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Critiques de John Brunner (158)
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Tous à Zanzibar

Une construction fascinante et atypique …



Tous à Zanzibar est un grand classique de la science-fiction ... La construction du roman est absolument unique ( bien qu'elle ne sorte pas de nul part ) .

C'est entre autre , un enchainement de dépêches dont chacune est une perle .. le fil conducteur du roman est le personnage principal . Il est seulement un des nombreux aspects de la trame du recit . C'est ce qui donne un coté très désordonné au roman .



Fondamentalement nous avons-là un texte prospectif dont la pertinence rétroactive est envoutante ...

Il a été écrit en 1968 et ce roman sociologique proposait alors de la prospective sociale et géopolitique .

Les vues de l'auteur ne sont pas tombées très loin de la situation que nous connaissons .



Tous à Zanzibar nous proposes donc une sorte de présent alternatif et c'est aussi troublant que c'est plaisant .

J'insiste sur cet aspect présent alternatif savoureux , parce que c'est rare en fait , et c'est une saveur très originale qui est peut-être spécifique à la SF finalement .



Le texte est bien écrit et cette lecture est une véritable expérience .

L'auteur est une pointure , je tiens à le souligner pour toute personne qui ne connaitrais pas le genre .



Cependant cette lecture peut-être éprouvante .

C'est une expérience qui exige de la constance assidue à cause de cette structure narrative tout à fait singulière , qui peut apparaitre comme décousue pour un lecteur pas assez attentif .



Le charme de l'oeuvre vient du ricochet de notices terrifiantes ... amères .. lénifiantes ... brutales ... douces et amères , spectaculaires , dramatiques ou désespérantes ...

Il a dans ce récit un fond pétri d'une sorte de douce ironie pince-sans-rire récurrente , qui est drôle , sans être désopilant.



Le personnage principal navigue dans ces eaux tourmentées ( entre chasse d'eau et catastrophes géopolitiques ) .

Le lecteur finira par saisir sa signification dans ce contexte apparemment confus chapeauté par le supercalculateur ( sourires ) ...



Un roman difficile mais qui est une vraie expérience de lecture ..

Un texte qui déborde d'humour mais un humour pince-sans-rire très britannique , livré avec une tension limite désagréable .



Par ailleurs les thèses du roman , qui sont extrêmement incisives , ont aussi le charme de la pertinence malgré le temps qui passe ...



Je cite Spinrad :

C'est une construction littéraire comprenant un roman , plusieurs nouvelles , une série d'essais et tout un tas de trucs , le tout constituant une sorte de film .

Si Tous à Zanzibar prouve une chose , c'est que le tout peut être plus grand que la somme des parties ."



PS : l'intro de Gérard Klein est loin d'être inintéressante .



Un plaisir à poursuivre avec : , le troupeau aveugle , du même auteur .

C'est un autre texte de la même veine . Un livre que personnellement , je trouve encore meilleur que Tous à Zanzibar . . .

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Tous à Zanzibar

Ce livre est daté, mais reste excellent.



C'est de la science fiction prospective. L'auteur se projette 40 à 50 ans plus tard et nous immerge dans ce futur. Sauf qu'il a été écrit en 1969 et nous plonge dans les années 2010. le futur, c'est le début du XXIe siècle. Déjà, ça fait un peu bizarre.



Évidemment, comme il extrapole les grandes tendances de ses 20 dernières années, donc des 50s et 60s américaines, cela donne un monde dans lequel la consommation de masse a atteint des sommets dans le jetable, où diverses drogues légalisées sont devenues partie prenante de la vie des gens, où le raccourcissement des jupes a abouti aux vêtements transparents, et où la libération sexuelle a développé la catégorie sociale des "minettes" (je ne sais pas de quel terme anglais ce mot est la traduction), ces jeunes femmes qui voguent d'un appartement à l'autre au gré de leurs aventures. Mais il oublie de nous raconter ce qu'il en advient lorsqu'elles vieillissent.



Comme il a raté le retour du conservatisme moral et surtout le développement d'internet (il y a un ordinateur surpuissant mais solitaire), cela ressemble aujourd'hui davantage à une uchronie. Aussi parce que les guerres de Corée puis du Vietnam sont devenues une "guerre du Pacifique" perpétuelle, un peu à la façon de la guerre perpétuelle dans le 1984 d'Orwell.



Ce qu'il n'a pas raté, c'est le développement des multinationales, du complexe militaro-industriel, et de leur emprise sur le monde.



Ce qu'il a amplifié, le principal sujet du livre, c'est l'eugénisme issu de la surpopulation : le contrôle des naissances, initié de façon privée par la pilule des 60s, est devenu un régime très strict encadré par les législations et la pression sociale. Et c'est devenu du coup le grand sujet de préoccupation des gens.



Le point fort du livre, c'est la multiplicité des points de vue. Il y a bien sûr une intrigue principale, quelques personnages dont on suit le parcours et qui pourraient bien avoir infléchi la course de ce monde. Mais elle se développe au milieu d'une grande fresque impressionniste, sautant vers des personnages et intrigues mineures, incluant des flashs tv ou radio et des encarts publicitaires. Et du coup, l'effet d'immersion est totale.



Il y a d'ailleurs en entrée un sommaire fascinant qui répertorie les (courts) chapitres en les reclassant en catégories : l'intrigue principale, les personnages mineurs, les éléments du contexte, et dont les paginations s'intercalent. Je ne sais pas si l'intention de l'auteur est de suggérer qu'on pourrait aussi lire plusieurs "livres" différents en suivant cette classification, plutôt que de passer de l'une à l'autre catégorie en lisant dans la continuité. Cela donnerait un roman principal, un ou des recueils de nouvelles, et un machin impressionniste bizarre, un peu cut-up. Je devrais essayer mais je n'en ai pas le courage.



Finalement, pourquoi il mérite de survivre aux outrages du temps ? Parce qu'à force de réflexions sur l'hédonisme forcé et la recherche du bonheur, l'eugénisme, la filiation et la famille, la surpopulation, les inégalités et les pétages de plomb type amok, les différences culturelles et le racisme, il y a une belle interrogation sur ce qu'est l'humain.
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Faute de temps

Quand pendant une nuit pluvieuse, un agent de police dépose un individu extrêmement maigre et atteint d'une maladie rare chez le docteur Max Harrow, ce dernier ne se doute pas que cet homme (SDF ?) va complètement chambouler sa vie. Victime d'horribles cauchemars depuis la mort de son jeune fils, le premier fragment qui troublera l'esprit analytique de Max se trouve dans le poing fermé du supposé clochard...



