est même pas certain de savoir ce que c’est. En tout cas, rien ne semble lui donner la motivation d’essayer de s’en sortir. Pourtant, c’est un bon gamin, soucieux des animaux.



Dans cette vie morne, l’arrivée de la jument blanche est un électro-choc. Il faut s’en occuper, elle est visiblement prête à accorder sa confiance. Quentin en a autant peur qu’il est attiré.



Le style est à la fois poétique et brutal. Sec et coloré – tout en teintes de gris -. Triste, aussi : chacun des personnages, dans son désespoir, parvient même à être touchant – même les plus odieux personnages. Ils se débattent avec leurs pauvres armes, leurs aigreurs, leurs angoisses. Les filles sont perdues, les garçons sont violents, parce que rien d’autre n’existe autour d’eux. Au début du livre, plusieurs descriptions sous forme d’énumération m’ont fait tiquer (p. 43, énumération des routes empruntées ; p. 97, énumération de sex-shops et cabarets ; p. 120, énumération de films pornos ; p. 126, énumération d’entreprises pyrotechniques). Mais j’ai fini par parvenir à me laisser porter par ces listes qui, finalement, m’ont évoqué le côté répétitif de ces trajets en voiture, avec des publicités toujours identiques, et qui en deviennent presque rassurantes dans leur uniformité.



Et pourtant, dans toute cette noirceur, un cheval – blanc – apporte de la lumière. Une lumière qui rassemble – Jim et Quentin -, une lumière qui brûle – la médiocrité, la grisaille, la noirceur -, une lumière, aussi, qui révèle – les zones d’ombre, les renoncements -. Une apparition, donc, un brûlot.



Ce genre de road-movie un peu halluciné n’est pas forcément mon style de prédilection. Mais, ici, je n’ai pas eu de mal à rentrer dans l’histoire, à m’attacher à Jim et à Quentin. Sans être forcément mon coup de cœur de la rentrée littéraire, j’ai tout de même passé un excellent moment avec ce livre !
Lien : https://ogrimoire.wordpress...
Commenter  J’apprécie          150
Le blues de la harpie

Luce Lemay sort de prison où il a purgé une peine de trois ans. Après avoir braqué la caisse du magasin dans lequel il travaillait alors, il a percuté en voiture le landau d’une femme qui traversait la rue tuant son bébé sur le coup. Aux yeux de la loi, Luce a payé la majorité de sa dette à la société et n’a plus maintenant qu’à respecter les termes de sa libération conditionnelle. À ses propres yeux, même si un sentiment de culpabilité ne le quitte pas, il en va de même. Au point d’ailleurs qu’il décide de revenir dans sa petite ville natale, La Harpie, sur les lieux du drame, pour refaire sa vie. Il y rejoint Junior Breen, libéré quelques semaines avant lui après une peine bien plus longue pour le meurtre d’une jeune fille, et qui l’attend dans la pension de la vieille Lady Saint-François. Un ancien taulard, propriétaire d’une station-service a par ailleurs accepté d’embaucher Luce et Junior.

Sauf que, et même si l’on est bien décidé à refaire sa vie et même à retrouver l’amour, on n’oublie pas la culpabilité. Celle que l’on porte et celle que la société – que vous ayez payé votre dette ou pas – estime devoir vous faire encore porter.

C’est là, vraiment, le propos de Joe Meno. Paie-t-on jamais sa dette ? Il s’agit d’abord d’une question intime. Et bien qu’il mette en place toute une somme de stratégies destinées à montrer qu’il est malgré tout un bon citoyen et un homme droit, Luce ne peut oublier une faute qui continue à le hanter et dont il portera indéfiniment le poids. Quant à Junior, plus encore accablé par la culpabilité malgré les efforts de son ami pour l’aider à retrouver une place dans la société, il semble par bien des aspects chercher l’enfermement – dans un cadre de vie circonscrit à sa chambre et à la station-service, en lui-même.

Là dessus, peu à peu, va s’ajouter le regard que porte la petite société de La Harpie sur les deux repris de justice. D’abord distant, il va devenir de plus en plus pesant, jusqu’à être ouvertement hostile.

