L'observation du temps présent nous enseigne comment chaque fait peut être tour à tour différemment appréhendé, raconté, contextualisé - suivant la diversité des points de vue; elle nous enseigne comment chaque action, dans la vie privée non moins que dans la vie publique, fait l'objet d'interprétations les plus contradictoires. (...) Et s'il en est ainsi du contenu "objectif" de l'histoire qu'advient-il alors de la vérité historique ? L'idée de vérité se conçoit-elle sans celle de véracité (Richtigkeit).
Si la vie historique n'était que la reproduction du Même, elle serait sans liberté ni responsabilité, dépourvue de teneur éthique; elle serait de nature purement organique.
L'essence de l'interprétation, c'est de voir dans les événements passés des réalités selon toute la plénitude des conditions qu'exigeaient leur réalisation et leur existence.
Ce n'est qu'en apparence que les "faits" ici - et eux seuls, exclusivement, "objectivement" - parlent d'eux-mêmes. Ils seraient muets sans le narrateur qui les fait parler.
Ce n'est pas "l'objectivité" qui est la plus grande gloire de l'historien. Sa manière à lui de faire justice, c'est de chercher à comprendre.
Ce ne sont pas les choses passées qui reprennent de l'éclat -elles ne sont plus-, mais ce qui, ici et maintenant, n'en est pas encore révolu. Ces lueurs qu'on ravive nous tiennent lieu des choses passées; elles en sont comme la présence spirituelle.
Ce qui a été établi par la recherche sera présenté avec d'autant plus d'exactitude que l'on sera conscient de ce que l'on sait ainsi de ce que l'on ignore.