S'ensuit une enquête intrigante qui repose presque entièrement sur les déductions du médecin et les maigres éléments peu concevables dont il dispose.



La composante science-fictive dans cette novella (de 110 pages), parue pour la première fois en 1963 reste... théorique ?... à moins qu'on décide, à la lecture, d'adhérer aux considérations "prémonitoires" et les réflexions du narrateur... ainsi que à ceux de l'auteur qui exprime à travers ce récit sa crainte obsessive des conséquences et retombées nucléaires.

Parce que la question essentielle que Max (ou Brunner) se pose et le constat auquel il arrive, demandent qu'on le croit ! ...faute de quoi... est-ce que nous risquons pas (un jour) de manquer de temps ?



Je ne vous dis évidemment pas ce que j'ai pensé de la fin de cette histoire qui se lit comme un bon thriller... il convient à chacun d'en tirer sa propre conclusion, a l'instar de Max...
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Eclipse totale

L’ auteur a écrit quelques romans du genre espace opéra qui vont de : tout à fait sympathiques à relativement sympathiques , S'ils n'atteignent généralement pas des sommets de perfection , ils n'en constituent pas moins de bons moments du genre espace opéra .



Dans ce texte aux personnages globalement soignés , fonctionnels et crédibles , John Bruner aborde de front l'exploration d'une société extraterrestre défunte et cette approche est absolument et totalement dénuée de la moindre once de ridicule , alors que le fameux et redoutable Sens of Wonder , dont l'ombre redoutable plane constamment sur le genre , reste totalement sous control .

Faut-il considérer ce roman comme l'aveux d'une prophétie de Cassandre et le prendre comme une sorte d`avertissement ? Qui nous serait frontalement destiné ? oui pas de doute .

Cependant si le message est clair , l'auteur choisit de l'exprimer selon la condensation et ce message qui transpire du texte , reste pertinemment au second plan , un peu à la manière de nuages qui ne cacheraient pas entièrement un ciel très couvert annonciateur de gros temps .



L'auteur a en effet le souci de se consacrer à ce monde étranger , de rendre cette équipe de chercheurs présente et aussi de rendre leurs découvertes et leurs difficultés ( émotionnelles comme professionnelles ) palpables et perceptibles pour le lecteur . Il parvient assez bien à faire tout cela et de ce fait , ce roman possède indiscutablement un charme certain .

Le texte est bien construit car tous ces procédés concourent à créer une atmosphère quasiment nostalgique ( de travail de deuil frustrant car prématuré ) où les drames silencieux du passé , s'entremêlent avec une réalité présente qui s'avèrera selon un processus savamment dosé , afficher une connotation tragique , tout à fait touchante , mais constructive également , si on la met en rapport avec la finalité profonde du roman .

Cette expédition sur ce monde désertique et maintenant mort , après avoir été vivant , affectera la santé de l'équipe médicalement parlant et leur vie sur ce monde qui n'est pas fait pour eux , prendra très vite l'allure d'un naufrage aussi tranquille et dramatique qu'il sera émouvant !

Attente d'un secours hypothétique , poursuivre les recherches , coucher sur le papier le résultat de ce travail et en même temps des réflexions personnelles , car la vie prend une dimension dramatique , alors que les blessures creusent des sillons profonds qui font de plus en plus mal ..

Un roman à l'atmosphère palpable et un bon moment de planète opéra tangible , plaisant et non dénué d'intérêt , en plus d’être tragique.



Des faiblesses pourtant et malgré tout , qui frustrent le lecteur exigent et qui font plafonner ce texte , définitivement plus bas que son potentiel , et plus bas , que les promesses de son plan , celles de ses thématiques et de ses questions levées avec pertinence , laissaient entrevoir . .

Sans parler des qualités de styles que John Bruner était parfaitement capable de mobiliser et qui ne sont pas vraiment au rendez-vous .

Mais une assez bonne distraction néanmoins . Dans les « space opera « de l’auteur , je conseille : Le creuset du temps qui est plus solide

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Le Creuset du temps







Dans ce roman Brunner invente une civilisation extraterrestre et une espèce intelligente qui anime cette civilisation .



Ces êtres sont des plantes mobiles et cet aspect des choses est bien rendu dans ce roman où la caractérisation est bonne et où les descriptions sont assez suggestives .

Ces plantes mobiles et intelligentes sont très convaincantes . Elle sont assez anthropomorphes néanmoins ( un peu trop selon mes misérables critères de prédilection en matière de thématique du contact ) pour ce qui est de leur psychologie et de l'histoire de leur civilisation .

L'auteur parvient vraiment à rendre cet univers tangible et le lecteur passe un bon moment au contact de cette espèce sympathique menacée de disparition par un géo croiseur qui percutera leur monde avec une quasi-certitude .



C'est une course contre la montre dans laquelle est projeté le lecteur , selon un tempo qui va s'accélèrent au grès du temps et des époques que traverse cette civilisation à la description assez dense .

La menace se précise progressivement sur une assez longue période historique où nous voyons ces plantes bâtir une civilisation , découvrir la menace .

Découvrir la science également , et tenter finalement de parer à la fin de ce monde qui est le leur ou tout du moins de sauver leur espèce .



Cependant , pour ce qui est de cette évolution historique , il faut constater qu' il s'agit d'un calque à peine extrapolé de l'histoire de l'Europe occidentale .

De même leurs mentalités et les fondements de leur pensée symbolique et scientifique , n'ont rien de très spécifique ou bien d'original .

Ce qui est bien développé , c'est l'anatomie de ces êtres biens caractérisés ainsi que l'environnement astronomique de leur système solaire qui est exploité et imaginé par l'auteur à la perfection et c’est bon à prendre.



Donc ce peut être assez décevant , même si cela demeure incontestablement une lecture très agréable et prenante , Cela peut décevoir car ce n'est pas assez inventif ou étrange du point de vue évolution historique et mentalités .