Tout cela, avec pour fil rouge l’histoire d’amour naissante entre Luce et la séduisante Charlene, Joe Meno le montre en faisant lentement monter la pression. S’il utilise un symbolisme parfois un peu outrancier, il réussit néanmoins à créer l’inconfort par petites touches, au point que tous les moments de bonheurs de Luce et Junior sont obscurcis par une menace latente qui se contente parfois de flotter au-dessus d’eux et qui, à d’autres moments, s’abat de manière brutale.

Ce faisant Meno nous livre un roman noir psychologiquement violent, que vient supporter une écriture véritablement originale qui s’abandonne parfois à un humour de second degré flirtant avec le nonsense (« Milford ! siffla Mme Dulaire. Tais-toi ! Je t'en prie, Luce, il faut excuser M. Dulaire. Il n'est plus le même depuis qu'on lui a retiré son permis de chasse. »). Ainsi Le Blues de La Harpie apparaît-il comme un objet noir et poétique qui pose plus de questions – par ailleurs dérangeantes – qu’il n’apporte de réponses dans une démarche salutaire qui consiste à placer le lecteur dans une certaine situation d’inconfort pour le pousser à réfléchir sur la question au cœur du roman : celle de la possibilité ou de l’impossibilité de payer sa dette à la société et de l’acceptation par cette dernière d’une véritable réhabilitation. Un beau livre, dans le fond comme dans la forme et un livre utile, donc.


Lien : http://www.encoredunoir.com/..
Commenter  J’apprécie          150
Le blues de la harpie

Lorsque deux anciens taulards, en quête de rédemption, entrent en scène, on peut être quasiment certain qu’une référence à Johnny Cash ne sera jamais bien loin à l’instar de Joe Meno qui lui rend hommage dans Le Blues De La Harpie une des dernières découvertes de la maison d’édition Agullo. Et puisqu’il s’agit d’une sombre histoire d’amour où la tragédie s’immisce au détour de chacune des rues de cette petite bourgade du Midwest il conviendra d’écouter I Walk On The Line, une des plus belles déclarations d’amour correspondant parfaitement à l’état d’esprit de ce récit poignant dans lequel on décèle quelques tonalités rappelant les romans de John Steinbeck.



Au volant de sa voiture, Luce Lemay prend la fuite après le minable braquage d’un magasin de spiritueux. Dans le crépuscule, il fonce sur la Harpie Road et ne voit pas cette femme qui traverse la route avec son landau qu’il renverse. Le bébé qui s’y trouvait décède sur le coup. Après trois ans de prison, Luce est de retour à La Harpie où l’attend Junior Breen qui vient de purger une peine de 25 ans. Même si leurs nuits sont peuplées de cauchemars, nos deux compères tentent de jouer profil bas en travaillant dans une station service afin de rester dans le droit chemin. Mais quand Luce tombe éperdument amoureux de la belle Charlène, les passions se déchaînent avec une cohorte de ressentiments exacerbés par la découverte du passé criminel de Junior. Au-delà de l’atrocité du crime, a-t-on droit à une seconde chance ?



C’est au travers d’un texte sobre, aux phrases courtes dépouillées de toutes fioritures que Joe Mendo aborde avec efficacité les thèmes de la réinsertion et de la rédemption en accompagnant le destin de Luce Lemay et de Junior Breen, ce duo d’anciens prisonniers aspirant à une vie normale qui rappelle forcément la paire de trimardeurs que formait Lenny et Georges dans Des Souris et des Hommes. Paradoxalement, Luce fait preuve de davatange de naïveté que Junior, ce colosse ravagé par la culpabilité d’une crime odieux, en estimant avoir payé sa dette à la société et pouvoir ainsi refaire sa vie dans sa ville natale, lieu de la tragédie qui l’a envoyé en prison. Il s’enferme ainsi dans cette certitude du bon droit retrouvé, même si le remord le cueille régulièrement au cœur de la nuit où il distille ses cauchemards dans cette sinistre pension de famille tenue par une vieille folle qui n’a pas supporté la perte de son mari qui s’est suicidé après avoir assassiné l’amant de cette épouse volage. Junior Breen, lui, ne souhaite que se plonger dans l’anonymat de cette petite petite ville provinciale en espérant pouvoir surmonter la douleur d’une faute qu’il ne pourra sans doute jamais oublier. Tout comme Luce, c’est également durant la nuit que le poids de la faute s’instille dans l’inconscience de ses pensées qui l’empêchent de trouver le sommeil. Le quotidien de ces deux personnage est fait d’instants joyeux et de phases plus sombres alors qu’ils travaillent dans une station service tenue par un ancien prisonnier qui les a pris sous son aile.



