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Citation de mimo26


Espagne, El Palomar,

mardi 21 décembre 1937, 22 heures.



Teresa posa sa main sur l’épaule de Sole, qui s’apprêtait à se lever.

— Reste assise, Sole, s’il te plaît. Tu vas finir par me donner le tournis. Tu as passé la soirée debout !

— Je ne vais pas te laisser tout faire toute seule, quand même, hein ?

— Je ne veux plus te voir bouger de cette chaise.

— Il était bon, ton repas, ma Sole, dit Paco en étirant ses longs bras au-dessus de sa tête. Merci, mi amor, c’était une belle fête d’anniversaire.

Sole lui sourit en caressant son ventre volumineux qui tendait sa robe de laine.

— J’ai l’impression d’en avoir deux, souffla-t-elle en dessinant la circonférence du bout de ses doigts.

— Moi, je pense que tu n’en as qu’un, mais que c’est un costaud, intervint Teresa en débarrassant la table. Comme son père. Tu as vu la taille de Paco ?

— Tu vois, ma Sole, elle dit comme moi, ma sœur, renchérit Paco en terminant son verre de Montixelvo.

Le vin liquoreux enroba sa bouche de douceur et sa langue claqua de plaisir dans son palais.

Teresa déposa les couverts, les assiettes et les verres dans une bassine en métal.

— Tu es sûre que tu veux aller faire la vaisselle maintenant à la Font ? demanda Sole.

— Oui. Concha y sera sans doute aussi. On papotera un peu.

— La rivière doit être froide comme de la glace, Tere. Tu ne vas plus sentir tes doigts. Attends demain, non ?

Teresa et son frère échangèrent un regard. Ils ne pouvaient pas attendre le lendemain.

— Ça va me prendre un rien de temps, tu verras, répliqua-t-elle en soulevant la bassine pour la hisser sur sa tête.

La vaisselle tangua et cogna aux parois de la cuvette, occultant les premiers coups frappés à la porte. Les suivants furent plus vifs, invasifs.

Paco déploya sa grande carrure pour aller ouvrir. Il se figea aussitôt. Trois chemises bleues étaient plantées sur le seuil.

Teresa s’agrippa aux anses pour ne pas chavirer.

— Paco Morales Ramos, suivez-nous ! cracha le plus petit des trois en ajustant son couvre-chef, avant d’accrocher ses doigts à sa ceinture, à côté de son Astra 400.

Sole se leva, une main sous son ventre, l’autre en appui sur le dossier de sa chaise. Une pellicule de sueur glacée recouvrit sa nuque, puis sa lèvre supérieure. Elle serra la mâchoire pour ne pas claquer des dents.

Paco écarta les bras, ses larges paumes offertes au ciel, et força un sourire.

— Qu’est-ce qui se passe, señores ?

Le grand maigre lui attrapa le poignet.

— D’accord, d’accord, fit Paco.

— Soledad Melilla Santiago, aboya celui du milieu, certainement le chef, en direction de Sole.

Sans répondre, Sole se cramponna de plus belle au dossier de la chaise, son ventre se contractant par intermittence.

— C’est moi, Sole, s’interposa Teresa.

— Ah, oui ? C’est toi, Sole ? s’amusa le milicien.

Il fit un pas en avant, baissa son visage au niveau du sien et posa ses lèvres contre son oreille.

— Tu viens d’insulter El Caudillo : tu le sais, ça, espèce de traînée ? murmura-t-il. Tu crois qu’on ne mène pas notre enquête, hein, avant de venir cueillir les traîtres à l’Espagne ? Qu’on ne sait pas qui est rouge, comme ton frère, et qui est bleu, comme nous ? Tu crois qu’on ne sait pas que ce porc de républicain qu’est ton frère a engrossé sa femme ? Et que ton mari à toi, Teresa Morales Campos, est un maquisard ?

Teresa déglutit.

— Mon mari est mort depuis six mois, señor.

— Tu es sûre de ça, Tere ? Qu’il est mort depuis six mois, ton Tomeo ?

Elle frémit.

— Sí, señor.

Le chef acquiesça sans la quitter des yeux. Il rajusta sa veste en tirant sur ses manches, puis ordonna d’une voix placide à ses deux acolytes :

— Embarquez-les tous les trois.
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