Mais l’univers est d’une grande crédibilité quand-même .

Donc, à mon humble avis il y a dans ce roman de quoi passer un bon moment pour les amateurs d’univers ,un assez bon moment de planète opéra pas de doutes .

Si ce n'était une exigence très personnelle de crédibilité et d'originalité dans le traitement du thème du contact , j'aurais conseillé ce roman sans réserve car c'est malgré tout une bonne distraction .



Un texte qui n'a pas vieilli du tout , c'est un John Bruner quand même , même si il nourrit le but principal de distraire





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L'Orbite déchiquetée

Tout d'abord je remercie l'opération Masse Critique et les éditions Mnémos, pour la collection Hélios, de m'avoir si gentiment offert cet ouvrage.

Il fait partie de la Tétralogie noire de John Brunner, au même titre que Tous à Zanzibar, Le troupeau aveugle et Sur l'onde de choc.



Roman incroyablement sombre et visionnaire de l'époque, pourtant toujours d'actualité car traitant des nombreux vices éternels des hommes, L'orbite déchiquetée ne fait pas dans la demi-mesure. Parfois ironique mais toujours cinglant sur sa critique de la société ainsi que ses dérives, l'intrigue nous plonge dans un monde profondément raciste et gouverné par la peur et la haine des autres. Les lobbys pour la vente et le port d'armes en prennent pour leur grade, de même que l'ensemble des médias d'information ou plutôt de désinformation. La manipulation des masses au travers des outils de propagande capables de fabriquer des reportages complètement fakes pour la bonne cause est au centre du roman. Encore que les téléspectateurs ne s'en soucient même plus, tellement l'égoïsme et le repli sur soi-même dominent ce nouveau monde.

Peu d'espoir d'une possible porte de sortie au final. C'est terrifiant car tout semble tellement crédible. J'ai souvent cru être en train de lire un bouquin de K. Dick avec sa description sans concession de la société américaine.



Par contre, bien que le propos soit juste, que les idées soient excellentes notamment dans la construction de l'avenir de notre planète, et bien que les chapitres soient courts, passant régulièrement d'un personnage à un autre, j'ai trouvé que le tout manquait légèrement de rebondissements, un peu d'action et beaucoup de suspense.



C'est une brillante critique de la société, malheureusement intemporelle, mais traitée de manière trop longue ou pas assez captivante.
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Le troupeau aveugle - Intégrale

Un long roman de Brunner théoriquement après tous à Zanzibar . Dans un univers pollué jusqu'à l'os .

Une lecture qui s'est avérée facile ( malgré la construction et le nombre de personnages ) .

Il y a une intrigue en fait . On sait à tout moment ou on en est .

L'intrigue sert de base à la continuité du texte , car il y a quatre fils narratif dirais-je .

Mais l'intérêt du roman n'est pas exclusivement dans cette intrigue .

Elle n'est en grande partie qu'un prétexte pour décrire un monde pollué à l'extrême ...

Pas de ton moralisateur .. une foule d'anecdotes au détour de situations diverses et variées .

Un humour noir mais pas trop grinçant , même si il est aussi caustique que la pluie acide qui existe dans cet univers .

Une vraie réussite que ce roman qui n'arrive pas à vraiment vieillir .

On peut encore avoir l'impression de lire de l'anticipation ou aussi bien celle de se trouver dans une sorte de présent alternatif ( c'est très bizarre comme impression ) .

Je trouve que le troupeau aveugle va droit au but .

J'ai beaucoup aimé le précèdent , mais le troupeau aveugle réussît mieux encore à épuiser son sujet ( avec plus de clarté ? ) .

C'est un roman très prenant dont la lecture n'a rien de rébarbatif ... au contraire ... grâce à l'humour , à l'absurde , au grand frisson .. grâce au suspens et à un sens aigu de la description .



Il est utile ( je crois ! ) de préciser que ce n'est pas une suite de tous à zanzibar et que l'on peut l'aborder indépendamment .



Je conclue en citant Norman Spinrad ( elle vaut aussi bien pour Le troupeau aveugle ) :



" C'est une construction littéraire comprenant un roman , plusieurs nouvelles , une série d'essais et tout un tas de trucs , le tout constituant une sorte de film .

Si Tous à Zanzibar prouve une chose , c'est que le tout peut être plus grand que la somme des parties ."

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Tous à Zanzibar

Ce roman de Science-Fiction écrit en 1968 décrit notre planète dans un futur situé en 2010 ! Le résultat est assez étonnant car si le monde ne ressemble heureusement pas totalement à ça, il faut bien reconnaître que John Brunner a imaginé un univers qui, sur bien des points, colle avec ce que nous avons connu et connaissons. C’est frappant, mais ce n’est pas ce qui est le plus étonnant dans ce roman. Dès les premières pages on sent que ça part dans tous les sens, les chapitres sont courts mais ne se suivent pas forcément, un peu comme si on zappait sans cesse entre plusieurs chaînes. Et pour cause, l’auteur a conçu ce roman de façon à ce qu’on puisse le lire soit dans l’ordre de la pagination, soit comme quatre textes différents, en commençant par celui qu’on veut. Mais, en dehors du fait que tous ces textes se déroulent dans le même univers dont ils nous dévoilent plusieurs facettes, ce ne sont pas du tout des textes qui nous présentent la même histoire sous des points de vue différents comme Le Quatuor d’Alexandrie ou les cycles romanesques d’Aki Shimazaki. Non, il y a bien une histoire, une double intrigue qui tourne autour de deux colocataires américains, Norman qui va participer à l’achat par l’entreprise GT du Beninia (pays situé sur une île fictive dans le golfe du Bénin), et Donald que les services secrets envoient au Yukatang (archipel asiatique) pour espionner les travaux d'un généticien. Cette histoire elle se déroule dans les chapitres intitulés Continuité. Autour de cette histoire, il y a les chapitres Jalons et portraits dans lesquels il y a plein de personnages secondaires qui parfois croisent, ou non, les univers de Norman et Donald. Et puis il y a les chapitres Le monde en marche qui nous donnent des bribes d’info sur ce qui se passe dans le monde, au Beninia, au Yukatang ou ailleurs. Et enfin les chapitres Contexte qui nous donne des informations concrètes sur le monde de 2010 (ainsi que des publicités, des citations du sociologue Chad Mulligan, qui par ailleurs se révèle être aussi un protagoniste de l’histoire)! Autant dire que ce n’est pas une lecture de tout repos, en tout cas dans l’ordre des pages ! Et je ne suis pas persuadée qu’une autre façon de le lire soit plus intéressante, en tout cas la première fois (à essayer peut-être lors d’une relecture?) ! Mais quelle imagination, quelle invention, y compris linguistique ! Le résultat est un patchwork déjanté, un collage un peu fou, très rythmé et très vivant. Un ovni littéraire qui vaut d’être découvert.
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Le voyageur en noir (Le passager de la nuit)