Outre le remord et la rédemption, il est beacoup question d’amour dans Le Blues de La Harpie avec cette relation passionnelle entre Luce Lemay et la belle Charlène, la jeune serveuse du diners de la ville mais également avec ces petits poèmes sybillins que Junior affiche sur le panneau de promotion de la station service et qui sont peut-être adressé à la mystérieuse jeune femme qui figure sur la photographie qu’il conserve précieusement :



« Méga promo sur tous les pneus d’occasion

clairs et ronds comme des yeux envoutés

où coule l’amour telle la sève. »



On le voit, Joe Meno distille tout au long de ce roman une atmosphère étrange et décalée qui prend parfois des tournures poétiques, quelquefois comiques, mais qui tendent résolument vers un climat inquiétant et sinistre à l’image de cet enterrement de la tante de Charlène dont le corps exposé sur son lit de mort abrite toute une cohorte de petits animaux qui y ont trouvé refuge. C’est sur cette configuration originale que l’auteur nous entraîne dans une spirale où la violence devient de plus en plus pregnante pour trouver son paroxysme dans une confrontation presque surréaliste avec les citoyens hostiles d’une ville qui paraît de plus en plus insolite. Dissimulés derrière les phares des véhicules qui pourchassent Luce et Junior, les silhouettes deviennent presque surnaturelles pour former une entité désincarnée qui semble vouée à leur perte.



Avec des personnage baroques et émouvants Le Blues de La Harpie est peuplé d’individus dont la fuite en avant éperdue devient presque onirique pour saisir le lecteur à la lisière du désespoir et de la folie. L’étrangeté poétique d’un roman qui résonne furieusement dans les confins de la noirceur. A lire sans détour.



Joe Meno : Le Blues De La Harpie (How The Hula Girl Sings). Editions Agullo 2016. Traduit de l’anglais (USA) par Morgane Saysana.



A lire en écoutant : I Walk The Line de Johnny Cash. Album : At Saint Quentin (Live). Columbia 1968.
Lien : http://monromannoiretbienser..
Commenter  J’apprécie          120
Prodiges et miracles

Jim Falls, veuf et producteur de poulets, se bat contre les factures. L'électricité est sur le point d'être coupée. Il vit avec son petit-fils que sa mère toxicomane a abandonné ; il est métis et n'a aucune idée de qui est son père.

Un magnifique cheval blanc est déposé un jour à la ferme. Est-ce une lueur d'espoir, la possibilité de s'en sortir ?

C'est l'histoire d'un homme, de son petit-fils et de leur recherche du cheval volé.

C'est un conte sombre, brutal mais tendre aussi.

La description du Midwest, la relation unique entre le grand-père et le petit-fils ainsi que les dialogues sont fabuleusement bien écrits.

Les personnages sont attachants pour certains, écorchés-vifs et violents pour d'autres.

Encore une fois, je n'ai pas été déçue par l'écriture de Joe Meno.

Commenter  J’apprécie          110
La crête des damnés

Roman déroutant, truculent, La crête des damnés vous trompera par sa superficialité feinte et vous plongera au coeur des obsessions et affres adolescentes, dans un midwest presque mythologique. Joe Meno déconcerte le·a lecteur·rice par une langue brute et soumise au culte de la musique punk qui, de manière très habile et surprenante, contribue à l'expérience de la lecture. À la cadence singulière, l'histoire arbore par le biais d'une quasi nostalgie le désordre hormonal, les frustrations et la colère d'une jeunesse en quête identitaire.



