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Citation de deuxquatredeux


John Coltrane
Un grand merci pour m’avoir envoyé le beau livre d’Aaron Copland, Musique et imagination. Je l’ai trouvé très utile d’un point de vue historique et dans l’ensemble bien documenté. Toutefois, je ne crois pas que tous ses principes soient pleinement essentiels ou applicables à un musicien de « jazz ». J’ai l’impression que ce livre s’adresse plutôt à un compositeur américain classique ou semi-classique qui est confronté au problème, que Copland a bien vu, de ne pas se sentir comme faisant partie intégrante d’une communauté musicale, ou ayant des difficultés à trouver une philosophie positive ou une justification à son art. Le musicien de « jazz » (cette appellation ou un autre du même genre que celles qu’on nous a collées sur le dos, peu importe) n’a pas du tout ce problème. Il n’y a absolument aucune raison pour que nous nous fassions du souci à propos d’un manque de philosophie positive ou affirmative. Elle fait partie de nous. Le phrasé, le son de cette musique en témoignent. C’est un don naturel. Je peux t’assurer que nous serions tous morts depuis belle lurette si ce n’était pas le cas. Et quant à la communauté, la terre tout entière est notre communauté. Tu vois, pour nous, c’est plutôt facile de créer. Nous sommes nés avec ce sentiment qui s’exprime simplement quelles qu’en soient les conditions. Sans quoi comment crois-tu que nos pères fondateurs auraient pu produire cette musique au début, alors qu’il ne fait aucun doute qu’ils vivaient (comme pas mal d’entre nous aujourd’hui) au sein de communautés hostiles, où il étaient sans cesse confrontés à la peur et avaient vraisemblablement peu de choses auxquelles ils pouvaient se raccrocher. Toute musique qui peut grandir et se développer elle-même comme l’a fait notre musique, doit avoir en elle une sacrée dose de conviction positive. Quiconque prétend douter de cela, ou prétend croire que les représentants de notre musique de liberté ne sont pas guidés par cette même idée, est soit de parti pris, musicalement stérile, carrément idiot ou encore a une idée derrière la tête. Crois-moi, Don, nous savons tous que ce monde de « Liberté », qu’un grand nombre de gens semble craindre aujourd’hui, a sacrément à voir avec cette musique. En tous cas, j’ai trouvé chez Copland pas mal de points positifs. Par exemple : « Je ne peux pas imaginer une œuvre d’art qui soit sans convictions implicites. » – Moi non plus ! Je suis sûr que toi et d’autres aurez apprécié et appris beaucoup de choses dans ce livre si bien écrit.

Lettre de John Coltrane à Don DeMichael, 2 Juin 1962.
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