Tous à Zanzibar, Le Troupeau aveugle, À l’Ouest du temps, … Des titres qui ont franchi le temps et qui ont accompagné ma découverte de la littérature de science-fiction. Leur auteur, John Brunner fait partie de ces écrivains dont on a entendu parler et dont on sait qu’il a compté. Maintenant, un peu moins. Il fait partie des classiques, de ceux qu’on lira peut-être si on trouve un moment. En tout cas, ce qui est net quand on regarde sa bibliographie, c’est qu’il a écrit de la science-fiction et pas de fantasy. D’où ma surprise en découvrant Le Voyageur en noir.



L’éditeur n’essaie pas de nous tromper. Au contraire, c’est presque un titre de gloire : le seul récit de fantasy (notable, car d’autres, moins intéressants, sont parus en V.O.) écrit par John Brunner. Et c’est bien vrai, nous sommes dans un monde habité de magiciens, plus ou moins adroits, d’élémentaires et de forces magiques, souvent égoïstes. Comme les êtres humains, en fait.



Mais avant d’aller plus loin, un petit mot sur la composition de cet ouvrage. Car, comme l’explique très bien la préface fort bien faite (et qui ne révèle pas trop l’histoire) de Patrick Moran, Le Voyageur en noir n’est pas un roman, mais une série de cinq nouvelles agrégées l’une à l’autre. Et elles n’ont pas été écrites rapidement, mais sur près de vingt ans. Jugez-en par vous-mêmes : 1960 paraît « La Marque du chaos » ; 1966, c’est au tour d’« Abattre la porte des enfers » ; « Le pari qu’on perd en gagnant » arrive en 1970 (déjà dix ans) ; « Une redoutable empire » en 1971 (quelle rapidité !) ; et « Ces choses qui sont des dieux », en fait l’avant-dernière histoire, en 1979. Cette inversion s’explique par le fait que John Brunner avait d’abord publié les quatre premières nouvelles sous le titre Le Passager de la nuit en 1971. En 1982, il offre une nouvelle version, contenant donc « Ces choses qui sont des dieux », qui s’intercale avant « Une redoutable empire », récit conclusif.



Mais assez parlé cuisine, venons-en aux histoires. Le Voyageur en noir coche les cases du genre fantasy. Il porte cependant sur lui un regard légèrement distancié et amusé. Le personnage principal, ce voyageur tout de noir vêtu et portant un bâton qui se révèle rapidement magique, a comme pouvoir, entre autres, celui d’exaucer les vœux. Vous vous en doutez, le choix des mots est essentiel et la réalisation de ces souhaits peut conduite à la mort de l’inconscient qui les a formulés. Cela rappelle Les Mille et une nuits (et plus récemment La Cité de soie et d’acier) où les transactions avec les êtres magiques doivent être réfléchies avec soin afin d’éviter tout accident. Ces personnages s’ennuient souvent et tromper les humains est une de leurs distractions favorites.



Ici, le voyageur (qui a porté une multitude de noms et donc n’en donne aucun) ne fait pas le mal pour le mal. Il use juste de ses pouvoirs pour tenter de faire triompher les plus vertueux et de punir les plus cupides, les plus mauvais. Comme ces deux peuples se faisant la guerre et appelant chacun à la perte de l’autre : la colère d’un volcan les a réduits, les deux, au silence et a « purifié » la région. Parfois la punition est moins douloureuse et seul l’orgueil est touché : un pêcheur, se vantant d’une de ses anciennes prises, se trouve ridiculisé quand elle apparaît dans toute sa réalité (et sa petitesse) devant des spectateurs hilares. Mais dans tous les cas, le voyageur exauce le vœu, c’est son rôle. Et très souvent, ceux qui les ont faits s’en mordent les doigts (quand ils en ont encore). Cela donne une touche pleine d’humour aux récits.



Mais aussi une tonalité fataliste et assez mélancolique. Quand quatre planètes entrent en conjonction, le voyageur vient voir où en est la terre et les cités dont il suit l’évolution. La magie a-t-elle reflué ? Car on lui a assigné un rôle : « faire émerger l’ordre à partir du chaos. » Et pour cela, il doit faire cesser la domination des pratiques de sorcellerie qui amène le désordre, l’incertitude, le chaos. Discours intéressant pour un auteur social (John Brunner, dans ses romans les plus connus, dénonce les travers de la société et propose d’autres modèles, plus égalitaires, plus respectueux de l’individu) plus porté sur la SF : les inégalités induites par la possession de la fortune due en grande partie à la magie ne sont plus acceptables. Avec la raison viendra le respect de l’autre.



Même si « l’homme sera toujours semblable à lui-même », et ce n’est pas là un constat positif tant les exemples d’humanité qui se dressent devant le voyageur en noir sont frappants de mesquinerie et de cruauté. Ou plutôt non, pas de cruauté, juste d’indifférence devant le sort d’autrui. Les cités décrites par John Brunner sont peuplées d’égoïstes portés sur leurs seuls plaisirs et qui n’hésitent pas à sacrifier des enfants et des adultes pas dizaines si cela peut leur permettre d’obtenir ce qu’il veulent, une jouissance quelconque. Là encore, l’auteur va jusqu’à l’outrance dans ses descriptions de scène de rituels ridicules : « Vivette y ajouta un collier de grosses perles contenant des yeux d’enfants mort-nés » ou de boucheries stupides : « Pellidin, les mains crispées sur trois suppliciés, bouillie de chair et d’os ». Comme s’il se moquait un peu de certains tics de la fantasy de basse qualité, qui se sent obligé d’accumuler les poncifs et les exagérations pour impressionner ses lecteurices.