L'astucieuse faculté de l'auteur réside justement dans le fait d'effleurer avec probité les afflictions qui réduisent au silence la jeunesse, une détresse baroudée par la musique, unique exutoire et indice pour clamer l'incompréhension de ce monde. Brian Oswald canalise ses angoisses et sa colère à travers la culture punk dont les listes de lecture constitue le point d'orgue et laisse paraître un rapport à la langue singulier, une réalité différentielle. La concentration d'expérimentations, des doutes, vastes soupçons d'une vie rugueuse, bercée par les détails d'une énergie lycéenne et les éclats du quotidien familial, la sève poivrée d'une époque contractée, entre les détractions raciales et les disparités sociales.



Chronique complète sur le blog.
Lien : https://lepointcul.wordpress..
Commenter  J’apprécie          110
Prodiges et miracles

C’est un plaisir de commencer l’année avec un roman qui opère la synthèse admirable de tout ce que j’aime en littérature : une histoire forte et prenante, des personnages auxquels je m’attache tout de suite, une écriture qui sort du commun sans pour autant me plonger dans la perplexité. Au bout de dix pages, déjà charmée par le style, je me demandais ce qu’il pourrait bien advenir de prodigieux ou de miraculeux à la famille composée de Jim, Deirdre et Quentin, respectivement grand-père, fille et petit-fils. Manifestement, cette famille vivant dans l’Indiana dans les années 90 tenait ensemble par habitude plus que par attachement réciproque : un grand-père, ancien du Vietnam, bougon et dépassé par l’attitude d’une fille à fleur de peau et constamment sous l’emprise de substances diverses, un petit-fils de seize ans renfermé et presque asocial. Ajoutons à cela des difficultés économiques croissantes que seul Jim semblait percevoir, et vous aurez le portrait complet de cette famille.

Heureusement les mots de Joe Meno ont réussi assez souvent à m’arracher un sourire alors même que la situation semblait éminemment triste, et à me faire réfléchir, grâce à l’ouverture des pensées des personnages sur un monde plus vaste que leur univers étriqué.



Deux événements viennent bouleverser la relation du grand-père, Jim, et de Quentin son petit-fils : le brusque départ de Deirdre et l’arrivée encore plus inattendue d’un cheval, une magnifique jument blanche.

D’autres personnages malveillants vont apparaître et semer le désordre à un moment où il ne fallait pas grand chose pour perturber le duo formé par le grand-père et le petit-fils. S’en suivra un parcours mouvementé… Je vous conseille au passage de ne pas lire la quatrième de couverture du poche qui en raconte beaucoup trop à mon goût. Ce livre est présenté souvent comme un roman policier, ce que je nuancerais : le roman d’initiation s’y mêle au suspense, l’introspection au roman noir, avec de petites touches d’humour et beaucoup d’humanité. J’avais commencé il y a quelques années Le blues de la harpie sans accrocher, je pense tout lire de l’auteur maintenant !

J’ai été complètement sous le charme de cette histoire très forte, des personnalités de Jim Falls et de son petit-fils, ainsi que de la présence du magnifique cheval blanc qui va modifier le cours, pas très drôle, de leur vie, et donner un sens nouveau à leur relation.
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
Commenter  J’apprécie          102
Le blues de la harpie

Luce Lemay sort de prison après 3 ans d'emprisonnement.

Il est en liberté conditionnelle, a trouvé un job dans une station service et vit dans une pension de famille, gérée par une excentrique, avec deux autres ex-taulards.

A t-on le droit à l'oubli ? La rédemption est-elle possible dans une petite ville où tout le monde connait votre passé ?

Le point fort de ce roman est sans contexte l'écriture de Jo Meno.

Il y a aussi de l'amitié, un boss qui est prêt à vous donner une seconde chance mais qu'est-ce qu'on a envie que Luce s'enfuit vite fait de cette ville et de son ambiance étouffante.

L'histoire est noire mais, comme un rayon de soleil, il y a Charlene qui va, un peu, atténuer toute cette violence.

Un livre à lire donc pour son histoire, son style, ses personnages et sa force.

Commenter  J’apprécie          100
La crête des damnés

Chanmé



Il va falloir s'y faire. Joe Meno n'écrit jamais deux fois le même roman. « La crête des damnés » n'a rien à voir avec « Prodiges et miracles » qui lui-même était assez différent du « Blues de la Harpie ».

