AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de lolitajamesdawson


Dans Le HLM, il y a plus de couleurs, que de vue dégagée, plus d'action. Dans le HLM, c'est bien plus vivant, ça se construit sans cesse, ça démolit l'ancien, ça bouge, il se passe plein de trucs, le temps file plus vite, ce n'est pas le même rythme. Tu sors, c'est sonore, il y a du monde, il y a de la vie, tu participes, tu es plus grand, tu vois plus de gens, tu existes. La cité, c'est un nouveau monde.

C'est sans doute pour cela que je m'inscris presque instantanément dans la connerie avec les gosses au fond de la classe. On doit faire clan. Le club des gamins jamais comme il faut. Il y a ceux qui sont devant, qui ont les codes. Et derrière, il y a nous. Ne pas avoir les codes crée mécaniquement une sorte de solidarité.

Et je rentre trois heures plus tard. Il ne remarque rien de ce que je fais, c'est vertigineux. Il s'en fout. Mes devoirs ne seront pas vérifiés non plus. C'est à se demander pourquoi je déploie tant d'énergie à inventer des histoires. Plus tard, quand je snifferai de la colle dans les toilettes de l'appartement, ce sera pareil. Dans ce vase clos, dans cette espace rétréci, dans ce tête-à-tête, je vis avec une personne qui m'ignore complètement.

Tout ce que j'ai vécu, tout ce que je vis dans ce huis clos muet et hostile aurait pu ne me donner qu'une envie : partir. Et puis finalement : non. Non, je n'ai pas envie d'être catapulté ailleurs. Non, je n'ai pas envie d'être expulsé de la cité. Non, je n'ai pas envie de quitter ces murs, ces murs dedans, ces murs dehors, cet horizon bouché qui me fait aussi comme un cadre, et parfois même comme un nid douillet, malgré sa froideur. Je comprends que je suis puni. Mais pas seulement. Mon père, lui, veut la paix. Il veut vivre sa vraie vie, et ne plus être le second rôle de sa vie. Sa vraie vie, c'est sans moi. C'est Jean et pas Papa. Je comprends.

Finalement, je suis spectateur de tout ce qui m'arrive. Spectateur de ma vie. Parfois, on subit. Et il y a plusieurs façons de subir. J'ai l'impression d'avoir un soleil dans le ventre, mais il ne peut sortir. J'ai un besoin puissant d'exister, mais bridé. Ou négliger. Avec mon père, j'attends que ça passe. Dedans, dehors. J'apprends à compartimenter. Je m'interroge. Mon père m'a voulu au point de ne pouvoir me partager ; et en même temps, il ne me parle pas, il ne semble pas m'aimer. Moi aussi je suis pris dans une double tendance, dans une ambiguïté. Je n'aspire qu'à être dehors, à avoir la paix. Quand je pense à l'intérieur de l'appartement : j'aime y être. Je suis bien, seul, rideaux tirés. Et le monde m'ouvre ses bras. J'ai l'impression d'être le jeu de vents contraires, vents qui soufflent dedans et dehors. Vents qui me plaquent et me poussent. Action et répulsion.

Je suis un enfant qui arrive quand même à s'adapter. Je n'arrive pourtant de rien. Je réussis toujours à me trouver un vélo, un copain, à m'émerveiller. En bricolant, je me suis fait un monde. Un monde dans lequel, finalement, ça va.
Commenter  J’apprécie          00









{* *}