Quelle belle surprise que ce Voyageur en noir ! J’ai adoré me laisser porter par les pérégrinations de cet envoyé d’on ne sait qui (enfin si, on le découvre dans la dernière nouvelle). Par son regard plein de générosité mais aussi de fatalisme sur les individus qu’il croise et dont il bouleverse les existences. Par le ton légèrement désabusé employé par l’auteur, qui fait le sel de ces aventures. Par l’outrance de certains personnages, obsédés par leurs envies et leurs plaisirs à un point tel qu’ils en deviennent inconscients et sont ainsi conduits, inéluctablement, à leur perte. Vraiment, une lecture bienvenue, d’autant plus belle qu’elle profite de la nouvelle maquette des éditions Mnémos que, pour l’instant, je trouve très réussie. Les teintes un peu pastel, les couvertures assez épurées et les motifs géométriques qui encadrent titre et nom de l’auteur me séduisent. Un changement tout à fait à mon goût.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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La planète Folie

Oh la belle couverture ! la planète de folie .

Ce roman est un peu lourd aux entournures , mais il est notablement sympathique finalement , à défaut d'être véritablement crédible sur le fond .

C'est la découverte d'un nouveau monde , qui affiche clairement et ouvertement quelques réminiscences très flagrantes , rappelant la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb ,La Pinta , La Nina et La Santa Maria ... bon ...

Un groupe assez conséquente de colons va faire face à une suite de difficultés imprévues ou bien des plus prévisibles , c'est selon , sur un nouveau monde ...

A l'arrivée dans le système , un des trois vaisseaux « Does not make it « , de ce fait , un manque crucial ( deuil et manque ) caractérisera la colonie dès le départ .

Cet accident distillera un agréable parfum de difficulté , pour le lecteur , mais c’est moins agréable , pour les colons .

Ceci au tout début de cette entreprise de colonisation et très vite ,cette entreprise sera hasardeuse et en péril constant .

Ce monde est idéalement diffèrent du notre , plus que véritablement étranger . Pas de véritable masses continentales , des mois et des jours à la durée différente de ceux de la Terre .

La biosphère et l'atmosphère de cette planète sont très confortables apparemment , rien de très dangereux apparemment non plus du côté des animaux par exemple .

Bref un paradis , mais un paradis qui va bientôt « rejeter « les colons , car ils seront dans l'incapacité de se nourrir efficacement , de ce que la planète peut leur proposer comme nourriture .

Intoxication par piqure , carences biologiques et aussi un scorbut impitoyable qui touchera lui , la presque totalité de la colonie . Ces difficultés , seront gravissimes au point de menacer de détruire cette fragile colonie .

Le plus gros du roman sera consacré à la problématique de colonisation de cette planète qui a l'air légèrement différente de la terre et c'est un monde très avenant ( et pas très dépaysant ) .

L'auteur ne se foule pas trop pour l'étrangeté de la biomasse , il table plutôt sur une sorte d'exotisme qui cependant fonctionne bien d'un point de vue romanesque .

Dans ce roman le lecteur reçoit : « le coup de Gaia « !

Alors : Et si ce monde avait une volonté propre ? hein ! , des fois ?

La thèse du texte est très sympathique ( de portée écologique ) et cette entreprise de colonisation diffuse un certain parfum de réalité qui est assez entêtant .

L'épidémie de scorbut est dramatique . Un personnage crédible se démènera dans cette mouise aux allures paradisiaques .

Mais je pense sincèrement que globalement on est au-dessous du minimum syndical dans cette livraison de John Bruner .

Un peu gros comme dénouement et plus généralement comme dynamique planétaire ......

Cependant et sans doutes du charme et cette colonie marque incontestablement le lecteur ,même après de très longues années ....

Je joins ici le 4e de couverture de l'édition américaine :

Everything about the planet revolving about Sigma Draconis seemed to indicate that here was a world that could be made into a second Earth. It was fertile and lacked native inhabitants and dangerous beasts. Then what was troubling the pioneer colony that had landed and set up shop there? Was it really possible just to create a new Earth on any vacant world waiting a landing? Or was there a lot more to planetary ecologies than humanity realized? The problem is faced in this brilliant new novel by the talented hand of John Brunner, and it is a problem more complex (and yet devilishly simpler) than might be supposed. Here is a novel of interstellar colonization that is also a novel of human adventure and the desperate plight of the one man who thought he knew what was making a heavenly body into the Bedlam Planet.

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A perte de temps

Si vous voulez une petite lecture sympa, divertissante, sans prise de tête, sur le thème du voyage dans le temps, alors ce court roman est fait pour vous.

Il propose quelques bonnes pistes de réflexion en plus sur la nature de l'être humain et sa bonne habitude à édicter pour les autres des règles qu'il ne suivra peut-être pas lui-même.



J'ai bien aimé le personnage principal qui doit affronter trois situations mettant en cause la possibilité d'aller dans le passé et le danger que cela représente si des personnes mal intentionnées en profitent.

Toutefois, autant les questionnements sont intéressants et pertinents, autant j'ai trouvé les explications des modifications, réalités parallèles et paradoxes résultants, parfois très floues et incompréhensibles. C'est un peu comme si l'auteur par moment trouvait lui-même son passage ou son rebondissement complètement illogique et n'avait pas envie de parvenir à le justifier. C'est un beu dommage car ça empêche d'entrer totalement dans l'univers du livre.

Mais cela ne gêne tout de même pas pour suivre les péripéties et dénouements avec plaisir.



Et surtout, on a une bonne chute finale !
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Tous à Zanzibar

Voici une oeuvre choc de la SF ! Sorti en 1968, ce gros roman relu de nos jours s'avère visionnaire, la réalité ayant largement rejoint cette formidable fiction sous bien des aspects.

Jugeons plutôt, la revue de détail est éloquente, et même sidérante !

vers 2010, les villes sur Terre sont surpeuplées, des gens dorment dans la rue, où des "amocheurs" font régulièrement des raids mortels.

L'espionnage industriel et le sabotage font rage.

La science a fait des progrès importants, on peut désormais vivre avec des organes artificiels. On se bourre de drogues et médicaments. La législation eugénique interdit de procréer à ceux qui présentent la moindre anomalie génétique, et on tolère très mal les couples ayant plus de 2 enfants.