Changement de décor, changement d'ambiance pour ce nouvel opus. Direction les années lycées et les émois adolescentes.

Si vous avez oublié ce qu'est l'âge ingrat, Brian Oswald va vous rafraichir la mémoire…

Pour lui rien n'a de sens, sa vie familiale est merdique, il n'est encore qu'un vilain petit canard ravagé par l'acné et démangé par les hormones.

Deux obsessions : les filles, les filles, les filles, la musique, la musique, la musique.



Il m'a fallu un certain temps pour comprendre où ce livre m'emmenait car pendant un moment j'ai eu peur de lire simplement la vie d'un lycéen boutonneux.

Mais Joe Meno est très doué pour capturer l'angoisse de l'adolescence et pour rendre ça à la fois drôle et intelligent.

Brian expérimente. Il se cherche. Cette quête d'identité passe bien sûr par la musique et par le look qu'il faut arborer pour être intégré. Heavy métal, punk. Chaque groupe a ses codes.

On suit les tribulations musicales et amoureuses du narrateur le sourire aux lèvres et la tête pleine de bon vieux morceaux de zique.

Les Misfits, Guns N'Roses, Metallica, Iron Maiden ou Mötley Crue, on a vite fait de se retrouver à headbanger sur son bouquin.

« La crête des damnés » porte un regard amusant, tendre mais terriblement réaliste sur les ados de 1990 à travers le prisme de la scène musicale.

Ayant l'âge de l'auteur, les références musicales du livre sont toutes familières pour moi. Je me suis rappelé combien mes docks martens me faisaient mal au pieds et combien je trouvais les métalleux ringards avec leurs cheveux longs.

Le livre se fait aussi insidieusement politique quand Joe Meno se sert de « la vie de Brian » (petite référence ciné) pour aborder les démons de l'intolérance raciale et le conformisme dans les écoles catholiques.



Traduit par Estelle Flory
Lien : https://www.instagram.com/p/..
Commenter  J’apprécie          100
Le blues de la harpie

Tout d’abord, je me suis dit « encore un livre américain sur un pauvre type à qui il n’arrive que des ennuis, sa vie est noire de chez sombre et peu d’espoir à l’horizon, j’ai déjà lu ça vingt fois ». Et même si j’aime les romans bien noirs américains, j’ai aussi besoin d’autre chose en littérature qui m’ouvre l’horizon. Je commençais donc à bougonner.



Et puis très rapidement, la qualité de l’écriture s’est imposée, forte, puissante, un mélange de violence et de poésie, et j’ai basculé dans le roman, toute entière, pour ne plus vouloir en sortir.



C’est l’histoire d’un type qui sort de prison où il a passé trois ans parce qu’il avait renversé un landau avec sa voiture, alors qu’il s’enfuyait après un braquage. Le bébé était mort sur le coup et l’avenir de Luce Lemay s’était alors obscurci d’un voile épais.



En prison, il a fait la connaissance de Junior Breen, un type qui transporte un bagage bien lourd aussi. Ils se retrouvent, une fois libérés, dans la petite ville de La Harpie, ville natale de Luce.



Et là, les coups vont pleuvoir sous toutes les formes parce qu’on ne pardonne pas, parce que purger sa peine en prison ne veut pas dire que les gens vont accepter de vivre aux côtés d’anciens criminels, parce que la possibilité d’une deuxième chance n’est pas donnée à tout le monde.



Pourtant, il y a Charlene, qui permet à l’auteur de nous offrir des pages magnifiques sur l’amour, loin des niaiseries banales, qui permet au roman de ne pas être que sombre, qui dessine une petite lueur d’espoir au bout du tunnel, mais qui est aussi source de violence.



J’avais déjà été séduite par Prodiges et miracles, mais là, j’ai été plus que conquise. Ce roman m’a touchée en plein cœur. Ses personnages sont aussi complexes que les hommes peuvent l’être. Torturés, profondément meurtris, ils sont bouffés par la culpabilité, tout en espérant une vie meilleure, une rédemption. Ils rêvent d’échapper à leur passé, d’être libérés de leurs cauchemars. Junior est le personnage qui m’a le plus marquée, un colosse poète qui ne se pardonne pas et dont les nuits sont hantées par le fantôme de son crime.