La publicité TV aliène l'individu.

Les baleines ont disparu, l'eau est rare et chère.

Certes, les automobiles et leur lot d'embouteillages monstres ont disparu aussi (mince, la seule bonne nouvelle n'a même pas eu lieu !)

Les inégalités de richesse entre pays sont très fortes, dans un monde bipolaire dominé par l'affrontement capitalisme/maoïsme chinois...tandis que le Yatakang, nouvelle puissance économique d'Asie du Sud-est décolle !

Economie nationalisée, aux mains de quelques Etats et multinationales comme la General Technics, gardienne du fantastique ordinateur Shalmaneser qui filtre l'information, et, qui sait, a peut-être une conscience ?

Pour le sociologue Chad Mulligan, il y a urgence : ce monde chaotique et dangereux est "délinquescent"...mais est-il encore temps d'agir dans ce tourbillon ? Peut-on encore vivre comme les hommes du continent africain ? L'énorme retard technologique et la misère de ses habitants sont peut-être le double prix à payer pour rester libre et maître de son destin, donc finalement heureux, face à un monde artificiel et cybernétique ?

Personnellement, une des plus belles oeuvres de SF jamais lues, la vraie SF traditionnelle comme elle n'existe pratiquement plus, emportée par les cycles fantasystes qui ont suivi, et peut-être par ce qu'on appelle le "progrès" qui a souvent dépassé la fiction.

Et c'est aussi un choc stylistique, le procédé d'écriture est déroutant, percutant, au départ la présentation fait figure d'OVNI, et finalement elle illustre et traduit à la perfection le propos !

Relisons donc les 4 romans de la Tétralogie noire de John Brunner, dont celui-ci marque le point de départ, et qui se poursuivront par l'Orbite déchiquetée, le Troupeau aveugle, et Sur l'onde de choc, autant de merveilles d'anticipation nées de la montée des inquiétudes et tensions politiques, économiques, sociales et environnementales (bien qu'encore discrètes) des années 70.
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Faute de temps

Je lis peu de John Brunner bien que ses romans dystopiques aient très bonne réputation. Probablement parce que j’ai peur que ce soit trop anxiogène (j’ai le souvenir encore vivace et amer de la Forêt de Cristal de J.G. Ballard) et aussi parce que j’ai du mal à me précipiter sur les pavés. Du coup j’ai profité de cette histoire courte parue dans une collection qui jusqu’ici ne m’a pas déçu.



Et c’est plutôt un succès. L’histoire est construite comme une énigme accrocheuse avec un parfum de fantastique : le bizarre vient bouleverser le quotidien d’un hôpital et d’un couple en particulier. Ce « bizarre » n’est pourtant pas inexplicable si l’on est prêt à admettre les solutions improbables que peut forger la raison. L’angoisse arrive à la fin, quand on comprend ce qu’il va advenir par la suite. Au sujet principal qui affectera le monde viennent se greffer les déchirements d’un couple qui n’a jamais surmonté le chagrin d’avoir perdu un enfant. La tension intime du couple et ce que l’on sent poindre comme un danger radical s’équilibrent du point de vue émotionnel. C’est du Robert-Charles Wilson avant l’heure.



Le récit fait ressortir la peur d’une partie de la population des années 1960 vis-à-vis du développement de l’arme atomique. John Brunner n’hésite pas, à travers son personnage principal, à clamer haut et fort son pacifisme et sa haine des gouvernements qui jouent au bilboquet avec le sort du monde. Il est étonnant que, de nos jours où cette arme se propage à travers le monde, contrôlée par certains individus franchement inquiétants, on ne sente pas de regain de cette inquiétude dans l’opinion, comme si l’on admettait que personne n’osera jamais s’en servir (ce qui est à mon avis une erreur majeure).



L’histoire est donc très agréable à lire. Cependant son suspense est en grande partie gâché par la phrase de présentation en quatrième de couverture et le titre qui permettent à l’œil averti de résoudre rapidement l’énigme. C’est très dommageable.

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Le voyageur en noir (Le passager de la nuit)

Comment ? Que dites-vous ? John Brunner, l'un des maîtres de l'anticipation dystopique de nos sociétés, a écrit un livre de fantasy ?

J'y cours.



Voilà ce qui m'est passé par la tête quand j'ai appris que ce livre allait être réédité. Miné par la curiosité.

Curiosité assouvie à présent. Il s'agit en fait d'un fix-up. L'univers de ces cinq nouvelles a accompagné l'auteur pendant près de vingt ans ; la première date de 1960, la dernière de 1979. Cela devait représenter une sorte de pause pour lui, une sortie éphémère hors de ses sentiers battus.

Fantasy, oui, sauf que…



Oui, c'est un vrai monde de fantasy que John Brunner nous invite à visiter. On y trouve Ordre et Chaos, sorciers et chevaliers, rois et ducs assoiffés de pouvoir, démons et élémentaux. le lecteur fantasérudit y verra un peu de Michael Moorcock, de Robert E. Howard dans le décor, un peu plus des Épées de Fritz Leiber ou du Cugel de Jack Vance pour le ton et la gouaille des personnages.

Sauf que ce que l'auteur va s'acharner à réaliser à travers ces récits, c'est effacer tout ce qui en constitue la fantasy, pourvoyant un bâton lumineux à son héros en guise de gomme. C'est tout de même rare de créer un univers pour s'acharner à le vider de sa substance.



Le héros – ce fameux voyageur en noir du titre – est mandaté pour éliminer le chaos et faire enfin régner l'ordre. Il dit aussi « éliminer la diversité pour que toute chose devienne unique », ce qui me paraît plus équivoque. Il est clair que les forces inhumaines qui pillent ce monde ne sont pas à la fête, mais en réalité, le voyageur essaie surtout de supprimer certains comportements typiquement humains, du genre des sept pêchés capitaux, pour rendre l'humanité enfin raisonnable. Pour cela il joue les génies de la lampe, exauçant les voeux de « ceux qui le méritent » pour mieux les punir et pour notre plus grand bonheur (bonheur un peu sadique, au demeurant). Comment ne pas rire du sort de cet apprenti sorcier souhaitant « percer les mystères » pour que l'on se prosterne devant lui et qu'on le couvre trésors, et qui se retrouve figé à jamais, devenu objet de culte ?



Supprimer les méchants comportements de l'humanité ? Est-ce possible, même avec un bâton de lumière ? Quel sera le monde une fois son oeuvre accomplie (ce qui prendra des siècles, mais qu'importe au voyageur) ? Lui-même n'en a aucune idée.

Je gage que John Brunner voulait dire que le nouveau monde est le nôtre, avec moins de magie. Mais plus de raisonnable ? L'auteur de Tous à Zanzibar se révèle railleur, n'y croyant sûrement pas.



Avec ce bouquin, on peut réfléchir un peu, mais surtout on s'amuse. Un vrai plaisir.

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Les productions du temps

Voilà le deuxième ouvrage de John Brunner que je termine et je peux dire qu'il m'a une nouvelle fois séduit.

Ce roman étiqueté comme de la science-fiction se présente pour les deux tiers comme un roman policier avec du suspense, de l'intrigue, et se termine sous un habillage plutôt fantastique. En épigraphe nous trouvons une citation de William Blake extraite de l'ouvrage "le Mariage du ciel et de l'enfer" qui éclaire d'un rayon surréaliste la genèse de ce roman.

L'auteur sait construire un récit, le lecteur toujours tenu en haleine ne ressent jamais de temps morts. Rien n'est inutile, aucun remplissage, tout se déroule suivant un plan bien établi. On sent que l'auteur est sûr de lui, que sa technique narrative est solide pour épauler son imagination fertile.

Je n'ai pas abordé John Brunner par ses ouvrages les plus célèbres et je suis pourtant déjà sous le charme, avec l'impression d'être déjà très haut.

Je vous invite à venir découvrir cet auteur britannique qui n'a pas moins d'une trentaine de romans à son actif. Cela présage des nuits d'insomnie...
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Tous à Zanzibar

Tous à Zanzibar a été écrit en 1968 et décrit notre monde actuel (2010), qui se caractérise par une surpopulation généralisée sur toute la planète. Des mesures eugénistes se mettent en place dans les pays développés. Avant d'avoir la permission d'avoir un enfant, les couples doivent faire analyser leur génome : à la moindre suspicion de maladie génétique (schizophrénie, hémophilie, et même daltonisme), la personne a l'interdiction d'avoir une descendance. Les fœtus à risque sont avortés. Avoir des enfants est devenu un privilège, mais en avoir plus de deux est très mal perçu. Les couples sans enfant se rassemblent en association pour s'occuper d'un enfant d'une autre famille un jour par semaine.



À cause de la surpopulation, des amocheurs (dérivé du terme « Amok », qui désigne une personne folle qui détruit tout sur son passage) sèment régulièrement la panique dans les grandes villes.



L'histoire se focalise sur deux grands évènements : la société General Technic Corporation s'apprête à acheter un pays africain entier, et planifie son opération grâce à son super-ordinateur Shalmaneser, qui prend toutes les décisions ; à l'autre bout du globe, le Yatakang annonce qu'il est sur le point de créer une génération de surhommes et de pouvoir créer des génies sur commande pour toute sa population, déclaration qui secoue tout le reste de la planète.



La structure du roman est assez particulière. Les chapitres sont regroupés en quatre catégories : le « monde en marche », qui regroupe des courtes phrases saisies au vol dans des conversations ou des émissions de radio, parfois inachevées ; « Jalons et portraits », qui présente des personnages qui n'interviennent pas vraiment dans l'intrigue, mais qui nous permettent de mieux comprendre les évènements ; « Contexte », qui comme son nom l'indique, nous explique ce qui passe au moment du récit ; et « Continuité », l'intrigue proprement dite.



Je suis resté un peu sur ma faim avec ce livre : les deux évènements sur lesquels on se focalise ne m'ont pas semblé pertinents : on se focalise plus sur les pressions politiques et économiques qu'ils entraînent plutôt que sur les problématiques de la surpopulation et de l'eugénisme qui me paraissaient plus riches et intéressants à traiter. Je regrette qu'il n'y ait pas eu plus de place pour le sociologue Chad Mulligan et son « Lexique de la délinquescence », qui est très mordant et très critique sur ces phénomènes de surpopulation.
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Le troupeau aveugle - Intégrale

Si la chaleur de ces derniers jours vous paraissait déjà irrespirable, il vaudrait mieux vous abstenir d'ouvrir ce livre, qui pourrait bien vous achever. John Brunner imagine un monde futur, mais pas lointain du tout, dans lequel le mode de vie occidental n'a connu aucun frein.



Résultat, la pollution a explosé ; toutes les villes sont couvertes par un épais smog, et rares sont les habitants à pouvoir encore apercevoir le soleil. Se baigner dans une rivière ou la mer est aussi pertinent que de vouloir piquer une tête dans une décharge publique. Les antibiotiques et les pesticides ont été utilisés à outrance, permettant aux virus et bactérie d'acquérir une immunité. Les poux, les puces, les tiques, les insectes ravageurs de culture s'en donnent alors à cœur joie, ignorant les doses de plus en plus massives de produits chimiques qu'on leur inflige dans des tentatives désespérées de reprendre la main. Dans cette guerre chimique, les humains s'en tirent moins bien : vous ne croiserez pas une personne qui ne soit atteinte d'asthme, de gonorrhée, de diarrhée ou de psoriasis. Quant aux bébés, rares sont ceux qui naissent sans handicap, physique ou mental.



Le monde présenté par Brunner est glaçant de réalisme. On se sent sale, poisseux, on cherche à reprendre son souffle en parcourant les pages. Cet effet est d'autant plus réussi que l'auteur ne cherche pas à nous donner de grandes explications géopolitiques. On suit au contraire les petits tracas quotidiens de citoyens tout à fait normaux, qui, on s'en rend compte, pourraient être nous dans quelques années : l'un attrape le typhus pour avoir bu de l'eau du robinet sans la traiter, un autre doit subir un traitement de plusieurs mois pour une maladie vénérienne qui se traite en une semaine aujourd'hui, un couple se ruine pour acheter de la nourriture à peu près saine pendant la grossesse de madame, des habitants d'immeubles cossus se résignent à cohabiter avec les rats, etc.