De quelle manière peut-on payer sa dette envers la société ? Est-ce aux hommes de juger leurs semblables ? Peut-on espérer se libérer d’un meurtre ?



Le roman pose des questions, n’y répond pas, mais il suscite en nous des interrogations profondes sur la nature de l’homme, sur notre société remplie de personnes persuadées d’être dans le bon droit parce qu’ils n’ont commis aucun délit, cette bonne conscience que chacun s’octroie dès lors qu’il se croit meilleur que son voisin.



Ce roman est aussi puissant sur la forme que sur le fond. C’est un vrai beau coup de cœur.
Lien : https://krolfranca.wordpress..
Commenter  J’apprécie          90
Prodiges et miracles

1995, Indiana. Un grand-père, Jim Falls (au nom métaphorique très bien trouvé), veuf depuis peu, peine à faire tourner son élevage de poulets, sa fille, ex reine de beauté, cumule son addiction à la drogue et son penchant pour les mauvaises rencontres et son petit fils, Quentin, un ado métis, ne parvient pas à détester sa mère et cherche sa place à la ferme ou ailleurs. L'avenir est bien sombre, bouché même. Jusqu'à ce qu'un miracle se produise, inexpliqué comme tout les miracles, puisque suite à une confusion, une jument de course de toute beauté leur est livrée. Au-delà de l'oxygène financier qu'elle redonne au duo grand-père-petite-fils, elle est pour eux, pour Quentin surtout, une source d'espoir et de lumière. Sa beauté est remarquablement décrite. Lorsqu'elle leur sera dérobée par deux frères complètement paumés, ils ne pourront se résoudre à la perdre. Ce sera le début d'un road trip sanglant à la poursuite des deux frères dans lequel seront impliqués un caïd sans scrupules, une héritière rebelle, un DJ en conflit avec son ex...



L'écriture de Joe Meno est un prodige (sans jeu de mots). Je l'avais découvert dans "le blues de la harpie" et le miracle (décidément) se renouvelle ici. Il excelle tant dans le nature writing (les paysages désolés de l'Indiana, les sites traversés par la route sont transmis plus que décrits) que dans le roman intimiste (la relation pudique et touchante entre le grand-père et son petit-fils, l'amour que porte le grand-père à sa femme décédée et à sa fille qui lui fait tant de mal et la place que prendra progressivement la jument pour Quentin). Les noms ont beaucoup d'importance ici : JIm Falls, son groupe d'amis dans lequel tout le monde se nomme Jim( village sans issue)... et la jument n'en a pas, comme pour mieux signifier toute sa portée symbolique.



Ce livre contient deux histoires : avant et après le vol de la jument et j'ai nettement préféré la première, celle de la vie à la ferme, languissante, bousculée par l'arrivée de la jument, cet espoir inouï auquel le grand-père et le petit fils ne peuvent s'habituer tant elle est magique. La partie "road trip" est intéressante et on y croise des personnages hauts en couleur mais trop justement et sans se perdre, on se déconcentre quand même un peu, d'autant que les personnages sont juste croisés justement. La deuxième partie est donc parfois (mais parfois seulement) un peu décousue. Jim et Quentin n'en restent pas moins attachants et l'évolution de leur relation est remarquablement restituée. Les dialogues sont de toute beauté.



J'ai donc une préférence pour le blues de la harpie, le premier Joe Meno, que je trouve plus immersif, ramassé, "compact" mais ce deuxième ouvrage confirme tout le talent de l'auteur. Son écriture est lancinante, toute en retenue, éblouissante !

Et la bonne nouvelle est qu'il y a un nouveau Joe Meno en 2019 !
Commenter  J’apprécie          93




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Joe Meno (171)Voir plus

Quiz Voir plus

Quiz sur l´Etranger par Albert Camus

L´Etranger s´ouvre sur cet incipit célèbre : "Aujourd´hui maman est morte...

Et je n´ai pas versé de larmes
Un testament sans héritage
Tant pis
Ou peut-être hier je ne sais pas

9 questions
4758 lecteurs ont répondu
Thème : L'étranger de Albert CamusCréer un quiz sur cet auteur

{* *}