L'auteur n'est pas plus optimiste sur les solutions à apporter. Les habitants sont répartis en deux catégories : les partisans de la fuite en avant, qui considèrent que les problèmes causés par la technologie ne peuvent se résoudre qu'avec plus de technologie, et les résignés, qui attendent la catastrophe à venir en imaginant un mode de vie qui pourrait fonctionner après l'apocalypse. Les rares lanceurs d'alerte sont applaudis le temps de leur passage à la télévision, puis oublié dès le générique de fin d'émission.



Alors, c'est vrai que se balader avec un masque est déjà devenu recommandé dans certains grandes villes d'Asie si on ne veut pas voir son espérance de vie diminuer de dix ans, que de nouvelles épidémies apparaissent sporadiquement, et que les pesticides font régulièrement débat… Mais bon, nous, nous ne sommes quand même un troupeau aveugle… Si ?
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Tous à Zanzibar

Cette histoire extrêmement longue, saugrenue et morcelée en de multiples sauts de puce narratifs n’est que vaguement intrigante. Abandonner ici et là un rebondissement n’entraîne guère de regret car le génie de Brunner dans ce livre réside moins dans le déploiement d’un récit, que je me figure bien se trouver là par ruse (métaphysique de l’amour fictionnel, dirait Schopenhauer), que dans la description d’une société et de mœurs à nous autres semblables, mais sur la pente du pire.





John Brunner écrit donc ce livre en 1966 et il s’imagine l’année 2010 – car cinquante ans nous semblent toujours assez lointains pour exagérer les formes d’un mode de vie alors que l’essentiel se joue dans les tréfonds. Il dépeint donc une société qui ignore sa servitude volontaire car elle la dédie à la satisfaction des jouissances immédiates de la consommation et du divertissement. Si, dans sa peinture, John Brunner exagère, c’est simplement parce qu’il se précipite, anticipant les problématiques du biocontrôle dans le péril surpopulatoire. Les détails de cette société plus que les intrigues qui s’y déroulent tiennent en haleine et lorsqu’entre deux chapitres viennent s’intercaler des recensions publicitaires à la manière d’Ubik, ou les notes du passionnant Chad C. Mulligan, sorte de Bukowski sociologue désabusé et perpétuellement ivre, des secousses se produisent. « Que faire à Zanzibar ? » se demandent les vacanciers angoissés par le vide : voici une question qu’aucun des zanzibariens de John Brunner ne se pose – ou alors seulement à la fin.

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A l'ouest du temps

Paul est médecin dans un hôpital psychiatrique, et mène une vie morne et déprimante : sa carrière est au point mort, son couple bat de l’aile, et il est enterré au fin fond d’une campagne déprimante. Un soir, il fait une rencontre inattendue : une jeune femme nue, perdue dans la forêt, visiblement très douée en combat à mains nues, et parlant une langue totalement inconnue. De nombreux aspects de la vie quotidienne (manger de la viande, le sens de la pudeur) la plonge dans la stupéfaction, ainsi que certaines inventions modernes, comme la voiture ou les scanners médicaux. Son intellect, ainsi que ses capacités physiques, sont par contre largement supérieurs à ceux du commun des mortels.



Paul s’intéresse d’autant plus à son cas que l’histoire de cette jeune fille fait écho à ses terreurs d’enfant : se réveiller, découvrir que plus personne ne se souvient de lui (y compris ses parents), et que le monde tel qu’il le connaît n’existe plus.



Mais évidemment, sa formation de médecin l’incite à la prudence : ça ne serait pas la première fois qu’un de ses patients ait des visions et un monde intérieur très riche, très complet, à propos duquel il pourrait s’étendre pendant des heures. Les premiers examens ne révèlent pourtant rien d’anormal. Alors, accepter les explications de la jeune femme et les conclusions logiques qui s’imposent ? Ou s’acharner à lui faire passer tous les examens possibles jusqu’à tomber sur la faille qui permettra de la « démasquer » et de la soigner ?



Le roman est classé science-fiction, et il y a un petit côté « méta », puisque le plus grand intérêt du livre est de deviner justement s’il a été correctement classé par l’éditeur. On pourrait presque le classer en « polar » puisque l’auteur multiplie les fausses pistes, les contradictions dans les témoignages, et les soupçons sur l’honnêteté de tel ou tel personnage.



Ce livre est une curieuse expérience, bien éloigné de ce qu’on pourrait s’attendre en achetant de la science-fiction : l’histoire est une introspection très fouillée du personnage principal, sur la conscience de ses faiblesses et sa peur de ne pas pouvoir faire face à ses propres démons, condition nécessaire avant de pouvoir aider les autres.



L’auteur a en tout cas le don de toujours me surprendre, quel que soit son angle d’attaque.
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Le voyageur en noir (Le passager de la nuit)

Brunner est fort bien placé dans mon Panthéon des auteurs SF , « Le Troupeau aveugle », « Tous à Zanzibar » sont pour moi ses incontournables . mais j’ignorais qu’il avait aussi écrit dans le domaine de la fantasy .Aussi c’est avec curiosité et gourmandise que j’ai ouvert cet ouvrage : il se présente sous la forme de 5 textes produit en 19 ans . Un même personnage en est le héros éponyme : « voyageur en noir » armé d’un « bâton de lumière » , il ne paie pas de mine mais possède de redoutables pouvoirs , lui permettant de dompter les puissances du Chaos et de réaliser les vœux des humains (ce qui ne leur est pas toujours bénéfique). Il évolue dans un univers classique de fantasy : nom exotiques , cultes déments, êtres maléfiques ,artefacts magiques . Sa tâche est d’éradiquer la magie et de faire accéder le monde à la rationalité. Ce qu’il fait non sans une certaine mélancolie. Le ton est celui de la fable , proche des histoires de « La Terre mourante » de Jack Vance ou de Moorcock . Mais le personnage évoque aussi les personnages d’Austin Train et Chad Mulligan des romans cités ci-dessus , prophètes de malheurs criant dans le désert .Car ce que constate Le voyageur en noir , c’est la responsabilité humaine , celle des apprentis sorciers qui utilisent la magie pour satisfaire leur hubris , leur cupidité ou leur lubricité. Un texte de qualité ,d’une grande finesse et proposant un vrai plaisir de lecture.
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